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On ne peut en ajouter d'autres; car, d'une part, les présomptions d'interposition de personnes établies par les articles 911 et 1100 en matière de donation ne s'appliquent pas en matière de vente (1) et, d'autre part, l'article 1596 du Code civil qui défend de se rendre adjudicataire par personnes interposées « ne peut, d'après le rapport de la commission de la Chambre, recevoir aucune application à la matière dont nous nous occupons. » C'est que la question d'interposition de personnes est très-délicate; on ne pouvait l'abandonner à l'appréciation du notaire et lui permettre d'écarter des enchères tous ceux qu'il considère, à tort ou à raison, comme personnes interposées d'un incapable. Le notaire ne peut donc refuser les enchères du père ou du fils des personnes que l'article 48 déclare incapables d'enchérir.

9. L'adjudicataire ne peut déclarer un incapable pour command. La déclaration de command a pour effet de substituer au commandé le command, lequel est considéré comme ayant acheté immédiatement, en vertu d'un mandat donné in petto à l'adjudicataire. L'incapable ne peut faire indirectement ce qu'il lui est défendu de faire directement.

10.7° L'article 48, tout en étant limitatif, ne lève pas certaines incapacités, qui résultent de la nature même des choses ou qui sont établies par des lois spéciales. Ainsi :

A. Le notaire commis ne peut devenir adjudicataire. Il ne peut être partie au procès-verbal d'adjudication qu'il dresse, donner les caractères de l'authen

(1) Troplong, n° 193; Duvergier, no 193; Zachariæ, § 351, note 4; Duranton, no 138; Dalloz, no 1635.

ticité à ses propres déclarations et témoigner ainsi dans sa propre cause.

Il ne peut non plus, d'après moi, après avoir procédé à l'adjudication, accepter la déclaration de command faite à son profit (1).

B. Pour le même motif, le notaire ne peut recevoir les enchères des témoins instrumentaires. Dans le procès-verbal d'adjudication, ils ne peuvent attester comme témoins ce qu'ils auraient dit et déclaré comme parties (2).

C. Le notaire ne peut recevoir comme enchérisseurs ses parents ou alliés, en ligne directe à tous les degrés et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu exclusivement. Notre article ne les déclare pas incapables; mais l'article 8 de la loi du 25 ventôse an XI défend au notaire de recevoir des actes où ces parents ou alliés seraient parties. En dressant le procèsverbal qui les déclare adjudicataires, qui constate la transmission de la propriété du bien saisi sur leur tête, le notaire contreviendrait à cette disposition de la loi organique du notariat.

D. Il ne peut recevoir non plus les enchères de personnes dont l'individualité lui est inconnue. Ce point est expliqué sous l'article 46, no 3. A.

11. L'article 48 prononce deux sanctions distinctes, pour le cas où le bien saisi a été adjugé à un incapable d'enchérir:

1o La nullité de l'adjudication;

2o La responsabilité civile du notaire.

12. 1o La nullité n'opère pas de plein droit. Quand les

(1) Bastiné, Cours de notariat, nos 92 et 94.

(2) Bastiné, Cours de notariat, no 110.

rédacteurs de la loi de 1854 ont voulu qu'une nullité opère de plein droit, ils l'ont dit en termes formels. C'est ainsi que l'article 27 défend au débiteur d'aliéner l'immeuble saisi, « à peine de nullité et sans qu'il soit besoin de la faire prononcer. Ce point est généralement admis (1).

2° On est encore d'accord pour enseigner que la nullité n'est pas absolue, qu'elle ne tient pas à l'ordre public, et que par conséquent elle peut être invoquée seulement par ceux dans l'intérêt de qui elle a été établie. Ce principe a été formellement proclamé en France, lors de la discussion de la loi du 2 juin 1841. « Cette nullité, dit le rapporteur à la Chambre des pairs, M. Persil, n'est pas de droit public; elle est toute dans l'intérêt du poursuivant et des créanciers, qui restent maîtres de faire valoir l'adjudication ou de requérir une nouvelle mise aux enchères. Quant aux incapables, ils ne peuvent pas se prévaloir de la nullité qui est prononcée contre eux et non pour eux (2).

