Page images
PDF
EPUB

autorisée par le président.

Ce dernier mode de vente

constitue une dérogation à ce principe général en matière d'exécution forcée que, pour disposer de la propriété d'un saisi, il faut la garantie judiciaire d'un fonctionnaire responsable envers la justice, les créanciers et le débiteur. Aussi quoique la loi, d'après ses termes, place sur la même ligne la vente aux enchères et la vente à l'amiable, est-il dans son esprit que celle-ci n'ait lieu qu'exceptionnellement, lorsque la quantité des fruits qu'il s'agit de réaliser est trop petite pour comporter les frais d'une vente aux enchères.

Dans la discussion de la loi française de 1841, à laquelle cette disposition est empruntée, M. Persil en a nettement indiqué le but et la portée : « On gémit dans nos campagnes de voir les fruits d'un modeste héritage qui, de gré ou suivant la mercuriale, auraient pu être vendus sur place ou sur le marché le plus voisin, 40, 50 ou 100 francs, utilement appliqués aux intêrêts de la créance du poursuivant, et souvent en à-compte sur le capital, se réduire à rien ou presque à rien à cause des droits du fisc, des frais d'affiches, d'annonces et des rétributions attribuées aux officiers ministériels. »

La vente à l'amiable est donc une mesure subsidiaire; c'est uniquement pour les ventes de minime importance que le président doit l'ordonner. Mais chaque fois que l'importance de la vente comporte des frais de publicité, c'est un devoir moral pour le président de prescrire la vente publique qui peut seule, par la concurrence des enchères, faire atteindre aux fruits exposés en vente leur plus haute valeur.

Le président ne peut autoriser le créancier, d'une manière générale, à vendre à l'amiable les fruits de son

débiteur; son autorisation doit être spéciale, c'est-à-dire indiquer à quel prix ou tout au moins un minimum.

Quoique la loi ne le lui interdise pas, il ne saurait autoriser la vente à un prix au-dessous de la mercuriale. La loi, en lui accordant le droit d'autoriser la vente aux enchères, lui reconnaît implicitement le droit de fixer les conditions de la vente; sinon celles-ci feraient l'objet d'un conflit entre le créancier et le débiteur. Son ordonnance indiquera donc si la vente aura lieu au comptant ou à terme.

Le président peut aussi, selon moi, désigner l'officier ministériel qui sera chargé de faire la vente. Puisque c'est le tribunal qui nomme le notaire qui procédera à la vente des immeubles saisis (article 32), il est rationnel que le président nomme l'officier public qui procédera à la vente des fruits.

Mais il ne peut désigner d'autres personnes que les officiers publics qui, d'après la loi du 22 pluviôse an vII, ont seuls qualité pour procéder aux ventes publiques d'objets mobiliers, c'est-à-dire, les notaires, les greffiers et les huissiers.

Il ne saurait non plus dispenser de la consiguation du prix, puisque cette mesure est prescrite par la loi.

§ 3,

DE L'IMMOBILISATION DES FRUITS COUPÉS.

26. En règle générale, les grains coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, sont meubles; de même, les coupes ordinaires de bois taillis ou de futaies mises en coupe réglée deviennent meubles au fur et à mesure que les arbres sont abattus (art. 520, 521, Code civil),

Aussi, la vente de fruits pendants par racines, de bois non coupés pour être coupés et enlevés, a-t-elle pour effet de mobiliser ces objets et est-elle tarifée par la loi fiscale comme vente de meubles (art. 69, § 5, no 1, loi 22 du frimaire an vII).

Il en est autrement au cas de saisie immobilière, à partir de l'exploit de saisie. Les fruits et les coupes d'arbres conservent leur caractère immobilier, nonobstant la coupe ou la vente.

Ainsi, 1o lorsque le saisissant ou d'autres créanciers font procéder à la coupe et à la vente des fruits, dans les conditions prévues par l'article 22 de notre loi, le prix, aux termes du § 4 de cette disposition, est déposé dans la caisse des consignations, pour être distribué avec le prix des immenbles par ordre d'hypothèque.

