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nant par conséquent le côté du chenal, qu'il avait à son babord; qu'arrivé près du dernier de ces navires, le Lorretto-Fisch, mouillé devant l'écluse d'Austruweel, il aperçut par son tribord le feu rouge d'un steamer, à la hauteur du quai du Rhin, et qu'aussitôt après avoir dépassé le Lorretto Fish il mit la barre à babord pour se diriger vers la rive gauche ;

Que ce steamer qui était le Comte de Hainaut, capitaine Kersting, voyant par babord le feu vert du remorqueur, mit sa barre à tribord pour se diriger également vers la rive gauche, et qu'après avoir doublé la pointe des anguilles, il aborda avec son étrave le côté babord arrière du Goliath qui sombra presqu'immédiatement ;

Attendu que l'arrêté royal du 18 janvier 1875, pris à la suite des plaintes occasionnées par les services de bateaux à vapeur pour le transport des voyageurs entre Anvers, Tamise et Boom, ne concerne que les bâtiments qui naviguent en amont d'Anvers ;

Attendu que le Goliath et le Comte de Hainaut sont tous les deux des navires de mer;

Que la navigation dans les parties d'un fleuve où le flux et le reflux de la mer se font sentir, et par conséquent dans l'Escaut devant Anvers, est une navigation maritime; que c'est donc l'arrêté royal du 1er août 1881 qui doit être appliqué dans l'espèce;

Attendu qu'aux termes de l'art. 21 de cet arrêté, les deux steamers se trouvant dans une passe étroite, devaient prendre chacun le côté du chenal à son tribord;

Que le Goliath s'y est conformé en se dirigeant vers la rive gauche, aussitôt qu'ayant aperçu le Comte de Hainaut, il eut dépassé le Loretto Fish, c'est-à-dire dès qu'il lui fut possible de le faire;

Que le Comte de Hainaut, au contraire, en se rapprochant de la même rive, a pris le côté du chenal à son babord ;

Attendu que, pour expliquer cette manœuvre, le capitaine Kersting allègue que le Goliath aurait dù prendre la rive gauche avant de dépasser les navires mouillés devant Austruweel; que, le voyant au contraire longer la rive droite, il a été induit en erreur et a cru que le remorqueur continuerait cette route, d'autant plus que, n'apercevant pas les feux de position du navire remorqué, il a supposé que le

remorqueur l'avait à la traîne et ne pourrait dans ces conditions se garer en temps utile ;

Attendu qu'au moment où les deux navires sont arrivés en vue l'un de l'autre, ils se trouvaient, le Comte de Hainaut, en amont, et le Goliath en aval du coude formé par l'Escaut ; que ce dernier, eût-il même pris la rive gauche, devait nécessairement présenter son feu vert à l'autre ; qu'en voyant apparaître ce feu vert à tribord du Loretto Fish, le capitaine Kersting pouvait simplement en conclure que le remorqueur avait passé entre les navires mouillés et la rive droite; mais qu'il devait savoir, comme tous ceux qui pratiquent la rivière, qu'entre la partie du chenal d'Austruweel affectée au mouillage et la rive droite, il reste assez d'espace pour que des navires marchant en sens opposé puissent s'y engager;

Qu'il importait donc peu que le remorqueur eût un navire à la traîne, s'il se tenait, comme les experts le déclarent, assez éloigné de la rive droite pour permettre au Comte de Hainaut de passer à babord; que rien n'autorisait le captaine Kersting à présumer que le remorqueur serrait la côte de trop près pour ne pas lui laisser un passage suffisant; surtout à marée haute;

Que cependant il est venu sur babord aussitôt qu'il a aperçu le feu vert du Goliath, c'est à dire lorsqu'il en était encore à mille mètres; Attendu que celui-ci, quoiqu'en contravention en ce moment, avait encore le temps de gagner la rive gauche; que le capitaine Kersting ne devait pas supposer que le remorqueur garderait la rive droite, contrairement au règlement, à l'approche d'un autre bâtiment qui lui présentait son feu rouge et qui, persistant à le lui montrer, l'invitait par cela même à reprendre sa route réglementaire ;

Que, du reste, la même manœuvre était imposée au Goliath par l'art. 7 de l'arrêté royal du 8 mars 1851 ou l'art. 31 de l'arrêté royal du 18 janvier 1875, qui prescrivent aux navires à vapeur marchant en sens inverse de mettre la barre pour se passer à babord;

Qu'elle lui était encore commandée par l'art. 16 de l'arrêté royal du 1er août 1880 prévoyant le cas où les bâtiments à vapeur font des routes qui se croisent; qu'en effet le Goliath, ayant vu le Comte de Hainaut par tribord, devait s'écarter de la route de ce navire, mais

que ce dernier devait à son tour, conformément à l'art. 22, continuer la sienne, c'est à dire celle qui lui était tracée par l'art. 21 et par conséquent garder le côté du chenal à son tribord, soit la rive droite;

Attendu que le capitaine Kersting n'avait done aucun motif de s'en écarter; que, d'autre part, aucun obstacle, ni aucune cause particulière ne l'y forçait pour éviter un danger immédiat;

Que la difficulté de reconnaître, à raison de la courbe du fleuve, la position exacte du remorqueur, et les doutes qu'il aurait eus sur la direction que celui-ci devait prendre, devaient le déterminer d'abord à respecter lui-même le règlement et ensuite à observer les mouvements du Goliath ;

