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B. Qu'un terrain qui forme une dépendance d'un bâtiment exproprié, par exemple, le terrain qui sert à l'accès de ce bâtiment, est censé faire partie de la saisie, comme accessoire inhérent à l'immeuble (1).

5° Les immeubles par destination d'un corps de domaine, tels que les engrais, bestiaux, paille, sont compris dans l'adjudication, alors même qu'il n'en est pas fait mention spéciale dans le cahier des charges, ni dans le procès-verbal. En effet, la vente comprend non-seulement les accessoires de la chose, mais « tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel, c'est-à-dire les immeubles par destination (art. 1615); ils ont été saisis immobilièrement avec le fonds, ils sont adjugés avec celui-ci (2).

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Carré et Chauveau combattent cette opinion. Ne répugne-t il pas au système de la procédure en matière de saisie, demandent-ils, que des immeubles par destination soient tacitement compris dans la saisie, s'ils ne sont ni expressément ni tacitement désignés dans le procès-verbal? Comment feraient-ils partie de la vente? L'adjudicataire a évidemment dû penser que le bétail, les pailles et engrais appartenaient au fermier; et lorsqu'on ne l'a point averti, par le cahier des charges, que ces choses ont été attachées à la ferme par le propriétaire, les lui attribuer, aux fins de l'article 522 du Code civil seulement, c'est le gratifier d'un accessoire considérable dont rien ne lui avait annoncé la

(1) Cass. Fr., 29 janvier 1838 (S.-V., 1838, 1, 713); Séligman et Pont,

n 52.

(2) T. I, no 89; Troplong, Vente, n° 323, § 3; Bioche, Saisie immo bilière, nos 351 et 527; Séligman et Pont, no 53; Grenoble. 8 février 1858 (S.-V., 1859, 2, 79); Lyon, 7 avril 1853 (S.-V., 1855, 2, 270).

mise en vente et dont, par conséquent, il ne songeait pas à faire l'acquisition (1). Quelques arrêts se sont prononcés en ce sens (2).

Au point de vue de l'équité, les raisons invoquées par Chauveau et Carré ont une valeur incontestable. Mais ce n'est point par des considérations d'équité que la question doit se décider, c'est par des raisons tirées du droit positif. Or, celui-ci est des plus nets et tranche la question dans l'article 1615 du Code civil. Du moment qu'on admet que les règles du Code civil sur la vente s'appliquent à la vente forcée comme à la vente volontaire, les immeubles par destination sont nécessairement compris dans l'adjudication.

6° A. L'adjudicataire doit payer les intérêts sur le prix, quand le bien adjugé produit des fruits ou autres revenus. Il n'y a pas de raison pour ne pas appliquer à l'adjudicataire cette règle d'équité consacrée par l'article 1652, 2o, du Code civil. Cum re emptor fructus, æquissimum est eum pretii usuras pendere. (L. 13, § 20, D. de Act. empt.)

On a objecté cependant que, d'après l'article 767 du Code de procédure civile, les intérêts des créances utilement colloquées cessent de courir à la clôture de l'ordre. Mais cette disposition prouve au contraire qu'en principe les intérêts sont dus sur le prix.

Si l'article 767 du Code de procédure civile arrête le cours des intérêts, à partir de la clôture de l'ordre, c'est uniquement à l'égard du saisi, c'est-à-dire du débiteur

(1) Carré et Chauveau, q. 2404.

(2) Caen, 25 mai 1846 (D. P., 1848, 2, 33); Limoges, 26 juillet 1847 (S.-V., 1848, 2, 33); Poitiers, 13 juillet 1854 (S.-V., 1855, 2, 209); Montpellier, 31 juillet 1855 (S.-V., 1857, 2,208).

originaire. Mais l'adjudicataire ne saurait invoquer cette disposition; il doit les intérêts, comme compensation des fruits qu'il perçoit; il n'y a donc pas de motifs de l'en affranchir, tant qu'il n'a pas payé le prix (1).

B. En déposant le prix dans une banque, l'adjudicataire en retirera des intérêts jusqu'au jour même où les créanciers colloqués lui présenteront leur bordereau. Mais l'intérêt payé par les banquiers sur des capitaux exigibles à chaque instant, est toujours inférieur au taux légal.

Pour échapper à la perte qui peut résulter de cette différence entre les deux taux, l'adjudicataire peut consigner le prix. L'article 116, § 3, de la loi hypothécaire accorde cette faculté à l'acquéreur dans une vente volontaire; or, comme on l'a vu, les règles de la vente volontaire sont applicables à l'adjudication sur saisie (2).

7° Lorsque, après l'adjudication, l'acquéreur est évincé en totalité ou en partie de l'immeuble vendu sur saisie, a-t-il une action en garantie et contre qui?

