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ties, les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte peuvent être faites au domicile convenu et devant le juge de ce domicile.

Notre article 14, § 3 applique ce principe à l'élection de domicile dans le commandement et tranche, du même coup, plusieurs questions controversées aupara

vant.

A. Notamment, la question si des offres réelles pouvaient avoir lieu au domicile élu par le requérant était fortement controversée sous le Code de procédure.

Tarrible, Carré, Pigeau et Lepage enseignaient la négative, par le motif que l'article 1260 du Code civil exige que les offres, pour qu'elles soient valables, soient faites à la personne ou au domicile du créancier, ou au domicile élu pour l'exécution de la convention, et qu'il faut bien distinguer le domicile élu par un mouvement libre et spontané du créancier, pour l'exécution d'une obligation, d'avec un domicile élu par l'injonction de la loi.

Lachaize et d'autres jurisconsultes soutenaient l'affirmative, en argumentant de l'article 584 du Code de procédure civile, qui permet de faire des offres réelles au domicile élu dans un commandement aux fins de saisie mobilière. Ubi eadem ratio idem jus.

C'est cette dernière opinion que l'article 14 a con

sacrée.

Le rapport de la commission de la Chambre fait observer que la jurisprudence et les auteurs admettent que le tribunal de la situation des biens est compétent pour connaître, même avant la saisie immobilière, d'une demande en discontinuation des poursuites, sans distinguer si cette demande est fondée sur un moyen

du fond ou sur un moyen de forme; et cela bien qu'il y ait dans le titre une élection de domicile attribuant juridiction au tribunal du domicile du créancier (1). »

B. Puisque les offres réelles peuvent être faites au domicile élu, le payement peut également se faire à ce domicile.

Un éminent jurisconsulte, M. Laurent, conteste ce point en thèse générale. Aux termes de l'article 1239 du Code civil, dit-il, le payement doit être fait au créancier ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui; or, l'élection de domicile donne à celui chez qui elle est faite mandat de recevoir les exploits, mais non de recevoir les payements. On ne peut, d'après M. Laurent, objecter l'article 1258, n° 6, qui autorise le débiteur à faire des offres réelles au domicile élu pour l'exécution de la convention; car l'article 1258 exige comme première condition pour la validité des offres réelles, qu'elles soient faites au créancier ou à celui qui a pouvoir de recevoir pour lui, ce qui ramène à la question: Le mandat de recevoir des exploits donne-t-il pouvoir de toucher le montant de la créance (2)?

Cette opinion ne peut être admise quand il s'agit du domicile élu dans un commandement. Le § 3 de l'article 14 est formel, les offres réelles peuvent être faites au domicile élu. Or, le mandat de recevoir un exploit d'offres réelles emporte nécessairement le pouvoir de recevoir la somme offerte; cela ne saurait faire ques

(1) Arrêt de la cour de Paris du 8 mai 1851 (Sirey, 1851, part. II. p. 286 et 287). Arrêt de cassation du 10 décembre 1817 (Sirey, tome VIII, part. I, p. 74). Arrêt de Bruxelles du 3 mars 1821 (Collect. nouv., 6, 2, 412). Arrêt de Limoges du 30 janvier 1847 (Sirey, 1847, part. II, p. 223). Chauveau, Lois de la procédure, q. 2198, § 5.

(2) Principes de droit civil, t. II, no 111, p. 141.

tion. En effet, aux termes de l'article 813 du Code de procédure civile, le procès-verbal d'offres doit faire mention de la réponse, du refus ou de l'acceptation du créancier ou de son mandataire. Donner pouvoir à quelqu'un de recevoir un exploit d'offres réelles, en élisant domicile chez lui, c'est donc lui donner pouvoir de répondre à l'interpellation de l'exploit, en acceptant ou en refusant la somme offerte. A quoi servirait-il de permettre des offres réelles au domicile elu, si ces offres ne pouvaient y être acceptées et devaient fatalement aboutir à une consignation des deniers suivie d'une assignation en validité d'offres?

