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Les procureurs du roi, greffiers et gruyers

38 stères.

Les verdiers et gardes-marteau (gardes généraux). 38
Les sergents collecteurs des amendes.

23

Les sergents à garde (brigadiers et gardes). . . 23

On voit par ces chiffres que les forestiers d'autrefois étaient traités libéralement. Malheureusement pour eux, le chauffage fut accordé à des fonctionnaires étrangers aux forêts, à des religieux, à des hôpitaux, à des communautés. Ces concessions se multiplièrent et, jointes à l'exercice d'autres droits d'usage, elles finirent par absorber une telle quantité de bois, qu'une réforme radicale parut nécessaire à Louis XIV ou plutôt à son ministre Colbert, qui répétait souvent le mot de Sully: « La France périra faute de bois. » La fameuse ordonnance de 1669, titre XX, supprima ou convertit en argent tous les droits de chauffage, et ne conserva en nature que ceux concédés par les souverains pour la fondation ou dotation d'établissements religieux, et encore à la condition que les délivrances ne dépasseraient pas la possibilité des forêts.

Les officiers des maîtrises furent ainsi victimes d'une mesure générale, et privés à tout jamais des fournitures qui leur étaient faites par les adjudicataires de coupes.

Le commentateur Pecquet prétend que cette mesure fut motivée à leur égard par les « grands inconvéniens résultans particulièrement des liai« sons de complaisance et de connivence que cela laissoit subsister, ou <«< auxquelles cela pouvoit donner lieu entre les officiers et les mar<< chands. >>>

Nous avons peine à croire que ce soit là le vrai motif. Ce n'est pas que nous voulions nier les inconvénients signalés; mais il est évident que l'indépendance des officiers n'avait rien à gagner à la suppression du droit de chauffage; car, les obliger à se mettre en rapport avec les marchands de bois pour l'acquisition de leur combustible, c'était augmenter les chances de corruption au lieu de les restreindre, c'était tomber de Charybde en Scylla.

La crainte de l'épuisement des forêts par suite de l'extension croissante des concessions, telle fut la cause réelle de la réforme le commentateur Gallon l'a bien compris. Aussi ne se plaint-il pas du privilége des officiers, mais des concessions en général et du progrès de la consommation.

<«< Anciennement, dit-il (1), on faisoit facilement des concessions de bois, par la grande quantité qu'il y en avoit alors en France, et le peu de monde pour le brûler; mais depuis, les forêts sont diminuées de plus des

(1) Conférence de l'ordonnance de Louis XIV sur le fait des eaux et forêts, t. II, p. 45 de la 2e édition.

trois quarts; les peuples sont augmentez, et les hommes devenus plus voluptueux en toutes choses, se chauffant plus que ne faisoient autrefois nos pères, qui, s'ils se chauffoient, ne se mettoient pas du moins en peine de quelle sorte de bois ce fût, à l'exemple même des rois, comme il paroit par les ordonnances de juillet 1376, mars 1388, septembre 1402, mars 1515, par lesquelles ils ordonnoient de ne prendre pour leurs chauffages que des arbres chablis, abattus ou secs; au lieu que présentement il n'y a pas jusqu'au moindre petit bourgeois qui ne brûle du bois neuf, c'està-dire qui ait été coupé vif, parce que le feu en est plus ardent et qu'il rend plus de chaleur, le bois mort et même le bois flotté n'étant que pour les petites gens ou pour l'usage de la cuisine; ce qui en fait une cousommation si extraordinaire, qu'il seroit du bien de l'Etat, pour la conservation et aménagement des bois et forêts, d'y apporter quelque ordre, en défendant, sous de rigoureuses peines, de convertir en bois de chauffage tout ce qui pourroit être propre à faire charpente, cuves, barriques ou autre usage nécessaire. »

« Ce qui a encore beaucoup augmenté la consommation du bois, dit l'un des continuateurs de Gallon, c'est le grand nombre de feux qu'on fait aujourd'hui (1752) dans les ménages de gens médiocres; au lieu qu'autrefois même des gens distingués n'en faisoient qu'un seul, recevoient et travailloient dans une chambre commune, comme faisoit M. de Saumaise, conseiller au Parlement. Ce qui faisoit dire à M. Ménage qu'il ressembloit à l'Eumolpe de Pétrone, lequel travailloit durant la tempête.»> -(( - « M. de Saumaise, ajoute M. Ménage, était à peu près de cette humeur; parmi tout le bruit que faisoient sa femme, ses enfants et ses domestiques, il ne laissoit pas de composer dans un coin de la chambre, aussi tranquillement que s'il eût été dans son cabinet. »>

