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ment de la mosaïque en relief. C'est une statue ronde d'Osiris, de la hauteur d'environ un empan, et composée en entier de pointes de verre d'une extrême finesse, tellement travaillées, qu'on découvre à peine les jointures. Ce morceau rare se trouve à Velletri, dans la superbe collection d'antiques du feu cardinal Borgia. On ne saurait déterminer ni le peuple, ni le temps où l'on a fait les premiers essais de mosaïque. Couvrir un plancher, un pavé de pierres de différentes couleurs, est une idée, un goût aussi naturel à l'homme, que l'est celui d'orner un casque de plumes bigarrées, ou de tresser une couronne de fleurs différentes. Nous ignorons si les Egyptiens, ou d'autres nations de l'Orient ont cultivé la mosaïque avant les Grecs, et, en général, il n'y a point de genre de peinture chez ce peuple qui nous soit moins connu. Pline fait mention d'un seul artiste en mosaïque, nommé Sosus, lequel, à Pergame, avait parqueté un salon à manger dans le goût dit asaratos æcos, qui consistait à imiter sur le plancher les balayures et le rebut des mets qu'on jetait à terre pendant le repas. Ces morceaux de mosaïque étaient composés de petits cubes de terre cuite de différentes couleurs. On admirait surtout dans cet ouvrage la figure d'un pigeon qui buvait dans un vase; l'ombre de sa tête réfléchissait dans l'eau, tandis que d'autres pigeons, assis au soleil, sur le bord du vase, se grattaient et arrangeaient leurs plumes. Pline dit (lib. XXXVI, c. 60), nous ne savons pas dans quel temps ce Sosus vivait à Pergame. Nous pensons que, chez les anciens, la mosaïque n'était pas comptée au nombre des arts libéraux. C'est une opération pénible; on peut même dire que c'était plutôt le travail d'un esclave que la production d'un esprit libre, puisque l'artiste ne fait autre chose que suivre et exécuter servilement le dessin qu'il est chargé d'imiter. Nous ajouterons que Sosus est un nom d'esclave. S'il est vrai que cet art n'a point été exercé par des hommes libres, nous ne devons pas nous étonner du silence des anciens. Pline nous apprend que les Grecs avaient tellement perfectionné cet art, qu'ils ne se bornaient pas à employer des pierres colorées, qu'ils avaient inventé la composition dont nous avons parlé plus haut.

Des Grecs, la mosaïque passa chez les Romains. Sylla fut le premier qui l'introduisit dans sa patrie, lorsqu'il fit construire le temple de la Fortune à Préneste. D'abord cet art ne servit qu'au parquetage; ensuite à l'incrustation des murs et des voûtes. Pline appelle la mosaïque en verre une nouvelle invention. Il paraît que Scaurus, le beau-fils de Sylla, fut le premier à en faire usage pour la décoration des murs du fameux théâtre qu'il fit construire. Ce ne fut cependant que long-temps après que cette innovation trouva des imitateurs, puisque M. Agrippa, qui, sous le règne d'Auguste, remplit Rome de tant de merveilles et de magnificence, ne fit point usage, dit Pline, de la mosaïque de verre, dans ses thermes. Mais, sous les règnes suivans, le goût de cette décoration prit une vogue générale; et, à mesure que les autres genres de peintures furent moins cultivés, les travaux en mosaïque prirent une plus grande activité. Même après la décadence de l'empire romain et des arts, en général, les ouvrages de mosaïque continuèrent à être recherchés. Rome et Ravenne renferment une quantité de monumens chrétiens dans ce genre, composés pendant les premiers siècles qui ont suivi le règne de Constantin; et lorsqu'à l' entière extinction de l'empire d'Occident, la dernière étincelle de l'art ne jetait plus qu'une faible lueur dans les murs de Constantinople, c'est de là que les ouvrages de mosaïque passaient encore de temps en temps en Italie pour l'ornement des basiliques et autres édifices publics. Ce luxe régnait non-seulement dans les palais et dans les temples, mais aussi dans les maisons des particuliers, même dans les petites villes, comme à Pompéia. Partout où la puissance et la culture romaine ont pénétré, on trouve des vestiges de ce luxe. Les principales mosaïques antiques que nous connaissions sont : la mosaïque du capitole avec les pigeons, appartenant autrefois au cardinal Furietti qui l'avait découverte dans les ruines de la villa Hadriana, près de Tivoli. C'est un très-beau morceau. Le seul défaut qu'on lui trouve, c'est que le jeu des couleurs dans le plumage des pigeons aurait pu être plus naturellement imité. L'exécution répond en tout point à la description que nous fait Pline des pigeons de Sosus

à Pergame; ce qui a fait penser à quelques personnes que l'empereur Adrien avait fait l'acquisition de ce morceau pour en orner la villa Hadriana. Mais ce qui prouve que les pigeons d'Adrien ne sont qu'une copie de ceux de Sosus, c'est que l'original était composé de cubes de terre cuite, tandis que ceux-ci sont un composé de verre mêlé de pierres naturelles. Il est, au reste, remarquable que l'unique morceau de mosaïque dont Pline nous indique le sujet, soit parvenu en copie jusqu'à nous. La mosaïque de Palestrine n'est pas moins curieuse. On l'a prise long-temps pour celle dont Sylla fit parqueter le temple de la Fortune à Préneste, qui fut le premier ouvrage de ce genre à Rome. Cette mosaïque se voit aujourd'hui dans le palais Barberini. L'édifice dont elle faisait partie, et dont elle fut détachée dans le XVIIe siècle, existe encore, assez bien conservé dans ses parties principales. Une autre mosaïque représentant l'enlèvement d'Europe, trouvée également à Palestrine, est aussi dans le Musée de la maison Barberini, à Rome. On en voit plusieurs dans la Villa Albani. Les deux principales représentent une assemblée des sept sages, et Hésione délivrée du monstre marin par Hercule et par Télamon. On voit dans le Musée de Portici plusieurs mosaïques trouvées dans les fouilles de Pompéia et d'Herculanum. Les deux morceaux qui méritent le plus d'attention, représentent des mimes avec des masques sur le visage. Le nom de l'artiste, Dioscorides, de Samos, qui s'y trouve inscrit, les rend surtout remarquables. Pie VI avait recueilli plusieurs morceaux de mosaïque pour son Musée Pio Clementino. D'abord un très-grand morceau trouvé dans les bains d'Otricoli au centre, on voit une très-belle tête de Méduse, et, autour d'elle, le fond est divisé en plusieurs compartimens circulaires.

