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tiré de la chaudière, était le meilleur, parce qu'il avait pompé le premier suc; celui qu'on remettait dans la même chaudière était d'une qualité inférieure. Le purpurissum de Pouzzol était le plus estimé. Le purpurissum appliqué sur une couche de sandyx, avec du blanc d'oeuf, avait l'éclat du minium. Quand ils voulaient obtenir une couleur pourpre, ils étendaient avec du blanc d'oeuf le purpurissum sur une couche de bleu qu'ils avaient d'abord appliquée. L'indicum purpurissum venait immédiatement après le purpurissum. C'était, selon Pline, une écume mêlée de limon, qui se coagulait et s'attachait aux roseaux. Lorsqu'on la broyait, elle était noire; mais elle rendait, étant délayée, une agréable couleur mixte, composée de bleu et de pourpre. Cette espèce d'indicum, très-rare du temps de Pline, nous est aujourd'hui absolument inconnue. Les teinturiers composaient une espèce d'indicum purpurissum en y mêlant de la fiente de pigeon, ou de la craie silinusienne, ou bien en mettant de la craie anulaire avec du verre pilé.

L'armenium, dont le nom indique l'origine, était une pierre que l'on teignait de la même manière que la chrysocolle, dont on lui communiquait la couleur avec du bleu. On donnait la préférence à celui qui ressemblait à cette même chrysocolle. Cette couleur différait du bleu par une nuance de blanc qui en rendait le bleu plus tendre.

Le vert appien et le blanc anulaire étaient deux couleurs nouvellement employées par les peintres au temps de Pline. Le vert appien était un composé de craie verte, imitant la chrysocolle, et le blanc anulaire un composé de craie mêlée avec des verres de bague, ou anneaux du peuple. Les peintres s'en servaient pour faire les carnations des femmes.

Le sang des dragons (sanies draconum) n'était autre chose qu'une gomme particulière, comme l'a très-bien observé Arrien dans son Périple. Constantin, dans son Lexique, au mot Kava Capi, confirme cette opinion par le témoignage d'un Vénitien nommé Cadamusto, qui, dans l'histoire de ses voyages en Afrique, dit que cette gomme est

luisante, rouge, d'une couleur et d'une substance parfaitement semblables à celle du sang, qu'elle découle d'un arbre appelé dragon par les Portugais, et que les gens du pays font à cet arbre des incisions pour obtenir une plus grande quantité de suc résineux, connu encore aujourd'hui chez nos apothicaires sous le nom de sang de dragon, ou de sang-dragon.

Le purpurissum, l'indicum, le bleu, le melinum, l'orpiment, le vert appien et la céruse ne prenaient point sur les enduits humides. Casaubon a confondu la couleur que les Romains appelaient luteus, avec la couleur blanche; elle ne pouvait pourtant pas être la même, puisque Pline, en parlant des violettes, en présente de trois couleurs, purpureæ, luteæ et alleæ (liv. XXI, c. 6.) Selon le même auteur, confirmé par Lucain, le luteus et le flammeus étaient la même couleur, qui n'était elle-même qu'une nuance plus claire de celle qui était appelée rufus; elles approchaient beaucoup de celle qui se nommait flavus. Quelques auteurs veulent au contraire qu'il y eût entre ces deux couleurs une grande différence. Le luteus était ce que nous nommons aujourd'hui aurore. Quoique le crocus entrât dans cette couleur factice, elle n'était pas pour cela jaunâtre. C'est de la plante que les Romains nommaient lutea ou glastrum, et les Grecs isatis, qu'était tiré anciennement le fond de la couleur luteus. Cette couleur fut d'abord celle du voile qui servait aux noces et qu'on nommait flammeum. Elle devint dans la suite un peu plus foncée et semblable à celle qu'on appelait sanguineus.

Il ne paraît pas que jamais, même dans les plus grossiers usages qu'on ait fait des couleurs, la main seule ait pu suffire à placer et à mêler ou unir ces couleurs. On fut donc naturellement obligé d'employer des instrumens qui, d'une part, fussent susceptibles de se charger de la couleur qu'on voulait transporter et appliquer sur une surface destinée à être peinte, et, de l'autre, qui fussent faciles à mettre en usage. Nous savons que les anciens se sont servis d'éponges; mais si l'éponge était en effet très-propre à se charger de la couleur, en la supposant liquide; si l'éponge, ajustée à une sorte de manche, pou

vait se prêter aux mouvemens de la main qui en faisait usage; d'un autre côté, la nature et surtout la forme de l'éponge ne pouvaient pas contribuer aussi facilement à former avec exactitude et légèreté les traits dont il est indispensable de se servir pour indiquer certaines formes, certaines figures et les détails des objets qu'on veut imiter. On peut dire que nous n'avons peut-être pas une connaissance assez exacte de la manière dont les anciens artistes préparaient, et mettaient en usage pour l'action de peindre, l'éponge qu'ils employaient ; mais il est à présumer que l'usage du pinceau, qui a été substitué à l'éponge, devait remplir mieux l'intention des peintres. Le comte de Caylus était persuadé que c'était au pinceau qu'avaient peint, à l'encaustique, les artistes de l'antiquité. Il cite Pline, mais il ne s'est pas aperçu que cet écrivain ne fait mention du pinceau, pour la peinture encaustique, que lorsqu'il parle de la peinture des vaisseaux, et qu'il semble l'exclure de celle des tableaux. Le comte de Caylus crut avoir retrouvé l'encaustique des anciens, et ne trouva en effet que de nouvelles manières de peindre avec des cires. Il nous reste si peu de chose sur l'encaustique des Grecs, que, si même on la recouvrait, on ne pourrait assurer que ce fut bien elle qu'on eût découverte. Mais il est prouvé que le comte de Caylus, en croyant renouveler le procédé des peintres de tableaux, n'a trouvé qu'une manoeuvre assez semblable, peut-être, à celle des peintres de vaisseaux. Ecoutons Pline, le seul qui puisse nous instruire, et qui, à cet égard, nous instruit bien faiblement. « Il est certain, dit-il, qu'il y a eu ancien«nement deux manières de peindre à l'encaustique, en cire et sur « l'ivoire, par le moyen du cestrum, c'est-à-dire du poinçon. Quand « on a commencé à peindre les vaisseaux, on a trouvé alors une « troisième manière dans laquelle on emploie au pinceau des cires « fondues au feu. Cette peinture des vaisseaux résiste au soleil, au «sel de la mer et aux vents. » Voilà trois encaustiques bien distinctes. Dans la première on peignait à la cire; mais comment? Pline ne le dit pas; il nous apprend seulement qu'on se servait de poinçons. La seconde se faisait sur l'ivoire et aussi avec des poinçons, mais sans y