En principe, il est impossible de refuser à l'adjudicataire l'action en garantie. L'adjudication, comme je l'ai démontré no 6, est une vente régie par les règles relatives à la vente volontaire, à moins d'une disposition contraire expresse de la loi. L'adjudicataire a donc tous les droits de l'acheteur dans une vente volontaire, sauf ceux exceptés par la loi. Or, le Code civil, dans son article 1649, excepte et lui refuse l'action résultant de vices rédhibitoires, mais elle ne lui refuse pas l'action en garantie pour cause d'éviction. S'il a fallu une disposition expresse pour enlever à l'adjudicataire, dans une

(1) Duvergier, Vente, no 422; Carré et Chauveau, q. 2601 bis (2) Dalloz, no 1761; Carré et Chauveau, q. 2549 quater.

vente par autorité de justice l'action en garantie du chef de vices rédhibitoires, il conserve l'action en garantie du chef d'éviction, que la loi ne lui refuse nulle part.

Reste à examiner contre qui l'acquéreur a cette action. Est-ce contre le poursuivant, contre le saisi ou contre le créancier qui a reçu le prix ou une partie seulement?

Des jurisconsultes recommandables refusent l'action en garantie contre le poursuivant, le saisi et les créanciers payés sur le prix et arrivent ainsi à dénier ce recours à l'adjudicataire (1).

D'autres l'accordent seulement contre le saisi (2). D'autres enfin accordent à l'adjudicataire une triple action en garantie contre le poursuivant, le saisi et les créanciers payés sur le prix (3).

Il faut écarter tout d'abord le dernier système qui accorde l'action en garantie contre les créanciers qui ont été payés sur le prix. Il est impossible de les considérer comme vendeurs ; ils n'ont pas même poursuivi la vente comme mandataires légaux du saisi; ils ne sont intervenus que depuis, pour recevoir tout ou partie du prix. On verra tantôt que l'adjudicataire évincé a contre eux l'action en répétition de l'indu (voy. pages 711, 712).

Quant au poursuivant, il ne saurait être tenu de la garantie. En effet, c'est au vendeur que celle-ci incombe; or, dans l'adjudication sur expropriation, ce n'est pas le poursuivant, c'est le saisi qui est vendeur;

(1) Troplong, Vente, no 522; Séligman, no 70.

(2) Duvergier, no 345; Zachariæ, § 354; Marcadé, t. V, p. 254; Ollivier et Mourlon, nos 203 et suiv.; Cass. Fr., 16 décembre 1828; 28 mai 1862 (S.-V., 1862, 1, 747).

(3) Persil, Questions, t. II, p. 241.

c'est celui-ci qui transmet la propriété à l'adjudicataire en vertu d'un consentement présumé. Le poursuivant ne fait que requérir le notaire de procéder à l'adjudication en qualité de créancier du saisi, pour faire convertir en espèces monnayées le bien, gage de sa créance et pour être payé sur le prix; il ne vend pas, il fait vendre par autorité de justice (1).

Assujettir le poursuivant à la garantie en cas d'éviction serait non-seulement peu juridique; ce serait aussi peu équitable. Comme le font remarquer Ollivier et Mourlon, le poursuivant ne sait pas, en général du moins, si l'immeuble dont il a provoqué l'expropriation appartient réellement à son débiteur, et il n'est pas coupable de ne pas le savoir, car le saisi, qui seul pourrait le renseigner à cet égard, est d'ordinaire peu disposé à fournir des indications: au lieu de produire des titres, il les recèle au contraire très-soigneusement. Le poursuivant ne peut donc pas déclarer dans les annonces que les biens qu'il met aux enchères font réellement partie du patrimoine du saisi; aussi la loi ne lui en impose-t-elle pas l'obligation. Si les tiers ne sont pas certains que l'immeuble dont la vente est annoncée appartienne au saisí, qu'ils se renseignent; si leurs doutes persistent, qu'ils s'abstiennent; s'ils passent outre, ce ne peut être qu'à leurs risques et périls (2).

Il ne suit pas de là que le poursuivant soit affranchi de toute responsabilité. Si l'éviction avait sa cause

(1) Dalloz, vo Vente, no 833; Troplong, no 432; Thomine, no 837; Chauveau, Code, no 2409; Persil, Ventes judic., no 291; Ollivier et Mourlon, no 204; Séligman et Pont. no 70, 1o; Cass. Fr., 16 décembre 1828 (S.-V., 1829, 1, 21); Colmar, 22 mars 1836 (S.-V., 1836, 2, 511); Cass. Fr., 30 juillet 1834 (S.-V., 1835, 1, 311); Rouen, 25 juin 1849 (S.-V., 1850, 2, 383).—Contra, Caen, 7 décembre 1827 (S.-V., 1829, 2, 224). (2) Ollivier et Mourlon, loc. cit.

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