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un délai de quinzaine entre le commandement et la saisie immobilière. Quel est le but de ce délai? Évidemment de laisser au débiteur le temps de se procurer des ressources pour échapper à la saisie de ses immeubles. Or, si, pendant ce délai, le créancier peut le mettre dans l'impossibilité d'aliéner une partie de ses immeubles, de les hypothéquer et même de les louer, le délai devient inutile dans la plupart des cas; la plus précieuse des ressources du débiteur, ses immeubles, se trouve frappée d'indisponibilité.

3. La rédaction de l'article 15 présente ce grand inconvénient qu'il est inintelligible par lui-même. Pour savoir ce qu'il veut dire, il faut consulter les quatre dispositions auxquelles il renvoie (§ 4 de l'art. 14; art. 19; § 2 de l'art. 25; art. 27) et dont la première, le § 4 de l'article 14, renvoie à son tour à une cinquième disposition, l'article 18, no 2. Ce n'est qu'après avoir consulté ces cinq textes que l'on sait enfin ce que veut dire l'article 15.

4. Pour que le commandement puisse être transcrit, il doit indiquer les biens que le créancier veut frapper d'indisponibilité, selon la manière prescrite par l'article 18, 2o.

Par conséquent, s'il s'agit d'une maison, le commandement doit énoncer l'arrondissement, la commune, la rue où elle est située et deux au moins des aboutissants. S'il s'agit de biens ruraux, il doit désigner les bâtiments, la nature et la contenance approximative de chaque pièce, deux au moins des tenants ou aboutissants, l'arrondissement et la commune où les biens sont situés.

5. Le conservateur des hypothèques a le droit de refu

ser la transcription d'un commandement irrégulier à cet égard; il ne doit pas transcrire, par exemple, un commandement omettant l'indication de l'arrondissement ou des aboutissants si c'est une maison, ou la contenance approximative des pièces, si ce sont des biens

ruraux.

Le législateur, à tort ou à raison, a jugé ces différentes indications nécessaires pour avertir les tiers du dessaisissement opéré par la transcription; il a cru que l'absence de l'une d'elles était de nature à laisser dans l'incertitude quels biens sont frappés d'indisponibilité par la transcription du commandement; c'est pour ce motif qu'il ne s'est pas borné à prescrire au poursuivant d'indiquer les biens avec précision, mais qu'il a minutieusement énuméré les différentes indications d'où résultera, d'après lui, cette précision qu'il a en vue.

On ne saurait objecter que le conservateur n'est pas juge de l'irrégularité du commandement qu'on lui demande de transcrire et que ses fonctions consistent à copier littéralement les actes qu'on lui présente. C'est là méconnaître le caractère de ses fonctions. Comme l'observe M. Baudot : Le conservateur n'est point un fonctionnaire passif, tenu de se conformer aux caprices des parties. Institué dans l'intérêt de l'ordre public, il lui est défendu de faire ce que la loi prohibe; c'est à lui de juger, sauf tout recours devant les tribunaux, s'il lui est permis de donner les formalités que l'on requiert (1). ›

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On ne saurait objecter non plus le texte de l'article 130 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851

(1) Des formalités hypothécaires, II, 9.

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(2199, C. civ): « Dans aucun cas, les conservateurs ne peuvent refuser, ni retarder les inscriptions... La doctrine et la jurisprudence sont d'accord pour décider que ce texte, emprunté au code civil, ne doit pas s'entendre en un sens trop absolu et qu'il faut laisser aux conservateurs des hypothèques une certaine liberté d'appréciation et leur permettre de refuser la formalité à des actes qui leur semblent irréguliers (1).

6. Si le conservateur avait transcrit un commandement irrégulier, la transcription n'opérerait point le dessaisissement du débiteur.