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employer la cire: c'était moins une peinture proprement dite, qu'une gravure qui se faisait sur l'ivoire avec une pointe rougie au feu. Les tailles étaient d'un noir jaunâtre et se détachaient sur le blanc de l'ivoire. Dans la troisième sorte d'encaustique, c'est-à-dire celle des vaisseaux, on employait au pinceau des cires fondues au feu, et c'est aussi une manière de peindre au pinceau avec des cires fondues que le comte de Caylus a inventée plutôt que retrouvée. Ce n'est donc pas celle des peintres rhodiens dont parle Anacréon, et de tant de grands maîtres de l'antiquité. Pline nous apprend lui-même qu'ils n'employaient pas le pinceau. Il raconte que Pausias, peintre à l'encaustique, ayant réparé à Thèbes, ou à Thespies, des peintures faites au pinceau par Polygnote, et ayant fait lui-même usage du pinceau, pour mettre son ouvrage en harmonie avec celui qu'il réparait, se montra inférieur au maître contre lequel il avait à lutter, parce qu'il ne combattait pas dans son genre. Ainsi le comte de Caylus, en trouvant différentes manières de peindre avec des cires, et au pinceau, n'a fait que s'approcher des procédés des anciens peintres de navires. La quatrième manière du comte de Caylus consiste à peindre d'abord en détrempe, et à couvrir ensuite son ouvrage d'une couche de cire. C'est celle que les anciens employaient pour fixer sur les murailles les couches de minium, qui, sans cette précaution, perdaient en quelques semaines tout leur éclat : on broyait de la cire punique avec un peu d'huile, on l'étendait avec des brosses sur le mur coloré, on chauffait cet enduit avec des charbons de noix de gale contenus dans des vases de fer, au point de faire suer le mur, et jusqu'à ce que l'enduit devînt d'une parfaite égalité, enfin on le frottait avec du suif et des linges blancs, de la même manière qu'on donnait l'éclat au marbre. Tel est le procédé que Pline et Vitruve indiquent presque dans les mêmes termes, et qui n'était pas celui des peintres de tableaux. (Voyez Vitruve, liv. 7, ch. 9, et Pline, liv. 33, ch. 7.) Un savant, qui, comme il nous l'apprend lui-même, avait exercé la peinture dès son enfance, et qui, lorsqu'il écrivait, à l'âge de quarante-huit ans, son livre intitulé Graphice, avait donné à la

culture de cet art plus de temps qu'à celle des lettres, Jean Scheffer croit que le procédé de l'encaustique, pour les tableaux, avait quelque rapport avec celui de la mosaïque que les anciens appelaient opus musivum. Il conjecture que le peintre, au moyen de poinçons rougis au feu, creusait dans le bois qui lui servait de fond, des lignes qui représentaient tous les objets qu'il voulait imiter; qu'ensuite il remplissait ces lignes de cires diversement colorées, et qu'il unissait enfin la surface de tout son ouvrage au moyen du feu. Peut-être que, pour dernière opération, on polissait le tableau par un procédé semblable à celui qu'on employait pour les murailles.

On peut conjecturer que la plus ancienne manière de peindre était à détrempe; et, si l'on excepte l'encaustique des anciens, et la mosaïque qui doit avoir été dans tous les temps une manière de copier des ouvrages toujours peints, on peut dire qu'avant l'invention de la peinture à l'huile, on ne peignait qu'à fresque et en détrempe : encore peut-on regarder la fresque comme une sorte de détrempe appliquée sur un enduit frais. On voit, en Italie et en France, des peintures à détrempe sur le plâtre, qui, malgré le laps de plusieurs siècles, conservent encore plus de fraîcheur que celles qui sont faites à l'huile. Il est d'expérience qu'une bonne détrempe, exécutée sur un enduit de plâtre bien sec, est, au bout de six mois, capable de souffrir sans altération des pluies assez longues. Quelle durée ne devait-elle pas avoir, placée à l'abri de l'humidité!

L'art d'émailler sur terre ne fut pas inconnu des anciens. Il y avait, au temps de Porsenna, roi des Toscans, des vases émaillés de différentes figures. Les anciens ont encore eu le secret de teindre le verre et de lui faire imiter les couleurs des pierres précieuses. On montre tous les jours de ces verres antiques colorés, sur lesquels il y a des gravures en creux, et l'on en voit aussi qui rendent parfaitement l'effet des plus singuliers camées. Il est probable que les anciens ont su mettre le verre en fusion : cette pratique, qui peut-être avait été interrompue, fut remise en vogue sur la fin du quinzième siècle, Il n'y avait presqu'aucune pierre précieuse dont on ne lui fit prendre

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