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céder simultanément à une vente, il pourrait surgir à ce sujet des divergences d'opinions qui entraveraient les opérations de la vente et qui soulèveraient des difficultés d'autant plus grandes qu'il n'y aurait pas de moyen légal de les départager.

5° Mais, en dehors des cas d'incapacité ou d'incompétence, le tribunal est-il investi d'un pouvoir discrétionnaire? Peut-il nommer tel notaire qu'il lui plaît, lors même que le poursuivant et le saisi seraient d'accord pour demander la nomination d'un autre notaire?

Le tribunal n'a point un pouvoir aussi absolu. L'article 32 dispose, en effet, que le saisi doit être assigné pour entendre nommer le notaire qui sera chargé de procéder à la vente publique des immeubles saisis; la loi elle-même provoque donc un débat sur ce point; chacune des parties en cause peut conclure à la nomination de tel ou tel notaire, faire valoir ses griefs contre le notaire proposé par la partie adverse. Or, si la loi avait voulu investir le tribunal d'un pouvoir de nomination arbitraire, point n'était besoin d'une assignation et d'un débat sur ce sujet; la loi se serait bornée à dire que le notaire sera commis par le tribunal, sans ordonner d'assigner le saisi aux fins de cette nomination.

La loi considère le poursuivant et le saisi comme ayant tous les deux intérêt dans le choix du notaire; elle les admet à défendre cet intérêt dans l'instance en validité et elle appelle le tribunal à statuer sur leur différend à cet égard. D'abord le poursuivant a intérêt à cette nomination, parce que les négligences ou l'impéritie du notaire peuvent entraîner la nullité des poursuites, l'empêcher ainsi de rentrer dans ses fonds. Le saisi est également intéressé à cette nomination; en effet, tous les

notaires ne sont pas également habiles à diriger une vente publique et à faire atteindre au bien mis aux enchères sa plus haute valeur; le saisi a toujours intérêt à ce que celle-ci soit atteinte, tandis qu'il n'en est pas de même du poursuivant, lorsque sa créance est amplement couverte par une hypothèque. Le saisi a, de plus, intérêt à contester la nomination proposée par poursuivant, s'il a des motifs de croire à une connivence coupable afin de permettre à celui-ci d'acheter à bas prix le bien qu'il exproprie.

le

Cet intérêt forme l'objet du débat que provoque l'article 32. Le tribunal ne statue qu'après les conclusions prises et les explications données par les parties.

Par conséquent, si le poursuivant et le saisi sont d'accord sur le choix du notaire, le tribunal ne peut en nommer un autre, sans leur infliger grief. Dans cette hypothèse, il n'y a plus de différend entre les parties. sur ce point; elles s'entendent sur la meilleure manière de sauvegarder leurs intérêts; pourquoi le tribunal viendrait-il troubler cet accord, en leur imposant un autre notaire? Pourquoi le notaire, qui ne peut pas modifier d'office les conditions du cahier des charges, pourrait-il, contrariant la volonté commune des parties, nommer un notaire d'office?

On aurait tort de considérer comme contraire à cette doctrine un arrêt de la cour de Gand, décidant que, dans les ventes des biens indivis entre majeurs et mineurs, l'accord des parties sur le choix du notaire ne suffit point pour lier le tribunal (1).

Les intérêts des mineurs, comme l'observe cet arrêt,

(1) 2 juin 1870 (Pasicrisie, 1870, 2, 276).

sont spécialement soumis à la surveillance des tribunaux; mais dans les ventes sur expropriation, quand le poursuivant et le saisi sont majeurs, il ne peut y avoir ni d'autre ni de meilleur surveillant de leurs intérêts que ces parties elles-mêmes.

Mais lorsque les parties ne sont pas d'accord sur le choix du notaire, le tribunal ne doit pas nommer nécessairement l'un des deux notaires proposés par le poursuivant et le saisi; car il peut arriver que, de part et d'autre, l'on fasse valoir des griefs contre la nomination proposée par la partie adverse, que les deux parties ont également tort dans ce qu'elles demandent et dans ce qu'elles contestent. Dans ce cas, le tribunal peut trancher le différend en nommant un notaire d'office.