[ocr errors]

:

La loi de 1854 reproduit plusieurs fois cette expression par ordre d'hypothèque » (art. 22, § 4, art. 26). A s'en tenir strictement à la lettre, les créances privilégiées ne seraient pas comprises dans la distribution; il faut lire « par ordre de priviléges et d'hypothèques. » Le rang des priviléges et des hypothèques forme un ordre unique; la loi de 1854 n'a pas voulu déroger à cette règle. Le terme est emprunté à l'article 685 de la loi du 2 juin 1841, où il a incontestablement la signification que nous lui attribuons. Cela résulte des travaux préparatoires. A la Chambre des députés, M. Lambert observa que « par ordre d'hypothèque ne comprend pas les priviléges, ce qui donna lieu à l'échange d'observations suivant:

[ocr errors]

LE GARDE DES SCEAUX. "M. LAMBERT.

quer cette explication.

C'est la règle.

Je croyais avoir besoin de provo

L'ordre

"

« M. LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS. des hypothèques est de venir après les priviléges (1). Rien n'indique que le législateur belge ait attaché une autre signification à ce terme.

27. 2o Les fruits naturels et industriels recueillis par le saisi, postérieurement à l'exploit de saisie, ou le prix qui en proviendra, porte l'article 23, seront immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble par ordre d'hypothèque.

28. 3° La vente de fruits ou d'arbres faite par le débiteur avant la saisie, ne peut être opposée aux créanciers hypothécaires, s'ils n'ont pas été détachés du sol avant la saisie. Quoique vendus séparément du fonds à des tiers de bonne foi, ils restent soumis à l'action hypothécaire des créanciers, tant qu'ils ne sont pas coupés. En effet, les fruits et les arbres sont hypothéqués avec le fonds sur lequel ils sont plantés; par conséquent, jusqu'au moment de la coupe, les créanciers hypothécaires sur les fruits et sur les arbres, ont un droit acquis que la vente n'a pu ébranler; la volonté du débiteur grevé qui les a vendus n'a pu en changer la nature juridique et les rendre mobiliers, aussi longtemps qu'ils sont attachés au sol (2).

29. 4° Les fruits pendants par racines sont immobilisés, alors même que le saisi reste en possession comme séquestre judiciaire.

Pigeau (3), Le Page (4), Thomine-Desmasures (5) enseignent, au contraire, que si le saisi est laissé en

(1) Dalloz, no 746; Chauveau, Cod., q. 2288; Bioche et Goujet, no 313. (2) Cfr. cass. Fr., 10juin 1841 (S.-V., 41, 1, 484); Jacob, art. 681, no 46; (3) Comment., art. 688, pr. civ., note 6.

[blocks in formation]

possession de l'immeuble, il fait les fruits siens, à moins que les créanciers ne les aient fait saisir par la voie spéciale de la saisie-brandon. Un arrêt de la cour de Caen a consacré cette opinion (1). Les partisans de ce système font valoir que l'article 688 de la loi française du 2 juin 1841 (dont notre article 22 est la reproduction litterale) établit bien le saisi séquestre judiciaire, mais que, loin de déclarer que la saisie immobilière vaut saisie des fruits, comme cela est dit par le Code de procédure pour la saisie des rentes, l'article 688 (art. 22) indique quels sont les droits que les créanciers peuvent exercer comme conséquence du séquestre judiciaire. Ces droits, observent-ils, sont purement facultatifs aux créanciers qui doivent les exercer pour s'approprier les fruits; sinon, ils sont réputés les abandonner au saisi et ne pas s'opposer à ce que celui-ci perçoive les fruits produits par la chose, qui seule a été mise sous la main de justice. Ils ajoutent que l'intention du législateur est démontrée par ce qui est exigé, lorsque les biens sont affermés; dans ce cas, disent-ils, la saisie réelle ne vaut pas saisie-arrêt, l'article 691 (art. 26) accorde seulement aux créanciers le droit de saisir-arrêter les loyers et les fermages; faute par eux d'user de ce droit, le saisi est fondé à continuer à percevoir les fruits. Le principe de l'immobilisation des fruits posé par l'article 689 (art. 23) est donc subordonné à l'effet de la volonté des créanciers qui la manifesteraient, au cas où l'immeuble est exploité par le saisi, en usant du droit de faire faire la coupe et la vente.

Il est inutile d'examiner la valeur de ces arguments;

(1) Caen, 26 avril 1842 (S.-V., 1849, 2, 528).

« PreviousContinue »