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COMMENTAIRE.

1. Cette disposition ne se trouvait point dans le projet du gouvernement, et ce n'est pas sans quelque peine que ses auteurs sont parvenus à la faire inscrire dans la loi.

D'après le projet du gouvernement, le commandement laissait le débiteur libre de disposer de ses immeubles; c'est seulement à partir de la transcription de la saisie qu'il ne pouvait plus aliéner ni hypothéquer les immeubles saisis.

Ce fut la commission nommée par la Chambre qui proposa, la première, de donner au créancier la faculté d'empêcher le débiteur d'aliéner ou d'hypothéquer ses immeubles en faisant transcrire le commandement sur le registre destiné à la transcription des saisies au bureau des hypothèques. La commission voulait prévenir ainsi des contrats frauduleux concertés dans le but de paralyser la saisie.

<< Il est essentiel, dit le rapport présenté en son nom, que le créancier, qui a obtenu une décision judiciaire, ait un titre efficace pour poursuivre l'exécution de l'obligation, sans qu'on puisse le rendre illusoire. C'est le seul moyen de prévenir des inconvénients graves auxquels la suppression de l'hypothèque judiciaire pourrait donner lieu. "

Le gouvernement ne se rallia point à cette disposition, qui rencontra des adversaires, même parmi les membres de la commission. « Ceux-ci pensent, dit un rapport supplémentaire présenté par M. Lelièvre (1), que frapper le débiteur de l'incapacité de disposer de

(1) Séance du 12 décembre 1851.

ses biens à partir du commandement, c'est porter une grave atteinte à son crédit, c'est frapper d'inaliénabilité, peut-être pour une créance peu importante, des immeubles considérables, et qu'un pareil système a pour conséquence de rendre la position du débiteur incertaine et de la compromettre entièrement; que, d'un autre côté, lui enlever d'une manière absolue le droit d'hypothéquer, c'est le placer dans l'impossibilité d'acquitter ce qui est dû au poursuivant.

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Ces considérations l'emportèrent au sein de la commission, qui revint au système présenté par le gouvernement, d'après lequel le dessaisissement du débiteur n'opérait qu'à partir de la saisie.

Mais le système abandonné par la commission de la Chambre fut repris au Sénat.

Plusieurs amendements ayant pour but de permettre au créancier d'opérer le dessaisissement du débiteur à partir du commandement en faisant transcrire cet acte au bureau des hypothèques furent présentés (1).

(1) La commission du Sénat proposait d'ajouter à l'article 17 du projet (art. 14 de la loi):

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Le créancier a la faculté de faire transcrire ce commandement sur le registre mentionné article 22.

Le débiteur ne peut hypothéquer ni aliéner ses immeubles à partir du commandement.

• Vis-à-vis des tiers, le dessaisissement a lieu à partir de la transcription du commandement.

La transcription doit, outre le commandement, contenir la désignation des immeubles dont le créancier entend poursuivre la vente. » M. d'Anethan proposa de remplacer ces dispositions par un article nouveau portant:

Si le commandement contient l'indication mentionnée à l'article précédent (art. 14 de la loi), le créancier a la faculté de le faire transcrire sur le registre mentionné à l'article 22 (art. 19 de la loi).

• Néanmoins cette transcription ne produit les effets indiqués à

Pour faire prévaloir ce système, M. Savart présenta les observations suivantes qui exposent les inconvénients auxquels on voulait porter remède :

"La suppression de l'hypothèque judiciaire, dit M. Savart, a laissé les débiteurs en puissance de disposer de leurs immeubles après les jugements, après les commandements.

« Aucune loi ne sert d'égide au créancier.

« Il n'existe plus de dispositions tutélaires assez efficaces pour sauvegarder les droits du créancier.

« Quand le créancier arrive pour saisir, il trouve néant.

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l'article 30 que pendant trente jours; elle ne peut pas être renouvelée.

"

M. Savart présenta la rédaction suivante qui a passé en grande partie et se retrouve presque tout entière dans l'article 15:

"Si le commandement contient l'indication mentionnée au § 4, le créancier a la faculté de le faire transcrire sur le registre mentionné à l'article 22 (art. 19). Néanmoins, cette transcription ne produit les effets indiqués dans l'article 30 (art. 27) que pendant trente jours. Elle ne peut être renouvelée en vertu du même commandement.

