Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

elles blessent à la fois les principes généraux, les justes droits du créancier, l'intérêt même du crédit foncier; et l'expérience atteste hautement l'inutilité du secours qu'elles accordent au débiteur (1).

Cependant, le législateur belge, loin d'abréger ce délai, l'a doublé au contraire et porté de trois à six mois. Voici les raisons données par le rapport de la commission de la Chambre pour justifier cette innovation :

« L'article 674 du Code de procédure voulait que le commandement fût réitéré, s'il n'avait pas été suivi de saisie dans le délai de trois mois. Ce délai était évidemment trop court; il avait pour conséquence de porter atteinte au crédit et de forcer le créancier à agir, quand même il aurait voulu accorder à son débiteur de plus grandes facilités. Le projet corrige ce que le Code de procédure renferme de trop rigoureux et, admettant la disposition de l'article 784 relativement à la contrainte par corps, il autorise la suspension des poursuites pendant un an sans qu'il y ait péremption du commandement. La commission a pensé devoir réduire ce terme à six mois, parce qu'ayant admis sur l'art. 31 le dessaisissement du débiteur à partir de l'inscription du commandement, elle a cru que, dans l'intérêt du crédit, il ne devait pas être permis au créancier de prolonger, pendant un aussi long terme, la position incertaine où se trouve le débiteur, et l'interdiction dont il est frappé relativement à l'aliénation de ses immeubles. »

Au Sénat, l'on a proposé de réduire à dix jours le délai entre la saisie et le commandement. Mais cette proposition n'a point été adoptée, sur l'observation de M. d'Anethan qu'en supprimant le procès-verbal de (1) Lois annotées, 1841, p. 221.

saisie, il convenait de laisser un peu plus de temps au débiteur.

Sous le Code de procédure civile, le délai était de trente jours après le commendement.

2. Le délai de quinze jours à partir du commandement est un délai franc.

« Dans ce délai, dit le rapport de M. Lelièvre, ne sont compris ni le jour du commandement, ni celui de la saisie. » L'opinion exprimée par l'honorable rapporteur et implicitement sanctionnée par la Chambre est conforme aux principes généraux en matière de délais. Aux termes de l'article 1033 du Code de procédure civile, le jour de la signification ni celui de l'échéance ne sont jamais comptés dans le délai général fixé pour les ajournements, les citations, sommations et autres actes faits à personne ou à domicile (1).

En outre, le texte est formel: la saisie immobilière ne pourra être faite que quinze jours après le commandement; si elle était faite le quinzième jour, elle aurait lieu quatorze et non quinze jours après le commande

ment.

3. Le délai de quinzaine est un délai spécial. Il n'est point augmenté à raison des distances.

On a soutenu le contraire; l'on a dit que l'article 1033, qui augmente d'un jour par trois myriamètres de distance le délai fixé pour les ajournements, sommations et autres actes faits à personne ou à domicile, est général et qu'il s'applique par conséquent aux commandements à fin de saisie qui sont de véritables somma

(1) Carré, q. 2217; Pigeau, t. II, p. 193; Favard, v° Saisie immobilière, t. V, p. 47, no 1; Thomine, t. II, p. 405; Persil, Ventes judiciaires, no 81; Lachaize, t. I, p. 222; Le Page, p. 436; Dalloz, vo Saisie immobilière,

n° 429

tions, avec d'autant plus de raison que l'on reconnaît généralement que le délai est franc et que l'article 1033 comprend dans une seule et même disposition la franchise du délai et l'augmentation du délai à raison des distances.

La preuve que l'article 1033 du Code de procédure civile, malgré sa généralité, n'est pas applicable aux délais prescrits en matière de saisie immobilière résulte de cette circonstance que, dans les cas où la loi de 1854 veut que l'article 1033 du Code de procédure civile soit appliqué, elle a eu soin de s'en expliquer formellement. C'est ainsi que d'après l'article 32, l'assignation en validité doit être donnée à l'effet de comparaître devant le tribunal dans les délais déterminés par les articles 72 et 1033 du Code de procédure civile. » Si la loi de 1854 ne formait pas un système complet de procédure sur la saisie immobilière, qui se suffit sans rien emprunter au Code de procédure civile, ce renvoi à l'article 1033 eût été complétement inutile (1).