Depuis un siècle, l'usage de plusieurs feux dans la même maison a fait encore des progrès. Mais il faut dire qu'aujourd'hui les appartements sont moins vastes, mieux clos, munis de meilleurs appareils de chauffage, de sorte que l'on ne brûle pas plus de bois dans quatre cheminées modernes que dans une seule de ces cheminées gigantesques dont quelques-unes subsistent pour l'agrément des archéologues. Il n'est guère de ménages riches de nos jours, qui, tout en allumant cinq ou six feux, consomment autant de bois que les anciens maîtres et grands maîtres des eaux et forêts. Les agents actuels se contenteraient certainement de quantités de bois beaucoup moindres que celles qui leur étaient attribuées autrefois, si le droit de chauffage était rétabli en leur faveur.

L'agent forestier qui plante, surveille, aménage et fait exploiter les forêts, qui prend soin du chauffage de tous, ne peut pas prendre un morceau de bois pour son foyer; le bois qu'il brûle, il est forcé de le payer

au marchand de bois qu'il contrôle et qu'il poursuit. C'est-là un inconvénient sérieux. Une commande à faire, un prix à débattre, une facture à solder, il n'en faut pas davantage pour faire naître des relations et parfois des abus regrettables. A ce premier point de vue, il pourrait paraître désirable que la prérogative du chauffage fut rendue à l'agent forestier; il y aurait quelque dignité à l'affranchir ainsi de tout contact mercantile et privé avec les marchands de bois.

Cette mesure pourrait en outre offrir une certaine opportunité au point de vue du bien-être des agents. Naguère, l'administration des forêts pouvait stimuler le zèle de son personnel, en distribuant le tiers des amendes. Aujourd'hui, ce moyen d'encouragement n'existe plus c'est une perte pour les agents. Les augmentations de traitement n'ont pas compensé la suppression des gratifications; elles n'ont fait que parer à la dépréciation de l'argent.

Du reste, il serait superflu de s'étendre plus longuement sur l'opportunité du chauffage des agents. L'administration, qui a senti la nécessité d'améliorer le sort des gardes des forêts de l'Etat, et de les soustraire a toute fâcheuse influence (1), et qui, depuis 1837, leur accorde à chacun 8 stères et 100 fagots (2), s'est aussi préoccupée des agents. Elle a, dit-on, reconnu qu'une concession analogue leur serait avantageuse, en même temps qu'elle offrirait à l'Etat une garantie de plus de service intègre; mais, des difficultés d'exécution l'auraient arrêtée.

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Première difficulté. Les agents ne résident pas tous à proximité des forêts domaniales; quelques-uns même n'en ont aucune dans leur circonscription. Un certain nombre d'entre eux seraient donc privés du bénéfice dont jouiraient leurs confrères, ce qui ne serait pas juste.

Seconde difficulté. Les agents, étant plus nombreux que les officiers des maîtrises, leur chauffage pèserait trop lourdement sur les coupes. Ces difficultés sont-elles insurmontables?

Relativement à la première, on peut dire que depuis plusieurs années les chemins de fer abrégent les distances, et que le bois de feu serait livré, aujourd'hui, sans trop de frais, à plus d'agents qu'en 1857. Le plus grand nombre recevraient donc le chauffage en nature, les autres le recevraient en argent; la dépense qui en résulterait serait peu considérable, comme nous le verrons tout à l'heure.

(1) Circulaire du 3 juillet 1837, no 395, contenant la décision ministérielle du 22 juin précédent sur le chauffage des gardes.

(2) Les brigadiers de l'Etat ont droit au même chauffage. Les brigadiers et gardes mixtes n'en jouissent que dans la proportion de leur traitement domanial; ne serait-il pas à désirer que la même faveur fût accordée en nature ou en argent aux employés sédentaires, qui sont aussi exposés à de fâcheuses influences. Les préposés de la pêche reçoivent une indemnité de 75 francs pour logement et chauffage.

