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miler cette adjudication aux ventes de biens de mineurs régies par la loi du 12 juin 1816.

C. Le cahier des charges ne peut déroger aux conditions de la vente établies par la loi de 1854, lors même que le saisi, les créanciers inscrits dont la créance est exigible, ceux qui ont fait transcrire leur commandement seraient d'accord avec le poursuivant et consentiraient à la dérogation.

Ces conditions n'intéressent pas seulement le poursuivant, le saisi et ces deux catégories de créanciers; elles intéressent aussi les créanciers inscrits dont la créance n'est pas exigible et les créanciers chirographaires; ceux-ci n'interviennent pas dans la procédure en expropriation, ils sont des tiers relativement à cette dernière. Elles sont donc d'ordre public..

Le cahier des charges ne pourrait donc stipuler:

1° Que les frais de poursuite ne seront pas taxés et que l'acquéreur devra payer un tantième pour cent du chef de ces frais, art. 42;

2° Que l'immeuble saisi sera adjugé à la première séance, quel que soit le montant des enchères; car, l'article 45 prescrit une seconde séance au cas où le bien n'est pas porté à quinze fois le revenu cadasdral;

3° Que l'adjudicataire ne pourra point élire command; l'article 47 lui réserve formellement ce droit.

D'un autre côté, le cahier des charges ne peut reproduire les dispositions de la loi de 1854 ni celles du Code civil relatives aux droits et obligations du vendeur et de l'acheteur. Cela est inutile et ne peut servir qu'à augmenter les écritures et les frais.

Chauveau enseigne cependant que les conditions de

droit commun peuvent être insérées dans le cahier des charges, pourvu que, sous ce prétexte, on ne tombe point dans des abus d'écriture (1). Cet abus se produit, me semble-t-il, chaque fois que l'avoué écrit dans le cahier des charges ce qui se trouve déjà dit dans la loi.

D. Le cahier des charges pourrait-il déroger aux dispositions de l'article 25 concernant les baux et imposer à l'adjudicataire l'obligation de respecter les baux que cet article déclare nuls ou annulables?

Évidemment le tribunal doit rayer une telle clause, chaque fois que les créanciers appelés à contredire le cahier des charges par l'article 33 en font la demande.

Mais il ne pourrait la rayer d'office alors que les créanciers seraient d'accord, avec le poursuivant et le saisi, pour la maintenir. En effet, la nullité des baux prononcée par l'article 25 n'est pas d'ordre public; elle est établie uniquement dans l'intérêt des créanciers que la loi considère comme intéressés directement à la saisie, c'est-à-dire les créanciers hypothécaires dont les créances sont exigibles. Du moment que ceux-ci acquiescent à la clause, soit formellement, soit tacitement en n'y faisant pas opposition après avoir été dûment appelés, ils renoncent à se prévaloir de la nullité qui n'est établie que dans leur intérêt. En rayant cette clause, le tribunal statuerait ultra petita. (Voy. article 25, no 6, 3o et 4°.)

E. La doctrine et la jurisprudence admettent que les règles du Code civil concernant les ventes ordinaires

(1) Code, q. 2320.

sont également applicables aux ventes par suite de saisie (1).

Mais ces dispositions du Code, civil qui déterminent les droits et les obligations réciproques du vendeur et de l'acheteur, n'ont pas le même caractère que les dispositions de la loi de 1854. Elles ne tiennent pas à l'ordre public; les dérogations qu'on peut y apporter ne sauraient exercer une influence sur le prix.

Par conséquent, le cahier des charges peut déroger aux dispositions du Code civil réglant les droits et les obligations du vendeur et de l'acheteur. Comme l'observe très-bien M. Laurent, quand le législateur fai des lois sur les contrats, il n'entend pas imposer aux parties contractantes les règles qu'il trace sur les conditions et les effets de ces conventions. Le principe est, au contraire, qu'il leur laisse pleine et entière liberté. Dès lors, quel est l'objet des lois que le législateur porte sur cette matière? Il n'entend ni commander, ni défendre; il se borne à tracer des règles générales pour l'utilité des parties contractantes; il prévoit, il présume ce qu'elles voudront, d'après la nature des divers contrats. Que si leurs intentions ne concordent pas avec celles que le législateur a supposées, elles peuvent déroger à la loi; le législateur le leur permet et ces dérogations son parfaitement valables.