Pour les mêmes raisons, l'article 73 du Code de procédure civile n'est pas applicable au cas où le débiteur ne demeure pas en Belgique. Sur ce point encore, le rapport de M. Lelièvre s'exprime explicitement et le doute n'est pas possible. Il s'agit ici, dit-il, d'un délai spécial auquel l'article 73 du Code de procédure doit rester étranger. »

[ocr errors]

4. Ce délai ne peut pas être prolongé par le juge en considération de la position du débiteur. Le projet primitif accordait cette faculté au juge de référé. « Néanmoins, disait-il, si le débiteur fait offre de garanties

(1) Chauveau, q. 2217; Bioche, vo Saisie immobilière, no 145. Cass. Fr., 8 avril 1862 (S.-V., 1862, 1, 1045).

suffisantes, le juge de référé pourra, en considération de sa position, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, porter le délai à deux mois, sur l'opposition faite au commandement. »

66

Cette disposition a été écartée par la commission de la Chambre. Il ne convient pas, dit le rapport, de conférer au débiteur de nouveaux moyens de retarder l'exécution de ses obligations; on ne sait que trop combien certains débiteurs sont déjà féconds en expédients de ce genre. Le pouvoir que le projet défère au président peut du reste donner lieu à des inconvénients. La commission a pensé devoir rejeter toute prescription de nature à paralyser une poursuite légitime. »

5. D'après l'article 99 de la loi hypothécaire, le délai entre le commandement au débiteur originaire et la saisie immobilière pratiquée sur le tiers détenteur est de trente jours.

Je pense que cette disposition est abrogée quant au délai et que celui-ci est réduit à quinze jours par la loi de 1854. La disposition de l'article 16 de cette loi est générale; elle a pour but de hâter la marche de la procédure; elle est édictée pour toutes les saisies immobilières, qu'elles soient poursuivies contre le débiteur direct ou contre un tiers détenteur. Il est impossible que le législateur ait voulu établir, pour ces deux cas, deux délais différents. L'article 99 de la loi hypothécaire, en fixant le délai à trente jours, ne faisait que rappeler la disposition de l'article 674 du Code de procédure civile et n'entendait nullement fixer un délai spécial, différent de celui établi pour les saisies immobilières en général.

6. Y a-t-il un délai légal à observer entre la sommation au tiers détenteur et la saisie?

Je ne le crois pas. L'article 99 dit : « Chaque créancier a droit de faire vendre l'immeuble hypothéqué, trente jours après commandement, et sommation faite au tiers détenteur. La préposition après ne régit que commandement, elle ne s'applique point à sommation. Cela résulte de la ponctuation, de la virgule qui se trouve avant et sommation. En effet, il est de règle qu'on écrit sans virgule les parties semblables d'une proposition unies par et, ni, ou (1), et qu'on place la virgule avant la conjonction et seulement lorsqu'elle unit deux propositions coordonnées, mais plus ou moins opposées l'une à l'autre. S'il n'y avait point de virgule avant et, la préposition après régirait sommation aussi bien que commandement; mais cette virgule indique qu'une autre idée commence; le législateur a voulu dire en termes concis: Trente jours après commandement fait au débiteur originaire et une sommation ayant été faite au tiers détenteur. »

D'après M. Pont, au contraire, la raison dit que la préposition après régit la sommation aussi bien que le commandement. C'est donc, selon lui, quand trente jours sont écoulés après le commandement ou après la sommation, c'est-à-dire après celui des deux actes qui a été fait le dernier, que le créancier peut, si la mise en demeure est restée sans résultat, entamer par la saisie les poursuites de vente (2).

Cette interprétation doit être rejetée; elle aboutit à un résultat contraire au texte de la loi; elle prolonge

(1) Poitevin, Grammaire française, t. II, p. 273.

(2) Hyp., art. 2169, no 1152.

« PreviousContinue »