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9. 1° La poursuite en expropriation est suspendue à l'égard de l'immeuble, objet de l'option, « à partir du jour où le vendeur aura opté pour l'action en résolution, dit l'article. Mais la suspension cesse et la poursuite peut être reprise si, dans les dix jours de la notification au greffe, la demande en résolution n'a pas été intentée et si, immédiatement après, copie de l'ajournement n'a point été notifiée au poursuivant.

Si, au contraire, ces formalités ont été remplies, aux termes du § 4 de notre article, la poursuite est suspendue jusqu'à la renonciation du vendeur, du copermutant ou du donateur, à l'action résolutoire ou jusqu'au rejet de cette demande.

2o Puisque la poursuite est suspendue « à partir du jour où le vendeur aura opté pour l'action en résolution, » il faut admettre que la suspension opère du moment qu'elle est notifiée au greffe, même avant qu'elle soit parvenue à la connaissance du poursui

vant.

Il suit de là que les actes de poursuite posés depuis par le saisissant, dans l'ignorance de la saisie, resteront sans effet; sinon la poursuite ne serait pas suspendue, elle continuerait à produire des effets.

3o La renonciation dont parle le § 4 de notre article ne peut être, une fois l'action intentée, que le désistement dans les formes prescrites par les articles 402 et suivants du Code de procédure civile.

Si le vendeur, le copermutant ou le donateur, après avoir notifié leur option, n'intentent pas l'action résolutoire, il n'y a point une renonciation tacite, mais une déchéance.

4o Le rejet de la demande doit s'entendre du rejet

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définitif, par un jugement passé en force de chose jugée.

Il est évident que si, par exemple, le demandeur en résolution succombait sur une exception déclinatoire, le jugement par lequel le tribunal se déclarerait incompétent ne constituerait pas le rejet de sa demande.

5° Si l'action n'est pas susceptible d'appel, elle est rejetée après le jugement de première instance qui la déclare non fondée et le saisissant peut reprendre la poursuite. Mais il ne saurait en être de même, lorsque l'affaire n'est jugée qu'en premier ressort. Si, dans ce cas, la poursuite en expropriation pouvait être reprise après le premier jugement, le droit d'appel serait illusoire, l'arrêt n'interviendrait le plus souvent qu'après l'adjudication. La disposition de l'article 33 est restrictive du droit du vendeur, il convient donc de l'interpréter dans le sens le plus favorable à ce dernier.

La poursuite ne peut donc être reprise après le jugement en premier ressort qui rejette la demande en résolution; il faut que les délais d'appel soient expirés.

Mais elle peut l'être après l'arrêt, lors même que celui-ci est l'objet d'un pourvoi en cassation ou qu'il est attaqué par la voie de la requête civile. Les recours extraordinaires n'enlèvent pas au jugement ou à l'arrêt la force exécutoire qui est en lui.

6o Le système établi par l'article 34 présente un grave inconvénient. La procédure de l'action résolutoire peut être très-longue, surtout lorsqu'elle est intentée contre un tiers qui appelle son vendeur en garantie; elle peut suspendre ainsi la saisie pour longtemps. Dans l'intervalle, le bien litigieux sera presque toujours dans la situation d'un bien sans maître; le saisi sachant qu'il est sur le point d'en être dépouillé, ne pouvant

s en approprier les fruits, puisqu'ils sont immobilisés au profit du poursuivant, n'en aura aucun soin; d'un autre côté, il lui est impossible de le donner en bail ni de renouveler les baux existants.

C'est pour parer à ces inconvénients que l'article 717 de la loi du 21 mai 1858 dispose, en France, que le tribunal fixera le délai dans lequel le demandeur sera tenu de mettre fin à l'instance en résolution.

