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4° Le premier paragraphe de l'article 25 accorde l'action en nullité de bail aux créanciers et à l'adjudicataire si les créanciers ou l'adjudicataire le demandent. »

A. Des créanciers. Malgré la généralité de la disposition, l'action en nullité n'appartient point à tous les créanciers, mais seulement à ceux que la loi considère comme intéressés à la poursuite en expropriation.

Ici, comme pour l'article 22, il faut donc examiner quels créanciers la loi considère comme intéressés et établir la même distinction entre les deux périodes de la procédure.

1° Avant la sommation de l'article 33 de notre loi; 2o Depuis cette sommation, ou tout au moins, depuis la mention prescrite par l'article 35.

Les mêmes créanciers qui ont l'action en dépossession durant ces deux périodes ont également l'action en nullité de bail (1). Ces créanciers sont, dans la première période, ceux qui ont fait transcrire leur commandement, dans la seconde période, cette catégorie de créanciers et les créanciers inscrits dont les créances sont échues.

Pour refuser l'action en nullité de bail aux créanciers inscrits dont la créance n'est pas exigible, on peut argumenter encore ici de l'article 28. Il résulte de celuici que le créancier inscrit dont la créance n'est pas échue, ne peut s'opposer à l'aliénation du bien saisi; à plus forte raison ne peut-il donc demander la nullité du bail du même bien (2).

B. De l'adjudicataire. L'article 25, § 1er accorde aussi l'action en nullité à l'adjudicataire.

(1) Voy. art. 22, no 11 bis.

(2) Voir art. 28, no 4.

Cette action est complétement inutile à l'adjudicataire, si le bail n'a pas date certaine avant l'adjudication. Dans ce cas, l'article 1743 du Code civil lui donne un moyen plus énergique et plus rapide pour se débarrasser du locataire; il peut l'expulser.

Mais si le bail a reçu date certaine depuis la transcription de l'exploit de saisie et avant l'adjudication, l'acquéreur ne pourrait plus expulser le locataire en vertu de l'article 1743. Au contraire, cet article lui impose l'obligation de respecter le bail dans ce cas. La loi de 1854, par son article 25, déroge à ce principe du droit commun; il permet à l'adjudicataire de faire annuler le bail, si celui-ci lui est préjudiciable.

5° Puisque l'article n'accorde le droit de demander la nullité du bail qu'à certaines catégories de créanciers, celle-ci est relative. Nous verrons sous l'article 28, n° 4, que la nullité de la vente consentie après la transcription est relative, quoiqu'il ne soit pas nécessaire de la faire prononcer. A plus forte raison en est-il de même de la nullité du bail consenti après cette formalité.

Par conséquent, le cahier des charges peut imposer à l'adjudicataire l'obligation de respecter les baux dont l'article 25 prononce la nullité, si les créanciers intéressés à la saisie y consentent. Dans ce cas, l'adjudicataire ne pourrait attaquer le bail; la nullité ne tient pas à l'ordre public; en achetant sous cette condition, il y a renoncé (1).

6° L'action en nullité du bail appartient aux créanciers à partir de la transcription de l'exploit de saisie;

(1) Montpellier, 26 janvier 1853 (S.-V., 1853, 2, 155).

elle s'éteint dans leur chef, au moment de l'adjudication; depuis lors, ils n'ont plus d'intérêt à provoquer l'annulation du bail.

L'action de l'adjudicataire est ouverte à partir de la date où il est devenu définitivement acquéreur. L'adju dicataire provisoire n'a pas cette action; il n'est pas encore propriétaire définitif; son droit est subordonné à la condition suspensive tacite, que, dans une séance subséquente, le bien ne sera pas adjugé à un autre enchérisseur.

7° Quelle est la durée de l'action de l'adjudicataire? Si, lors de l'adjudication, le locataire ou fermier n'est pas en possession des biens loués, l'adjudicataire peut intenter l'action en nullité pendant toute la durée du bail.