C. L'élection de domicile doit être faite au lieu où siége le tribunal, c'est-à-dire, dans la commune où se trouve le local dans lequel le tribunal tient ses audiences. Le siége des tribunaux de première instance est fixé par la loi du 18 juin 1869 sur l'organisation judiciaire.

L'élection de domicile peut avoir lieu chez toute personne demeurant dans l'étendue du territoire de la

commune.

14. 5o Le commandement doit contenir les nom, demeure et immatricule de l'huissier.

Ces mentions constituent une formalité essentielle des exploits en général (1).

Le nom de l'huissier ne doit pas se trouver dans le corps de l'exploit; sa signature au bas de celui-ci constitue la mention requise (2).

L'indication de la demeure ne doit pas être textuelle; il suffit que l'huissier la fasse virtuellement connaître

(1) Carré, q. 281. (2) Carré, q. 305.

et que son exploit contienne des énonciations qui ne laissent aucun doute sur sa capacité et son identité (1). L'indication du domicile peut remplacer celle de la demeure; en effet, les deux se confondent; l'huissier devant résider au lieu qui lui est désigné par le tribunal auprès duquel il exerce ses fonctions, y a nécessairement son domicile (2).

On appelle, immatricule de l'huissier, l'indication qu'il doit faire, dans tous les actes de son ministère, de sa qualité, du tribunal près lequel il est assermenté et du numéro de sa patente (3). L'article 15 de la loi du 5 juillet 1871, en abrogeant l'article 31 de la loi du 21 mai 1819 qui prescrivait l'obligation de mentionner le numéro de la patente dans les actes, a rendu cette dernière mention inutile.

L'indication du tribunal auprès duquel l'huissier est assermenté peut être faite par équipollents. La jurisprudence considère comme valables les mentions suivantes, huissier de cet arrondissement (4), huissier audiencier à la cour royale de... (5).

15. 6o Le commandement doit indiquer avec précision le nom du débiteur auquel il est signifié.

Mais il ne doit pas contenir les prénoms, ni la profession du débiteur. Si, comme nous l'avons établi n° 10 A, ces mentions ne sont pas requises à peine de nullité en ce qui concerne le créancier poursuivant, à plus forte raison doit-il en être de même quant aux prénoms et à la profession du signifié.

(1) Lyon, 12 février 1835 (S.-V., 1835, 2, 231).
(2) Cass. Fr., 10 août 1813 (S.-V., 1815, 1, 104),
(3) Lachaize, t. I, no 176.

(4) Poitiers, 28 décembre 1817.

(5) Cass. Fr., 5 décembre 1836 (S.-V., 1837, 1, 71).

16.7°. Le commandement doit mentionner s'il a été remis à personne ou au domicile réel, ou au domicile élu dans le titre de créance.

Aux termes de l'article 14, ces trois modes de remise sont également valables; l'acte de l'huissier doit constater lequel des trois a été employé.

Mais le commandement ne doit pas mentionner la demeure du débiteur. Ce n'est point là une formalité essentielle des exploits. Elle est inutile ou surabondante. Car, si le commandement a été remis à personne, la mention de la demeure n'a aucune utilité. S'il a été remis au domicile réel, la mention est surabondante, puisque le domicile, d'après l'exposé des motifs du titre III, livre Ier du Code civil, est « le lieu où une personne jouissant de ses droits civils a établi sa demeure,>> le lieu où elle a son principal établissement, d'après l'article 102 du Code civil, et qu'ainsi la demeure se confond légalement avec le domicile réel. Enfin, si le commandement est remis au domicile élu, la mention de la demeure n'a pas de raison d'être; l'exiger serait contraire au but de l'élection de domicile. En effet, lorsque celle-ci est faite par le débiteur, elle constitue un contrat en vertu duquel il autorise le créancier à faire au domicile convenu « les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte» (art. 111, C. civ.). C'est donc une stipulation en faveur du créancier, qui a pour but, entre autres, de le dispenser de connaître la demeure du débiteur, en fixant un lieu où celui-ci sera toujours présumé présent; or, ce but serait manqué si le créancier était obligé de s'informer de la demeure de son débiteur pour la mentionner dans le commandement (1).

(1) Caen, 9 décembre 1825; Bordeaux, 12 février 1817.

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