Est-ce à dire qu'ici le tribunal soit investi d'un pouvoir arbitraire?

Nullement, son pouvoir, en ce cas, n'est pas plus étendu que pour les nominations de notaire dans les ventes de biens de mineurs; la loi de 1854 n'a pas entendu donner au tribunal un pouvoir plus étendu que la loi du 12 juin 1816. Or, d'après une jurisprudence bien établie, la loi de 1816 n'a pas abandonné la nomination du notaire à l'arbitraire du tribunal, mais elle a entendu qu'elle fût exercée dans l'intérêt et selon la convenance des parties (1). La même obligation s'impose au tribunal, quand il désigne le notaire chargé de procéder à une vente d'immeubles saisis.

On ne saurait objecter qu'aux termes de l'article 38, en cas d'empêchement du notaire nommé par le tribunal, le président jouit d'un pouvoir discrétionnaire,

(1) Cass. B., 9 janvier 1851 (Pasicrisie, 1851, 1, 188); Gand, 11 août 1859 (Pasicrisie, 1859, 2, 61).

puisqu'il nomme un autre notaire, par une ordonnance sur requête qui n'est susceptible d'aucun recours, ni conclure de là que le pouvoir du tribunal tout entier ne saurait être plus restreint que celui de son chef nommant seul.

La disposition de l'article 38, § 2, est une exception au principe de l'article 32; elle s'explique par l'urgence; l'empêchement du notaire commis pouvant survenir au dernier moment, et la vente ne pouvant être remise, le temps pour introduire un référé peut faire défaut. Loin d'ébranler la règle, elle la confirme.

6o De ce qui précède, il résulte que l'appel peut être interjeté du jugement sur la validité, en tant qu'il porte sur la nomination du notaire.

Mais pour que l'appel soit recevable, le revenu des immeubles compris dans la saisie doit être supérieur à 75 francs. L'article 72 est général, il détermine le premier et le dernier ressort pour tous jugements intervenus sur la saisie immobilière entre le poursuivant et le saisi (1) ».

20. Le notaire commis ne peut refuser le mandat qui lui est donné par le jugement. Il agit en cette matière à la fois comme officier de justice chargé de l'exécution des actes et jugements et comme notaire chargé de donner les caractères de l'authenticité au procès-verbal d'adjudication. A ce double titre, il ne peut refuser de prêter son ministère lorsqu'il en est requis. (Loi du 25 ventôse an XI, art. 3.)

21. Le tribunal ne se borne pas à nommer le notaire. Il fixe encore le jour où le notaire devra procéder

(1) Cpr. Cass. B., 9 janvier 1851 (ubi supra).

à la vente; mais il doit fixer celle-ci dans les quinze jours au plus tard, à dater du jugement.

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M. Lelièvre, dans son deuxième rapport, trouve toutes sortes d'avantages à cette disposition. Elle tend, dit-il, à imprimer à la procédure une marche plus rapide et plus régulière. Il est rationnel que ce soit la justice elle-même qui fixe le jour de l'adjudication. Il y a dans cette disposition une garantie de plus pour les intéressés. »

Je ne puis m'associer à ces éloges; la vente devant avoir lieu au plus tard dans les trente jours à dater du jugement, la fixation du jour par le tribunal n'avance guère la marche de la procédure. Le notaire, ayant l'habitude de tenir des ventes publiques, est plus à même que le tribunal de choisir le jour le plus convenable.

22. Le délai de quinze jours au plus tôt et de trente jours au plus tard commence à courir à dater du prononcé du jugement et non pas à dater de la signification de celui-ci. Le jour du prononcé n'est pas compris dans le délai, puisqu'il se compte à daler du jugement ; mais le quinzième ou le trentième jour y sont compris, puisque la vente doit être fixée dans les quinze jours au plus tôt ou dans les trente jours au plus tard. Un jugement prononcé le premier du mois ne peut fixer la vente ni avant le 16 ni après le 31.

Le délai de quinze jours est beaucoup trop restreint; il est presque impossible d'exécuter un jugement qui fixe la vente quinze jours après le prononcé. En effet, l'article 39 ordonne au notaire de faire afficher la vente, de l'annoncer dans les journaux, au moins dix jours avant l'adjudication et d'insérer dans les affiches la

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