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En 1674, des ouvriers qui travaillaient à la réparation de l'ancienne voie Flaminienne, découvrirent, par un pur hasard, à un mille au-dessus du Ponte-Molle, un tombeau qui était caché depuis trèslong-temps sous terre, et dont tout l'intérieur se trouve rempli de peintures exécutées à fresque. Ces peintures, tout au plus du temps. des Antonius, et qui même étaient l'ouvrage d'un peintre assez médiocre, furent, dans le premier moment de la découverte, vues du même œil qu'on aurait envisagé un tableau de Zeuxis ou d'Apelles. Une inscription qui fut trouvée dans le même lieu, et où se lisait le nom de Nason, en apprenant que le tombeau avait appartenu à cette famille romaine, rendit la découverte encore plus intéressante : on publia que cette famille était la même que celle d'Ovide, et que le portrait de ce poëte célèbre se trouvait dans une des peintures. (Voyez la planche LXXXIX de cette collection).

On fit, au mois de juillet 1668, la découverte d'un édifice qui faisait partie des thermes de Titus, à la distance de deux cent cinquante palmes du Colisée. Ce bâtiment, qu'on estima être un ouvrage de Trajan ou d'Adrien, consistait en plusieurs chambres à la suite l'une ́ de l'autre, sans aucune communication, et toutes égales en grandeur. La voûte d'une seule de ces chambres était demeurée entière. Celles de toutes les autres chambres et de la plus grande partie du corridor voisin étaient tombées de vétusté. On trouva sur les murs de plusieurs de ces chambres divers morceaux de peinture à fresque dont quelques-unes font partie de cette collection. (Voyez les planches I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XXI). Chaque chambre était éclairée par une fenêtre percée dans le mur extérieur, et l'on y entrait par une porte qui faisait face à la fenêtre, et qui avait son issue dans un long corridor voûté, de seize palmes de largeur. Les murailles de ce corridor étaient arciennement couvertes, à droite et à gauche, de peintures à fresque représentant des paysages dont on apercevait encore une portion assez

bien conservée.

Un autre édifice, dépendant aussi des thermes de Titus, fut dé

couvert en 1633 sous les décombres dont il était enveloppé de toutes parts. Il était voisin d'un grand réservoir qui fournissait les eaux aux thermes de Titus, et qu'on connaît sous le nom des SEPT SALLES. Les plafonds de quelques-unes des chambres de cet édifice étaient ornés de peintures. Nous avons reproduit les meilleures. (Voyez les planches LXXIII, LXXIV, LXXV, LXXVI, LXXVII, LXXVIII, LXXX).

Le tombeau de Caius Cestius occupe une place distinguée dans les annales des arts. Ce monument, construit en forme de pyramide haute de cent pieds, et large à sa base de quatre-vingt-dix sur toutes ses faces, s'est conservé en son entier, malgré les atteintes qu'il a reçues et de la révolution des siècles, et de la fureur destructive des hommes. On le voit encore tel qu'il fut construit lorsque le pape Alexandre VI le fit restaurer. La masse intérieure du bâtiment est en brique. Dans le milieu est une salle voûtée dont les murs ont de tous côtés plus de vingt-quatre pieds d'épaisseur. Six peintures à fresque décorent ces murs, et sont remarquables par divers genres de mérite : nous avons cru devoir les reproduire. (Voyez les planches LXXXI, LXXXII, LXXXIII).

Constantin avait fait construire des bains publics à Rome; Victor et Ammien Marcellin en font mention. Au commencement du XVIIe siècle, on voyait encore des restes considérables de ce monument sur le côté septentrional du mont Esquilin. Nous avons enrichi notre collection de quelques-unes des peintures que ces débris avaient conservées voyez les pl. LXXXIII, LXXXIV, LXXXV, LXXXVI, LXXXVII, LXXXVIII); mais c'est dans les fouilles d'Herculanum que nous avons fait la plus abondante récolte.

