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toirement insolvable. Il n'y a aucune raison de distinguer entre les deux cas; l'article 48 ne subordonne pas la responsabilité du notaire à la condition. que la vente sera déclarée nulle.

§ 2.

DE L'OBLIGATION DE FOURNIR CAUTION.

14. Le projet du gouvernement n'imposait pas à l'adjudicataire l'obligation de fournir caution. C'est la commission de la Chambre qui a inscrit dans la loi la disposition portant que le notaire pourra dans tous les cas requérir caution; elle n'a pas exposé, dans son rapport, les motifs de cette innovation. Un amendement de M. Lelièvre, présenté et adopté au second vote, l'a complétée; il forme la dernière partie de notre article.

On comprend facilement qu'une disposition ainsi improvisée donne lieu à de sérieuses difficultés.

L'adjudicataire peut être obligé de fournir caution dans deux cas :

1o Au moment de la vente, sur la réquisition du notaire;

2° Après la vente, par le tribunal, sur la demande soit du saisissant, soit des créanciers à qui la saisie est commune, soit du saisi.

15. Premier cas. Caution à fournir au moment de la vente, sur la réquisition du notaire.

La caution à fournir, sur la réquisition du notaire, constitue une caution légale, régie par les articles 2040 à 2043 du Code civil.

Par conséquent :

1o La caution offerte doit être capable de s'obliger

à titre gratuit; elle doit être solvable et sa solvabilité ne doit s'estimer qu'eu égard à ses propriétés foncières; elle doit être domiciliée dans le ressort de la cour d'appel où elle doit être donnée. (Art. 2018, 2015 du Code civ.)

Mais en quel lieu la caution doit-elle être donnée? Est-ce au domicile du poursuivant ou au domicile de l'adjudicataire, ou au lieu de la situation du bien saisi?

C'est au lieu de la situation, d'après moi. Dans le système de la loi de 1854, en matière d'expropriation, tout doit se passer dans l'arrondissement où l'immeuble est situé; il n'est pas tenu compte du domicile du poursuivant, ni du domicile du saisi. En se réglant d'après ce principe, la caution ne saurait être domiciliée dans le ressort d'une autre cour d'appel que celle de la situation de l'immeuble saisi,

2o Si l'adjudicataire ne peut pas trouver une caution, le notaire doit le recevoir à donner à sa place un gage ou un nantissement suffisant. (Art. 2041 du Code civ.)

La constitution de ce gage présentera souvent de grandes difficultés, dans le cas prévu par notre disposition. En effet, pour que le privilége existe, l'objet donné en gage doit être mis et rester en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties. Or, en matière d'expropriation, il ne saurait être question de mettre le gage entre les mains du créancier poursuivant; le saisi non plus n'a pas qualité pour cela. Le notaire aussi ne peut être constitué dépositaire du gage; car il n'est pas créancier et il ne peut être mis en possession du gage comme tiers, puisqu'il ne peut acter dans son procès-verbal qu'il a reçu tel objet à titre de

gage et qu'il s'en est constitué dépositaire, comme tiers! Pour procéder régulièrement, il faudra donc qu'on réussisse à trouver, au moment même de la vente, un tiers qui consente à garder l'objet constitué en gage.

3o L'adjudicataire qui ne peut fournir caution peut être admis à donner une hypothèque au lieu d'un gage ou nantissement.

La doctrine se prononce généralement en ce sens (1). Cependant quelques auteurs ont prétendu que les difficultés et les lenteurs attachées à la réalisation d'un gage hypothécaire ne permettent pas de substituer l'offre d'une hypothèque à celle d'un gage mobilier (2).

En Belgique, cette objection perd toute sa force, en présence de l'article 115, 5°, de la loi hypothécaire qui permet au surenchérisseur d'offrir une caution personnelle ou hypothécaire, à son choix. En mettant ainsi la caution hypothécaire sur la même ligne que la caution personnelle, dans le cas de surenchère, qui présente tant d'analogie avec le nôtre, la loi montre clairement qu'il n'y a pas à tenir compte des difficultés plus grandes inhérentes à la réalisation d'un gage hypothécaire. Si un surenchérisseur peut offrir une hypothèque comme garantie, pourquoi cela serait-il interdit à l'adjudicataire sur expropriation forcée?