10. Le demandeur qui obtient gain de cause doit signifier le jugement au défendeur, c'est-à-dire au saisi. Lorsque le poursuivant et les créanciers inscrits ou d'autres sont intervenus, la signification doit leur être également faite (art. 147 et 148 du Code de procédure). Faute d'intervention, le jugement ne doit pas être signifié aux créanciers interpellés, en vertu de l'article 33. Mais il doit être signifié au poursuivant, même lorsque celui-ci n'est pas intervenu dans l'instance en résolution. Le jugement faisant sortir l'immeuble du patrimoine du saisi, fait tomber les poursuites, il faut donc que le saisissant en soit informé (1).

11. 7° Lorsque la saisie comprend en outre des immeubles qui ne sont pas assujettis au privilége et à l'action résolutoire, en règle générale, la poursuite continue à l'égard de ces derniers.

A. Dans ce cas, la poursuite en expropriation, unique dans le principe, se dédouble. Au lieu d'une seule saisie, il y en a deux : d'abord celle des immeubles assujettis au privilége et à l'action résolutoire, puis celle des autres immeubles. La situation est la même que si les uns avaient fait l'objet d'une première procédure, les

(1) Contra, Ollivier et Mourlon, no 226.

seconds d'une seconde procédure, comme si les uns et les autres avaient été mis sous la main de la justice à la suite de deux commandements et par deux exploits de saisie distincts.

B. Cependant, s'il y a un intérêt évident à ce que tous les biens compris dans la saisie soient vendus simultanément, la saisie peut être suspendue, mais il faut pour cela une décision judiciaire, provoquée par les parties.

En règle générale, dit le deuxième rapport de M. Lelièvre, rien n'empêche que l'expropriation ne soit continuée à l'égard des autres immeubles. Toutefois, il peut arriver que les autres biens ne soient pas assez importants pour être l'objet d'une poursuite spéciale, et en ce cas, le tribunal pourra même prononcer le sursis pour le tout, pendant la durée de l'instance en résiliation. Ces dispositions sont rationnelles et conformes aux prescriptions de l'article 729 du Code de procédure en vigueur, en ce qui concerne la demande en distraction. Or, ne perdons pas de vue que l'action en résolution, dans l'espèce, est une véritable demande en distraction, puisqu'elle tend à soustraire certains immeubles à la saisie. »

C. La demande de suspension constitue un incident sur la poursuite de saisie immobilière.

Elle doit donc être portée devant le tribunal qui doit connaître de la saisie. Le juge des référés n'est pas compétent pour en connaître; lorsque la loi a voulu lui déférer la décision de certains incidents relatifs à la saisie, elle s'en est exprimée en termes formels. (Voy. art. 22, 38, 40.)

D. La demande de suspension peut être intentée par

le poursuivant, le saisi, les créanciers qui doivent être sommés aux termes de l'article 33.

E. Elle doit être introduite par voie d'ajournement donné, soit par le poursuivant au saisi, soit par celui-ci au poursuivant, soit par un créancier interpellé au poursuivant et au saisi.

Lorsque le poursuivant ou le saisi intentent la demande d'ajournement, ils ne doivent pas mettre en cause les créanciers sommés en vertu de l'article 33. Ceux-ci ont le droit d'intervenir, mais leur intervention n'est pas forcée.

Lors même que le poursuivant et le saisi sont d'accord pour demander la suspension, ils ne peuvent le faire par voie de requête. Cette procédure enlèverait aux créanciers sommés leur droit d'intervention.

12. L'article 52 de notre loi ne vise pas l'article 34; d'où suit que les formalités et les délais dont je viens de parler ne doivent pas être observés à peine de nullité ou de péremption. Le § 2 de notre article établit une autre sanction. La notification au greffe doit être faite dans le délai légal, sous peine de déchéance de l'action en résolution. La déchéance, comme la péremption de l'article 52, opère de plein droit, sans qu'il faille la faire prononcer.

Mais le § 3 de notre article qui ordonne de faire suivre la notification dans les dix jours de la demande en résolution ne prononce plus la déchéance. Suit-il de que le délai de dix jours ne doit pas être observé à peine de déchéance?

M. Martou, commentant le § 3 de l'article 114 de la loi hypothécaire, que reproduit presque textuellement le § 3 de notre article, est d'avis que le délai de dix

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