La faculté accordée au poursuivant de frapper d'indisponibilité les biens de son débiteur, avant la saisie qui, dans le système de la loi, met seule le bien sous la main de la justice, est un droit exorbitant, une exception au droit commun; elle ne peut produire ses effets légaux que dans les conditions et moyennant les formes voulues par la loi. Du moment que celles-ci font défaut, ne fût-ce qu'en partie, la transcription est nulle et de nul effet. Par conséquent l'aliénation ou l'hypothèque consenties depuis la transcription d'un commandement irrégulier serait valable.

7. La transcription du commandement régulier produit les effets indiqués par les articles 25 § 2 et 27. Aux termes de l'article 25 § 2: « Sont nuls les baux consentis par le saisi après la prescription du commandement ou de l'exploit de saisie. »

D'après l'article 27: « Le débiteur ne peut, à compter du jour de la transcription de la saisie ou du com

(1) P. Pont, Commentaire, Traité des priv. et hyp., no 1434, p. 1193; Martou, Hyp., no 1630; Agen, 6 août 1852 (S.-V., 1852, 2, 428), et la note de M. Devilleneuve sur cet arrêt,

mandement, aliéner ni hypothéquer les immeubles saisis, ou indiqués au commandement, à peine de nullité et sans qu'il soit besoin de la faire prononcer. »

J'expliquerai, en commentant ces dispositions, les effets de la transcription, l'étendue de l'incapacité du débiteur, le moment où celle-ci commence.

8. Les trente jours pendant lesquels la transcription opère le dessaisissement du débiteur courent à partir de la date de la transcription; à défaut de disposition contraire, le poursuivant a un délai de trente jours pleins.

9. La transcription qui produit ces effets ne peut pas être renouvelée en vertu du même commandement, dit notre article.

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Il faut entendre par là, non-seulement le même exploit d'huissier, mais encore les exploits qui pourraient suivre un premier contenant pareille mise en demeure. La loi n'a pas entendu permettre au poursuivant de frapper indéfiniment d'indisponibilité les immeubles de son débiteur, en réitérant un commandement tous les trente jours. Elle a strictement limité à ce terme le temps pendant lequel cette mesure conservatoire pourrait produire ses effets; une fois que le délai est sur le point d'expirer, c'est par voie de saisie que le créancier doit procéder pour sauvegarder ses intérêts.

Ainsi, par exemple, un créancier chirographaire notifie le 1er août à son débiteur un commandement contenant l'indication régulière des maisons de celui-ci et le fait transcrire le lendemain. Depuis lors il apprend que son débiteur est également propriétaire d'une ferme et le 10 août suivant, il lui notifie un nouveau commandement contenant l'indication régulière de la ferme

et répétant, en outre, l'indication des maisons déjà décrites dans le premier commandement. Dans ce cas, les maisons ne seront pas frappées d'indisponibilité pendant quarante jours; quant à celles-ci, le dessaisissement du débiteur prendra fin trente jours après la transcription du premier commandement.

10. Le deuxième paragraphe de l'article 15 accorde au débiteur une action tendant à restreindre les effets de la transcription du commandement, lorsque la valeur des immeubles est plus que suffisante pour acquitter la dette.

L'amendement de M. Savart disait : « Une demande en réduction, conformément aux articles 92 et suivants de la loi du 16 décembre 1851. » Cette rédaction a été modifiée, la procédure de la réduction judiciaire des inscriptions hypothécaires établie par cette dernière loi ne pouvant s'appliquer dans toutes ses parties aux demandes à fin de restreindre les effets de la transcription d'un commandement.

Le débiteur peut intenter l'action de l'article 15, si la valeur des immeubles est plus que suffisante.

11. Comment le débiteur prouvera-t-il que la valeur des immeubles est plus que suffisante?

La loi de 1854 n'a pas réglé la manière de déterminer la valeur dans ce cas. Le débiteur peut donc employer tous les moyens de droit et de fait de nature à établir la véritable valeur. Il peut donc produire des actes de partage, de vente, de louage et tous autres titres de nature à faire connaître la véritable valeur.

Il peut aussi invoquer le tableau indiquant le rapport moyen du revenu cadastral à la valeur vénale tel qu'il est établi par l'arrêté royal du 25 juillet 1867. Ce rap

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