Les monumens qui nous sont parvenus dans ce genre, ne nous mettent pas en état de juger du point de perfection auquel les anciens l'avaient porté. Les mosaïques qui servaient à l'incrustation des murs et à la décoration des plafonds, étaient sans doute travaillées avec infiniment plus de soin que celles qui servaient simplement aux parquets. D'ailleurs, la plupart de celles qui ont survécu à la destruc

tion, sont composées de pierres naturelles, tandis que les mosaïques de verre devaient être beaucoup plus parfaites. Nous savons, par le témoignage de Spartien, qu'on faisait en mosaïque les portraits des grands hommes. L'image de Pescennius Niger, placée avec celles des autres amis de l'empereur Commode, dans une salle semi-circulaire des jardins de cet empereur, fut exécutée de cette manière. Il paraît même que c'est de ce portrait que Spartien a emprunté la description qu'il fait de la figure de Pescennius. Ce seul passage prouve que les anciens ont porté le genre de la mosaïque à un grand degré de perfection, puisqu'on ne peut pas supposer que, dans un temps où l'art en général était encore dans sa splendeur, l'empereur Commode eût faiț exécuter en mosaïque les portraits de ses amis, si ce genre d'ouvrage n'avait pas atteint le point de perfection nécessaire pour faire illusion, comme un tableau travaillé au pinceau. Mais ce qui, plus que tout le reste, parle en faveur de la haute perfection à laquelle les anciens avaient porté l'art de la mosaïque, ce sont les fragmens en fils de fer coloré, fondus ensemble. La finesse du dessin, la délicatesse dans les teintes et dans les nuances, était vraiment étonnante. Il eût été difficile au pinceau le plus délicat d'y atteindre. Les anciens composaient aussi de la mosaïque avec des pastels colorés d'argile et de terre cuite avant l'invention des pâtes, ou frittes de verre. (Pline, liv. XXXVI, ch. 60).

S'ils ne nous ont pas révélé, à la faveur du prisme, le grand secret de la nature sur la composition de la lumière et sur le mécanisme des couleurs; si cette brillante théorie leur avait échappé, malgré tous leurs efforts et leurs méditations, il n'en est pas moins vrai qu'ils distinguaient une multitude de couleurs, et qu'ils avaient inventé des noms particuliers pour les caractériser toutes; mais ces noms que nous rencontrons dans leurs écrits, ne laissent pas d'arrêter souvent ceux même qui possèdent le plus parfaitement leur langue. On peut se faire une idée assez juste des couleurs qu'ils expriment, quand il ne s'agit que de celles qui sont les plus usuelles et les plus marquantes; mais, pour le plus grand

nombre, on n'a que des notions vagues et obscures. S'il est des lecteurs à qui ces notions peuvent suffire, il s'en trouve aussi à qui leur curiosité ne permet pas de s'en contenter. Pour vérifier si la signification que l'on convient communément de donner à certains noms de couleurs qui se rencontrent dans les anciens, est la vraie, et pour fixer celle de beaucoup d'autres qui n'en ont qu'une vague et incertaine, il faut chercher dans les auteurs des passages ou la couleur, exprimée par un mot grec ou latin, soit comparée à la couleur de quelques êtres de la nature qui ont dù toujours exister tels que nous le voyons encore. Les substances du règne végétal fourniront aussi un grand nombre d'objets de comparaison, et celles du règne minéral encore davantage, parce que ces dernières sont et plus constantes et plus inaltérables. Nous sommes certains que l'or, l'argent, le cuivre, les pierres précieuses nous présentent maintenant les mêmes couleurs qui les distinguaient il y a trois mille ans. On ne doit pas craindre que ces substances aient été confondues, ni douter que notre émeraude et notre améthyste, par exemple, ne soient réellement les mêmes que celles des anciens. Le prix que les hommes ont toujours attaché à ces productions de la nature, est un sûr garant qu'elles nous ont été transmises sans confusion, et par conséquent nous ne devons avoir aucune incertitude sur la vraie couleur des autres corps qui leur ont été assimilés. C'est par ces rapprochemens et ces combinaisons qu'on peut parvenir à se former une idée juste. et certaine de toutes les couleurs, tant simples que composées, dont il est fait mention dans les anciens, et à dresser une échelle de toutes leurs nuances. Les anciens n'employaient pas seulement les couleurs qu'ils tiraient du règne minéral et du règne végétal à teindre les étoffes et les matières dont elles étaient composées, ils s'en servaient encore pour teindre un grand nombre d'autres substances; ils teignaient les cuirs, l'ivoire, l'écaille de tortue, la corne, le crin des animaux, les bois, les terres, la cire, la pierre même.

Les Grecs n'eurent aucun peuple à dépouiller des chefs-d'oeuvre des arts; car aucun peuple avant eux ne les cultiva au point de les

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