Qu'il le pouvait d'autant mieux que, marchant contre la marée, il manœuvrait plus facilement que le Goliath qui descendait le courant avec un autre bateau à la remorque ;

Qu'il devait aussi diminuer de vitesse, au lieu de conserver celle de 7 milles à l'heure que les experts considèrent même comme immodérée;

Qu'il était enfin obligé de redoubler de précautions au moment où il changeait sa route contrairement à tous les règlements;

Attendu que le capitaine Kersting a donc commis une faute lourde en ne ralentissant pas son allure et en se dirigeant sans raison plausible vers la rive gauche ;

Mais attendu que si rien ne justifie sa méprise, le capitaine du Goliath a néanmoins pu y donner lieu en prenant momentanément la rive droite et en disposant ses finaux comme il l'a fait; que, dès lors, il eut dù, au moment où il reprenait sa rive réglementaire, annoncer son changement de route par un coup de sifflet bref pour dire je viens sur tribord.

Que si, comme il l'allègue, il a fait entendre son sifflet et a continué à le faire entendre par intervalles rapprochés, la signification de ces coups de sifflet n'était pas d'accord avec le mouvement qu'il exécutait;

Que si les signaux sont facultatifs aux termes de l'art. 19 de l'arrêté du 1er août 1880, l'expérience ordinaire du marin et les circon

stances où il s'était placé lui faisaient,après la contravention qu'il avait commise, un devoir d'y recourir pour dissiper toute équivoque ;

Qu'il aurait de plus et pour les mêmes motifs dû accentuer davantage sa barre babord;

Que cependant, s'il a à cet égard commis une faute, le Comte de Hainaut a contribué à en aggraver les conséquences en venant au même instant sur babord;

Qu'en effet, il a ainsi traversé diagonalement la courbe du fleuve, prenant une direction qui, prolongée en ligne droite, coupait obliquement par tribord la route nouvelle mais réglementaire du Goliath, dont il ne continuait par suite à voir que le feu vert, tandis que, s'il s'était rapproché de la rive droite, comme le lui prescrivait l'art. 21, et avait par conséquent suivi la courbe du fleuve, sa route fût bientôt devenue parallèle à celle du Goliath et lui eût permis d'apercevoir plus tôt le feu rouge de celui-ci ;

Qu'au surplus, le même reproche pourrait, avec bien plus de raison, être retorqué contre le Comte de Hainaut ;

Qu'en effet, la manoeuvre du Goliath était facile à prévoir puisqu'elle était commandée par le règlement, tandis que celle du Comte de Hainaut, prenant la rive du chenal qu'il avait à babord, y était absolument contraire, et aurait dû être indiquée davantage; que, de plus, le Comte de Hainaut était primitivement, de son propre aveu, au milieu de la passe thalweg, ce qui a diminué l'angle de son évitement; qu'au contraire, s'il s'était trouvé sur la rive droite comme le voulait le règlement, la manœuvre vers la pointe des anguilles eût été plus prononcée et il eût présenté plus tôt son feu vert au Goliath ;

Attendu que, d'après les experts, le Goliath aurait dû au dernier moment battre pleine vitesse en arrière, au lieu de mettre la barre à babord tout;

Qu'il objecte vainement qu'on ne peut exiger qu'un capitaine ait, au moment d'un péril imminent, toute la présence d'esprit nécessaire pour ordonner instantanément la manoeuvre la plus utile;

Qu'en effet, celle-ci était tout indiquée par le règlement lui-même dont l'art. 18 prescrit à tout navire à vapeur qui en approche un autre

au point de faire craindre un abordage, de diminuer de vitesse ou stopper et même marcher en arrière, si cela est nécessaire ;

Que le capitaine du Goliath, habitué du reste à naviguer sur l'Escaut, devait donc se tenir prêt, dès qu'il fut en vue du Comte de Hainaut, à commander le mouvement le plus opportun, d'autant plus qu'il était déjà en faute;

Attendu qu'en tenant compte des fautes communes des deux capitaines, il y a lieu de condamner les intimés à deux tiers et l'appelante à un tiers du dommage;

Attendu que les experts constatent que les travaux de sauvetage opérés par les appelants ont subi un retard de 3 jours qui a occasionné un surcroît de dépenses de fr. 1,567.87; que les intimés prétendent déduire cette somme des frais de renflouement, mais ne justifient pas, ni n'offrent de justifier que les appelants, qui ont agi dans l'intérêt commun, aient commis une faute;

Que c'est à juste titre que le premier juge a fixé à fr. 35 par jour l'indemnité de chômage;

Par ces motifs,

La Cour,

Met à néant l'appel principal et l'appel incident; confirme le jugement dont appel, condamne l'appelant aux dépens.

Du 8 Décembre 1882. COUR DE BRUXELLES. 2 CH. Prés. M. EECKMAN.

Pl. Mes LOUIS LECLERCQ et EDMOND PICARD.

FAILLITE.

-

- CON

DÉCLARATION DE FAILLITE. OPPOSITION.
CORDAT AMIABLE. INEXÉCUTION DES CONDITIONS.

Si un débiteur qui est parvenu à faire un arrangement avec ses créanciers, ne peut plus être considéré comme étant en état de cessation de paiements, ce.n'est que pour autant et aussi longtemps qu'il exécute strictement l'arrangement conclu.

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