Les peintures qui décoraient les maisons d'Herculanum ne peuvent avoir été comparables aux peintures qui faisaient l'ornement des villes capitales où régnaient les beaux arts *. Herculanum ne fut jamais

* Les peintures conservées au Musée de Portici sont au nombre de plus de mille, tant grandes que petites. Elles sont toutes encadrées sous des verres, et quelques-unes des plus grandes sont enfermées sous des châssis vitrés. La plupart sont exécutées en détrempe, et un petit nombre à fresque; mais, comme on croyait dans le commencement que toutes les peintures sur les

qu'une petite ville de province dont le commerce n'a même pas été célèbre. Si les tableaux qu'on y a trouvés étaient portatifs, cette

murailles étaient exécutées de cette dernière manière, c'est-à-dire à fresque, et que personne n'avait mis la chose en doute, on n'examina point les différences qui se trouvaient dans leur exécution. Un homme se présenta avec un vernis qui devait, disait-il, conserver ces peintures : on en couvrit toutes celles qui avaient été découvertes, de sorte qu'il n'est plus possible de distinguer la manière et les procédés que les anciens artistes ont employés en les exécutant. Les plus belles de ces peintures représentent des centaures et des danseuses. Leur proportion est d'environ un empan; elles sont peintes sur un fond noir, et doivent être la copie de quelques ouvrages d'un bon maître grec, car elles sont aussi légères que la pensée, belles comme si elles avaient été tracées par la main des grâces. Si dans une ville telle qu'Herculanum, sur les murailles des maisons, il y avait des morceaux de cette distinction, nous pouvons nous faire une idée de la perfection que l'art avait pu atteindre dans les temps brillans de la Grèce. Quatre tableaux qui, à la vérité, ont été découverts à Stabia, mais qui n'ont pas été peints sur le lieu, nous en fournissent une preuve convaincante. Comme ils furent trouvés posés deux à deux, l'un contre l'autre, la face en dedans, et appuyés contre le mur, sur le plancher d'un appartement d'une maison de campagne, on peut conjecturer qu'ils avaient été coupés et enlevés d'ailleurs, peut-être de la Grèce, pour être encadrés dans les murs de cet appartement; ce qui aurait été fait si l'éruption du Vésuve n'y eût mis empêchement. Cette importante découverte fut faite vers la fin de l'année 1761. Malheureusement deux de ces tableaux étaient brisés et par conséquent un peu endommagés. Winckelmann les a décrits et en a donné le détail dans son Histoire de l'art chez les anciens. Tous les tableaux peints sur des parties de murs, qui, de l'Italie, ont passé au-delà des Alpes, soit en Angleterre, soit en France ou en Allemagne, ne doivent être regardés que comme des pièces supposées. Ces tableaux ont été faits à Rome, par Joseph Guerra, peintre vénitien, très-médiocre dans son art, qui mourut en 1763. Il n'est pas étonnant, du reste, que des étrangers aient été séduits par ces peintures, puisqu'un trèshabile antiquaire, dont le savoir était fort étendu, le P. Contucci, jésuite, directeur des études et du cabinet dans le collège romain, avait acheté plus de quarante de ces morceaux, qu'il regardait comme des trésors apportés de Sicile, et même de Palmyre: on avait même eu le soin d'envoyer plusieurs de ces tableaux à Naples, d'où on les avait fait venir à Rome. Pour accréditer davantage la fourberie, on avait apposé, sur quelques-uns de ces morceaux, des caractères qui n'avaient de conformité avec aucune langue connue : on aurait peut-être trouvé un second Kirker pour les expliquer, si l'imposture n'eût pas été découverte. Les gens de goût, instruits dans l'art, et versés dans les antiquités, qui examinent avec attention ces tableaux, reconnaissent aisément la supposition; car Joseph Guerra n'a pas montré la moindre connaissance des usages, des coutumes, ni des manières des anciens; on s'aperçoit facilement que ces tableaux sont l'ouvrage d'un ignorant qui a tout tiré de sa tête. Si un seul de ses sujets avait pu être antique, tout le système des connaissances de l'antiquité eût été renversé. Dans le nombre de ces tableaux, on voit Epaminondas emporté de la bataille de Mantinée; Guerra a représenté ce général avec une armure de fer complète, et telle que nos chevaliers la portaient dans les tournois. Dans un autre tableau,