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Si la valeur des immeubles désignés dans la transcription est plus que suffisante pour acquitter sa dette, le débiteur pourra intenter une demande en réduction, conformément aux articles 92 et suivants de la loi du 16 décembre 1851. »

Au second vote du projet, M. d'Anethan proposa la rédaction suivante, devenue l'article 15 de la loi. Les modifications au texte de M. Savart sont indiquées en italiques :

« Si le commandement contient l'indication autorisée par le § 4 de l'article précédent, le créancier a la faculté de le faire transcrire sur le registre mentionné à l'article 19. Néanmoins, cette transcription ne produit les effets indiqués dans les articles 25, § 2, et 27 que pendant trente jours. Elle ne peut pas être renouvelée en vertu du même commandement.

«Si la valeur des immeubles désignés dans la transcription est plus que suffisante pour acquitter la dette, le débiteur peut demander que les effets de la transcription du commandement ne s'étendent pas sur tous les immeubles. Cette demande sera portée, sans préliminaire de conciliation, devant le tribunal dans le ressort duquel est situé l'immeuble ayant le plus grand revenu cadastral. Cette affaire sera jugée comme sommaire et urgente, sans opposition ni appel. »

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« Les débiteurs, par des ventes vraies ou simulées, se dépouillent de tout. Les fraudes pullulent, se multiplient sur tous les points de la Belgique.

« Aussi un cri général se fait-il entendre.

- Aussi des plaintes arrivent-elles des quatre points cardinaux.

<< Aussi chacun attend-il avec impatience qu'on mette fin à un pareil état de choses.

- Dans la pensée de venir en aide aux créanciers impunément dépouillés, votre commission a cherché à combler la lacune laissée par la loi du 16 décembre 1851.

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Elle propose certaines dispositions qui enlèveront aux débiteurs le droit d'aliéner ou hypothéquer leurs immeubles, après le commandement qui leur est fait de

payer.

< Non-seulement il faut avertir les débiteurs qu'ils sont frappés d'interdiction de certains droits, il faut en outre mettre au grand jour leur position exceptionnelle, afin que les tiers ne puissent être induits en erreur. - : Votre commission a donc dit que le commandement suivi de transcription empêcherait les débiteurs d'aliéner et d'hypothéquer les immeubles qui seraient spécialement indiqués et décrits dans le registre destiné à la transcription des saisies.

"C'est pour mettre fin au triomphe de la mauvaise foi et laisser intacts des intérêts légitimes, qu'elle a profondément modifié l'article 17, et y a ajouté les mesures conservatrices énoncées dans les amendements. Une pareille idée aura, je l'espère, votre approbation, et vous en comprendrez toute l'importance.

Il résulte des débats de la Chambre des représen

tants, qu'en reconnaissant l'utilité de certaines mesures on avait en vue de formuler une loi spéciale. Tel n'est pas l'avis de la commission.

Messieurs, tous les hommes pratiques vous affirmeront qu'il y a urgence, péril en la demeure. D'ailleurs, une loi spéciale ne serait pas à sa place en dehors du Code des expropriations.

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Cette fois-ci, le gouvernement se rallia au système qu'il avait combattu au sein de la Chambre et l'article 15 fut voté sans opposition.

Dans son rapport à la Chambre sur le projet amendé par le Sénat, M. Lelièvre invoque les mêmes considérations. Le Sénat, dit-il, introduit un article nouveau dont la portée est remarquable.

< La suppression radicale de l'hypothèque judiciaire a donné lieu à de sérieux inconvénients, et des plaintes se sont élevées de toutes parts sur les conséquences de cette mesure. Les jugements n'ont aucune sanction et les débiteurs condamnés peuvent impunément soustraire leurs immeubles à l'action des créanciers. Pareil ordre de choses porte une atteinte sérieuse au crédit. En conséquence, le Sénat a pensé qu'il était important d'accorder au créancier le droit de faire transcrire le commandement qui précède la saisie, transcription dont le résultat sera d'empêcher le débiteur d'aliéner, d'hypothéquer et même de remettre en location ses immeubles. Tel est le but des amendements admis par le Sénat. »

2. Je ne conteste nullement la gravité des inconvénients auxquels l'article 15 a pour but d'obvier. Mais je n'en dois pas moins constater que sa disposition est en discordance avec l'économie générale de la loi et notamment avec l'article suivant, qui ordonne de laisser

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