Si, au contraire, il trouve le fermier ou le locataire. en possession, il doit intenter l'action avant l'échéance et le payement des fermages ou loyers, car s'il les avait reçus, il ne serait plus recevable; il aurait tacitement mais formellement ratifié le bail, en l'exécutant luimême. Il devrait laisser le fermier en possession pendant toute la durée du bail. Il n'y a d'exception à cette règle que pour le cas où l'adjudicataire prouverait qu'il ignorait le bail consenti par le vendeur et qu'en recevant les fermages ou loyers, il a cru de bonne foi concou rir à l'exécution d'un bail sans durée déterminée (1).

8° L'action doit toujours être intentée contre le locataire ou le fermier. Si elle est intentée par l'un des créanciers, celui-ci doit mettre également le débiteur en cause; car celui-ci reste propriétaire du bien affermé, tant que l'adjudication n'est pas un fait accompli; le bail

(1) Conf. Duvergier, Louage, no 550. Contra Troplong, Louage. no 506; Duranton, Louage, no 145.

doit done être annulé ou maintenu à son égard comme à l'égard du créancier.

Mais il n'en est pas de même si l'adjudicataire intente l'action. Du moment de l'adjudication, le saisi n'a plus d'intérêt à voir annuler ou valider le bail; il n'y a pas de raison pour le faire intervenir comme défendeur dans la demande en nullité du bail.

Libre au locataire ou fermier de l'appeler en garantie, s'il le juge opportun.

8. Des baux qui sont nuls. - Dans les deux derniers paragraphes de l'article 25, les baux sont déclarés nuls. Pour déterminer le caractère de cette nullité, il faut comparer le texte de ces paragraphes avec d'autres dispositions de la loi.

D'une part, tandis que le § 1er parle de baux qui pourront, suivant les circonstances, être annulés, » les deux paragraphes suivants parlent de baux qui sont nuls. Dans les cas prévus par ces deux dernières dispositions, la nullité existe et doit être prononcée du moment que le bail se trouve dans les conditions qu'elles déterminent. Le bail est donc nul, lors même que l'existence d'un préjudice ne serait pas établi.

D'autre part, tandis que l'article 27 frappe de nullité certaines aliénations consenties par le saisi « sans qu'il soit besoin de la faire prononcer, nos deux paragraphes ne contiennent pas une pareille dispense,

Ce qui caractérise donc la nullité édictée par ces deux paragraphes, c'est qu'elle doit être demandée en justice, sinon le bail produit ses effets. Mais, comme on vient de le voir, le juge ne peut valider ou annuler le bail selon les circonstances; du moment que le bail se trouve

dans les conditions déterminées par les §§ 2 et 3 de notre article, le juge est obligé d'en prononcer la nullité. L'article 25 range parmi les baux dont le juge doit prononcer la nullité :

1o Les baux consentis par le saisi après la transcription du commandement ou de l'exploit de saisie.

a. La transcription de l'un de ces actes rend le saisi incapable de donner en location le bien saisi; elle le rend aussi incapable d'aliéner, ainsi qu'on le verra sous l'article 27.

b. Tandis que dans son premier paragraphe, l'article 25 parle de baux qui n'ont pas date certaine, il parle, dans les deux paragraphes suivants, de baux consentis. Il ne résulte pas de cette différence d'expressions qu'un bail sous seing privé qui n'a date certaine que depuis la transcription de la saisie ou du commandement, mais qui porte une date antérieure, puisse être considéré comme un bail consenti avant la transcription de l'un ou de l'autre de ces exploits. Les actes sous seing privé ne font foi contre les tiers que du jour où ils ont date certaine. (Art. 1328 du Code civil.)

c. L'action en nullité du bail consenti après la transcription de la saisie appartient au saisissant, aux créanciers inscrits dont la créance est exigible et à ceux qui ont fait utilement transcrire leur commandement.

Elle appartient également à l'adjudicataire; puisqu'il a l'action en nullité du § 1er de l'article, l'action en nullité du § 2 du même article lui appartient à fortiori.

Tous les autres créanciers du saisi, c'est-à-dire, les créanciers inscrits dont les sommes ne sont pas exigibles, les créanciers chirographaires qui n'ont pas fait transcrire leur commandement, ne peuvent demander la

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