16. Au moment de la vente, c'est le notaire qui peut requérir caution. C'est donc lui seul qui apprécie si la caution offerte est suffisante; le poursuivant ne saurait l'obliger d'accepter une caution qu'il jugerait insuffi

(1) Troplong, no 592; Pont, t. IX, p. 218, no 445; Massé et Vergé sur Zachariæ, t. V, p. 81, no 3; Pigeau, Procédure civile, t. II, p. 308. (2) Ponsot, no 386; Aubry et Rau, t. III, p. 497; Toulouse, 10 mai 1809 (S.-V., 3, 2, 71).

sante. Car, si le notaire peut requérir caution, c'est pour couvrir sa responsabilité, non-seulement vis-à-vis du poursuivant, mais encore vis-à-vis des créanciers auxquels la saisie est commune.

Il est de principe qu'en cas de contestation sur la valeur de la caution offerte, c'est la justice qui prononce (1).

Cette règle souffre exception dans le cas prévu par notre disposition; le notaire jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour admettre ou écarter la caution offerte. En effet, l'adjudication doit avoir lieu au jour fixé par le jugement; elle ne peut être remise que dans un seul cas, celui prévu par l'article 45. S'il surgit un dissentiment entre le notaire et le saisi sur la solidité de la caution, on ne saurait donc différer l'adjudication jusqu'à ce que les tribunaux aient décidé le différend.

17. Le notaire peut requérir caution dans tous les cas, dit notre article. Il a donc ce droit, lors même que c'est le poursuivant qui achète l'immeuble ou quand l'adjudicataire a une créance équivalente au prix inscrite sur l'immeuble.

18. Notre article n'indique pas dans quelle forme la caution devra être fournie. Evidemment, on ne peut suivre ici les formes prescrites par les articles 517 et suivants du Code de procédure civile pour la réception de caution. Tout doit être terminé sur-le-champ, au moment de prononcer l'adjudication. La caution doit être proposée et acceptée à l'instant même. C'est donc dans le procès-verbal d'adjudication que la caution doit

(1) Pont, t. IX, p. 219, no 446; Dalloz, vo Cautionnement, no 383.

être fournie, en observant les formes prescrites pour le cautionnement conventionnel.

19. Deuxième cas. De la caution demandée depuis l'adjudication :

1o Après la vente, le tribunal peut encore ordonner à l'adjudicataire de fournir caution. Cette disposition est due à l'initiative de M. Lelièvre, qui l'a justifiée par les considérations suivantes :

Mon but est de combler une lacune que présente le projet de loi. On conçoit, en effet, que souvent l'on n'exige pas caution au moment de la vente, parce qu'à cette époque l'adjudicataire présente toute sécurité. Mais cet état de choses peut changer et la position de l'acquéreur devenir périclitante. D'un autre côté, des causes nouvelles justifiant une demande de caution, peuvent rendre cette mesure tout à fait nécessaire.

Il est donc essentiel d'introduire une disposition sauvegardant les intérêts des créanciers et du saisi; les tribunaux apprécieront les faits et circonstances et pourront contraindre l'adjudicataire à fournir caution, moyen qui est souvent indispensable pour ne pas sacrifier les droits des intéressés. L'expérience a, du reste, souvent révélé la nécessité de la mesure que je propose, et ce sont les faits observés qui démontrent l'utilité de ma proposition.

"

2o Il existe, entre la caution à fournir au moment de la vente et celle à fournir plus tard, des différences considérables.

Dans le premier cas, l'adjudicataire est toujours obligé de fournir caution, du moment que le notaire la requiert. Dans le second, l'adjudicataire peut en être dispensé; le tribunal apprécie et décide s'il y a lieu ou

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