objection serait sans force; car, de même qu'il est possible de trouver un tableau de Raphaël ou du Corrège dans une ville sans illustration, Herculanum aurait pu posséder des ouvrages de Zeuxis et de Polygnote; mais tous ceux qu'on y voyait sont peints à fresque, c'està-dire sur le 'mur. Il faut donc nécessairement que les artistes soient venus les exécuter sur les lieux ; et l'on se persuade facilement que les grands peintres de l'antiquité ne sont pas venus de la Grèce à Herculanum, pour exécuter les peintures que le temps a conservées. Encore ces peintures ne sont-elles pas ce que nous les voyons dans la collection qui a été gravée aux frais du roi de Naples ; les auteurs de ces gravures ont corrigé les défauts de perspective qui se trouvent dans les originaux, ont donné à leurs copies des effets de lumière que les anciens n'ont point du tout indiqués. Cette licence et d'autres inexactitudes ont causé bien des erreurs. Le nombre des peintures qu'on a tirées d'Herculanum est considérable; on ne peut rien ajouter au soin et au ménagement avec lesquels on les a déplacées et transportées; on ne peut même attribuer au temps aucune altération dans leur conservation, d'autant que l'espèce de vernis qu'on y a appliqué paraît leur avoir rendu leur premier éclat, sans leur avoir fait aucun tort. Il y en a six ou sept dans ce nombre, dont les figures sont grandes comme nature; les autres sont de toutes proportions, depuis cette grandeur jusqu'à celle de trois ou quatre pouces. Il n'est pas douteux que ce ne soit sur les grands morceaux qu'on doive fixer son jugement et ses réflexions, non-seulement parce que la manoeuvre y est plus développée, mais parce que les sujets concourant à une même action, et se trouvant composés de plusieurs figures, exigent la

on voit un combat d'animaux représenté dans un amphithéâtre, et le préteur, ou empereur qui y préside, a le bras appuyé sur la garde d'une épée nue, semblable à celles qui étaient en usage lors de la guerre de trente ans, guerre qui a été terminée par la paix de Westphalie en 1648. Ce faussaire, dit Winckelmann, faisait consister le génie dans la représentation de Priapes d'une grosseur énorme, et l'expression de la beauté dans un allongement qu'il donnait à ses figures, ét qui les rendait comparables à des fuseaux. Ce travail fut reconnu généralement à Rome pour ce qu'il était. Cependant plus d'un étranger y fut trompé. Winckelmann parle d'un Anglais qui, en 1762, donna six cents écus de quelques-unes de ces peintures.

réunion de plusieurs parties de l'art, qu'il n'est pas toujours facile d'allier pour en former un tout. Tous ces tableaux prouvent que ceux qui les ont faits n'étaient pas de grands peintres, qu'ils ne connaissaient que l'effet naturel de la vision, et qu'ils n'étaient point instruits des règles de la perspective. Nous savons cependant par les auteurs anciens qu'elle leur était connue. Vitruve, dans sa préface du livre VII, dit positivement que Démocrite et Anaxagore avaient parlé de la perspective dans leurs traités sur la scène des Grecs. Quand même nous serions privés d'une preuve aussi convaincante et aussi précise, on ne pourrait se persuader que les Grecs eussent soutenu la représentation d'une chose destinée à leur faire illusion, si elle était aussi défectueuse que le sera toujours une décoration qui n'est point en perspective. Il en faut nécessairement conclure que les peintres qui ont travaillé à Herculanum étaient des artistes obscurs, puisqu'ils n'étaient pas instruits de toutes les parties de leur art. Cette critique est d'autant plus juste, qu'elle tombe principalement sur le grand nombre de tableaux d'architecture que l'on a tirés de cette ancienne ville, et qui sont conservés dans le cabinet du roi des Deux-Siciles. Ces morceaux ne présentent aucune perspective, et sont fort éloignés de rendre et de faire sentir avec exactitude les finesses et les différens aspects de l'architecture. Cependant, elle florissait si bien alors, que tous les monumens de cette ville fournissent des preuves, jusques dans les plus petites parties, de son élégance et de sa délicatesse. Quant au dessin, la manière de ces artistes est sèche et ne s'écarte presque jamais du goût des peintres qui ont abusé de l'étude des statues. La cause de cette sécheresse dans les contours, communique nécessairement un désagrément pareil à la composition; car les statues qui ont été destinées en premier lieu à être vues seules et isolées, peuvent difficilement entrer dans un groupe, si l'on ne trouve le moyen d'y faire quelque changement. Les demi-teintes sont d'un gris olivâtre, jaunâtre, ou roussâtre, et les ombres d'un rouge mêlé de noir. Le plus grand nombre des draperies est traité avec de petits plis, formés par des étoffes légères, et dans le goût de la sculpture romaine.

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