- Le Code établit ce principe pour le contrat le plus important; aux termes de l'article 1387, «la loi ne régit « l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos. » Ce que la loi dit

(1) Duvergier, Vente, no 300; Zachariæ, § 354; Nimes, 31 mars 1852 (S.-V., 1852, 2, 339).

du contrat de mariage s'applique à tous les contrats. Il résulte de là qu'il ne peut être question d'annuler les conventions qui violent la loi. Il n'y a pas de violation de la loi, puisque le législateur lui-même permet de déroger aux règles qu'il établit (1).

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Ainsi, quoique l'article 1619 du Code civil accorde à l'acquéreur l'action en réduction du prix pour moindre contenance, le cahier des charges peut stipuler que les adjudicataires prendront les immeubles dans l'état où ils seront le jour de l'adjudication, sans aucun recours en diminution de prix (2).

F. D'après l'article 1684 du Code civil, la rescision du chef de lésion n'a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice.

Peut-on déroger à cette stipulation et réserver au poursuivant ou au saisi la faculté de demander la rescision du chef de lésion?

Non. La loi de 1854 a établi un système spécial pour que les biens atteignent leur plus haute valeur lors de l'adjudication. Si, lors de la première séance, le bien n'est pas porté à plus de quinze fois le revenu cadastral, une seconde séance est fixée dans le délai de vingt jours au moins et de trente jours au plus; dans l'intervalle, il est procédé à de nouvelles annonces et affiches (art. 45). La loi érige ainsi en présomption légale que le prix offert, après l'accomplissement de ces formalités, constitue la véritable valeur de l'immeu ble exproprié. Le poursuivant ou le saisi ne sauraient être reçus à contredire cette présomption légale par une demande en nullité du chef de lésion.

(1) Principes, t. I, no 37.

(2) Cpr. cass. Fr., 7 novembre 1853 (S.-V., 1853, 1, 680).

G. Le poursuivant ne peut insérer dans le cahier des charges, comme prétendue condition de la vente, que les créanciers inscrits seront payés de préférence à tous autres sur le prix de vente ou que l'un des créanciers sera payé par privilége et préférence. Comme l'a très-bien jugé la cour de Montpellier : les priviléges ne s'établissent point par convention; ils ne peuvent résulter que de la loi. Le cahier des charges règle les conditions de la vente, mais il ne saurait régler la distribution du prix (1).

H. Le poursuivant peut insérer dans le cahier des charges la clause que l'adjudicataire sera tenu d'élire domicile dans le lieu où siége le tribunal qui doit connaître de la saisie, pour l'exécution des clauses de l'adjudication, et que ce domicile sera attributif de juridiction (2).

La cour de Paris a jugé, par application de ce principe, que, dans ce cas, l'adjudicataire ne peut être distrait de la juridiction de ce tribunal et que, sous prétexte qu'il s'oppose à tort à un remploi, il ne peut être appelé, sous forme de garantie, devant le tribunal du lieu de l'immeuble proposé en remploi. Cette clause doit être considérée comme introduite, non-seulement dans l'intérêt des créanciers, mais encore de l'adjudicataire lui-même (3).

I. Le cahier des charges peut stipuler qu'après les adjudications partielles de chaque lot, il pourra être procédé à de nouvelles enchères pour les biens être adjugés en un seul lot (4).

(1) Montpellier, 8 juin 1855, Journal de cette cour, 1856, no du 2 août. (2) Nîmes, 16 décembre 1850 (Journal des avoués, t. LXXVI, art 1080). (3) Paris, 26 novembre 1855 (Journal des avoués, t. LXXXI, no 2317). (4) Cass. Fr., 14 janvier 1816 (S-V., 1816, 1, 390).

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