Quant à la seconde difficulté, elle est moins grave qu'il semble. D'abord, si les agents sont plus nombreux que les officiers des maîtrises, le domaine de l'Etat, enrichi des biens du clergé, compte aussi beaucoup plus de forêts; le boisement domanial, malgré les aliénations, est encore plus du double de ce qu'il était au temps de Louis XIV (1). Le nombre des chauffages serait donc à peu près le même, toutes proportions gardées; ensuite, il ne serait plus question d'imposer sur les coupes des centaines de stères pour chaque agent; les prétentions actuelles seraient plus modestes, plus conformes aux habitudes d'économie qui se sont introduites dans les foyers modernes, au fur et à mesure que le bois est devenu plus précieux; et, de plus, en fixant la quotité des chauffages suivant l'état de maison et non suivant le grade, on pourrait alléger singulièrement cette nouvelle charge des coupes.

Ne pourrait-on pas procéder ainsi :

Les agents seraient divisés en deux catégories : les agents à bureau, c'est-à-dire à commis et bureau permanent, et les agents sans bureau, c'est-à-dire travaillant seuls. Dans chaque catégorie on distinguerait les agents ayant ménage et famille, qui recevraient le chauffage n° 1, ou le plus fort; les agents ayant ménage sans famille, qui recevraient le chauffage n° 2, ou moyen; et les agents sans ménage et sans famille, qui recevraient le chauffage n° 3, ou le plus faible.

Pour la première catégorie, le chauffage n° 1 se composerait de 25 stères et 400 fagots; le chauffage n° 2, de 20 stères et 300 fagots; le chauffage n° 3, de 15 stères et de 200 fagots.

Dans la seconde catégorie, le chauffage n° 1 consisterait en 20 stères et 300 fagots; le chauffage n° 2, en 15 stères et 200 fagots; et le chauffage n° 3, en 10 stères et 100 fagots.

Ces diverses quantités seraient augmentées d'un cinquième lorsque la fourniture serait faite en bois résineux ou en bois tendre, et diminuée dans la même proportion lorsqu'elle serait faite en bois d'yeuse.

Les chauffages ainsi constitués satisferaient sans luxe aux besoins du plus grand nombre. En cas d'insuffisance, chacun les compléterait avec la houille, l'anthracite, le coke, la tourbe, le lignite, le charbon de bois, la tannée, les sarments, etc., tous combustibles que l'on se procure ordinairement sans recourir aux marchands de bois.

En adoptant le prix moyen de 10 francs pour le stère, et 25 francs pour le 100 de fagots (2), les chauffages de la première catégorie vaudraient : le no 1,

(1) Boisement de 1686 : 496,122 hectares. Boisement de 1858 d'après les états d'assiette: 1,077,046 hectares.

(2) Les fagots auraient 2 mètres de long, sur 1 mètre de tour et non 1,33 sur 0,83, comme l'indique la circulaire no 395.

350 francs; le n° 2, 275 francs; le n° 3, 200 francs. Et dans la seconde catégorie, le n° 1, 275 francs; le n° 2, 200 francs; et le n° 3, 125 francs.

Groupant toutes ces données, on aurait le tableau suivant :

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On peut supputer maintenant, à vol d'oiseau, quelle serait l'importance du nouveau sacrifice demandé à l'Etat.

Le personnel des agents comprend 34 conservateurs, 175 inspecteurs, 240 sous-inspecteurs et 362 gardes généraux. Supposons :

Que les neuf dixièmes des conservateurs et inspecteurs, agents à bureau, aient ménage et famille, et qu'un dixième seulement vive en ménage sans famille, on aurait :

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Que les huit dixièmes des sous-inspecteurs aient droit au chauffage n° 1; un dixième, au chauffage n° 2; et un dixième, au chauffage n° 3 de la seconde catégorie on aurait :

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Qu'un dixième des gardes généraux ait droit au chauffage n° 1; un dixième, au chauffage n° 2; et huit dixièmes au chauffage n° 3 de la seconde catégorie, cela donnerait :

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(1) L'administration des forêts remplacerait facilement ce chiffre hypothétique par un

chiffre exact, qui serait peut-être plus faible.

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