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Cette thèse me paraît trop absolue. Il y a lieu de distinguer, selon moi, entre les incapables désignés dans le § 1er de l'article et ceux désignés dans les paragraphes suivants.

En ce qui concerne les juges qui sont intervenus aux jugements, les officiers du ministère public qui ont conclu, le juge de paix et son greffier, la nullité tient à l'ordre public. La prohibition tend avant tout à sau

(1) Chauveau, Code, q. 2395 quinquiès; Persil, Ventes judiciaires, no 264; Bioche, vo Vente d'immeubles, no 383, et vo Saisie immobilière, n° 504; Jacob, p. 414.

(2) Chauveau, Code, q. 2395 quinquies; Thomine-Desmazures, t. II, p 259; Bioche, v° Ventes d'immeubles, no 383; vo Saisie immobilière, n° 504; Persil, Ventes judiciaires, no 264.

vegarder la dignité de la justice. « Il faut que la justice, dit le rapport à la Chambre, soit comme la femme de César, qu'on ne puisse même la soupçonner. La moindre ombre qui parviendrait à se projeter sur l'éclat pur dont doit briller la magistrature, serait un mal.

Étant d'ordre public, la nullité est absolue; elle peut donc être proposée par toutes les parties, même par le magistrat déclaré adjudicataire. Son obligation repose sur une cause illicite et ne peut produire aucun effet. Actionné en payement du prix, l'adjudicataire peut, dans ce cas, opposer la nullité, puisqu'elle est tirée de l'ordre public. Il peut donc aussi agir directement en nullité de l'adjudication, sans qu'on puisse lui opposer la maxime Nemo ex delicto suo actionem consequi debet (1).

:

3o En ce qui concerne les incapables désignés dans les paragraphes suivants : le saisi, l'époux du saisi, etc., la nullité est relative. L'ordre public n'est pas intéressé à ce que ces personnes ne deviennent pas adjudicataires d'un bien exproprié. Ici donc la nullité ne peut être proposée que par les parties dans l'intérêt de qui elle est établie.

Quelles sont ces parties?

A. L'incapacité du saisi et de son époux, celle de l'avoué du poursuivant sont établies dans l'intérêt du poursuivant et des créanciers à qui la saisie est commune. Ceux-ci peuvent donc demander la nullité de l'adjudication. Mais le saisi ou son époux, ni l'avoué du poursuivant ne sauraient s'en prévaloir.

B. L'incapacité du tuteur ou du curateur du saisi est

(1) Marcadé, art. 1597, 111.

établie dans l'intérêt du saisi. Celui-ci peut donc demander la nullité de l'adjudication par son subrogé tuteur. Il en est autrement du poursuivant et des créanciers auxquels la saisie est commune; ce n'est pas dans leur intérêt que la nullité a été introduite dans

ce cas.

C. L'incapacité des personnes notoirement insolvables est établie non-seulement dans l'intérêt du poursuivant et des créanciers à qui la saisie est commune, mais encore dans l'intérêt du saisi. Dans ce cas, le saisi peut donc également provoquer la nullité de l'adjudication; l'acquéreur insolvable seul n'a pas ce droit.

4o Pour être recevable à proposer la nullité, lorsqu'elle est relative, il ne suffit pas d'y avoir droit; il faut encore que, en fait, la nullité cause un préjudice à celui qui la propose. Point de nullité sans grief. Les parties ne peuvent donc provoquer la nullité de l'adjudication, quand le prix du bien saisi correspond à sa valeur vénale (1).

Il n'est pas inutile de rappeler ici que, dans le système de notre loi, le bien est présumé avoir atteint sa valeur quand les enchères ont dépassé quinze fois le revenu cadastral. (Art. 45.)

5o Lorsque l'action en nullité est intentée par le poursuivant, il ne doit pas mettre en cause les créanciers auxquels la saisie est commune, en vertu de l'article 35. Il les représente; il poursuit l'expropriation pour eux comme pour lui-même; il ne peut faire rayer la saisie sans leur consentement. (Voy. art. 35, n° 4, 2o.)

(1) Dalloz, Nullité, no 32 ; Solon, no 407

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