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puis la révolution de juillet, et provenant, soit de l'abolition de certains abus politiques, soit de réformes administratives, ne dépassaient pas une somme de 44 millions environ, et que, d'une autre part, il y avait eu augmentation, soit forcée, soit utile, d'une somme de 24 millions; en sorte que la réduction effective pour les dépenses ordinaires se bornait à la somme de 19,198,044 francs.

Le jour où, pressé par la force des événements, et pour répondre au vœu tout à coup manifesté de la Chambre élective, le président du conseil déclara qu'il prendrait les ordres du roi pour sa dissolution, aucune des deux lois de finances n'était discutée, ni sur le point de l'être. M. Laffitte se vit done contraint de venir, dès le lendemain (21 février), demander l'autorisation de percevoir quatre nouveaux douzièmes. A ce mot, des marques non équivoques de surprise et de mécontentement interrompirent le ministre, qui se hata d'ajouter qu'il ne croyait pas cette demande exagérée, parce qu'il faudrait que la nouvelle Chambre, une fois convoquée, pût examiner, discuter et délibérer le budget de 1831. Dù reste, la manière dont la Chambre accueillit M. Laffitte dut lui faire pressentirqu'elle ne lui pardonnait pas de l'avoir, pour ainsi dire, mise en demeure de demander elle-même la dissolution, et qu'il y aurait un nouveau ministère encore plus tôt qu'une nouvelle Chambre.

Ce même jour (21 février), la Chambre des députés achevait la discussion d'un projet de loi relatif à la formation d'une légion étrangère. Aux termes du second paragraphe de l'article 13 de la charte de 1830, aucune troupe de ce genre ne pouvait être admise au service de l'État qu'en vertu d'une loi. En présentant le projet (4 février), le ministre de la guerre annonçait qu'il avait d'abord pour objet de régulariser la position des différents corps composés de naturels du pays et affectés au service des colonies ou à celui des contrées occupées par les troupes françaises : de ce nombre était le corps des Zouarés, qui avait été fort utile à l'armée d'Afrique. Un autre but essentiel que le gouvernement se proposait d'at

teindre, c'était d'ouvrir un asile à un grand nombre d'hommes appartenant aux États voisins, et qui, privés de toutes ressources, erraient dans nos départements, et pouvaient à la longue occasioner des troubles ou des désordres, qu'il fallait prévenir.

« Vous savez, Messieurs, ajoutait le ministre, que la loi du 10 mars 1818 ne permet l'engagement volontaire, pour les corps nationaux, qu'à des Français, et que des Français seuls doivent former les contingents des classes appelées à recruter l'armée. Dans cet état de choses, aucun étranger ne peut aujourd'hui entrer au service de l'Etat, et cependant les réfugiés qui viennent chercher chez nous un abri contre les crises politiques qui les ont forcés d'abandonner leur patrie, retombent à la charge du trésor public, parce que l'humanité et la générosité de notre nation ne permettent pas de les priver de tous secours. Nous ne devons pas vous laisser ignorer que les dépenses, que les secours accordés aux réfugiés de diverses nations ont rendues indispensables, se sont accrues dans une proportion dont il convient de tenir compte. Mais cet acte de bienfaisance, s'il doit rester sans compensation aucune, devra être restreint dans d'étroites limites, et même avoir un terme prochain. Or, nous avons pensé, Messieurs, qu'en secourant les réfugiés, en leur procurant chez nous ce dont ils ne peuvent plus jouir dans leur pays, il était convenable et juste de leur offrir les moyens de reconnaitre de généreux bienfaits par d'honorables services. Mais nous avons pensé aussi que, pour éviter les inconvénients qui peuvent résulter de l'emploi de troupes étrangères sur le territoire continental, il convenait, en temps de paix, d'affecter les corps étrangers à un service hors du

royaume. »

Le principe de ce projet, dont le rapport fut présenté le 12 février, et dont la discussion commença le 17 suivant, ne souffrit pas de contestation sérieuse. Un seul orateur, M. Amilhau, l'attaqua comme contraire à la morale universelle et au droit des gens, en ce qu'il offrait une prime à la désertion, et, suivant les circonstances, pourrait placer les soldats composant la légion étrangère dans la nécessité de porter les armes contre leur patrie. En outre, M. Amilhau, ne s'expliquant pas comment on emploierait avec confiance dans les colonies des hommes dont le séjour serait jugé dangereux dans l'intérieur, demandait que l'on retranchât de l'article 1er du projet l'autorisation d'employer la légion étrangère hors du territoire continental. Cet amendement fut rejeté. Les explications demandées au ministère sur les événements du 14 février, interrompirent cette discussion, qui fut reprise et terminée le 21,

M. le général Demarçay avait proposé que les militaires étrangers ne pussent être employés au service de la France au-delà du 1er janvier 1833; mais on répondit que le vote annuel du budget et celui du contingent de l'armée rendaient cette stipulation inutile. Seulement la Chambre admit un article supplémentaire, proposé par M. le général Lamarque et portant que la dépense de la légion formerait un article séparé dans le budget de la guerre. Elle admit également un amendement proposé par M. Odilon-Barrot, et modifié par M. de Tracy, à l'effet d'établir que l'emploi de la légion étrangère hors du territoire continental ne serait que facultatif, et que, pour l'employer dans l'intérieur du royaume, il suffirait d'une ordonnance du roi. Le ministre de la guerre avait donné son approbation à l'amendement, et le soutint même dans la Chambre des pairs (1er mars), où M. le comte de Montalembert et M. le duc de Broglie le combattirent. En définitive, l'amendement disparut, et fut remplacé par un autre, qui, au lieu de permettre, prohibait l'emploi de la légion sur le territoire continental. Reportée à la Chambre élective, la loi fut adoptée sans contradiction (5 mars).

Avant d'aborder l'examen des lois ou le récit d'événements d'une nature également grave, et pour compléter autant que possible le tableau sommaire des travaux législatifs, nous rassemblerons ici quelques lois d'une importance secondaire. Dans ce tableau figurera seulement pour mémoire la présentation, déjà ancienne, puisqu'elle remonte au 19 janvier, d'un projet de loi relatif aux théâtres, et destiné à concilier leur liberté avec les principes d'une législation modératrice et répressive. Ce projet, regardé généralement comme d'une exécution impraticable, et rédigé dans l'ignorance ou dans l'oubli des habitudes et des nécessités théâtrales, ne fut suivi ni de rapport, ni par conséquent de discussion. Dans la même séance un autre projet de loi tendant à autoriser la ville de Paris à ouvrir un emprunt de quinze millions pour acquitter les dépenses extraordinaires occasionées par les événements de

le

juillet, avait été soumis à la Chambre des députés, qui l'adopta le 12 février : la Chambre des pairs l'examina et l'admit un mois après. La liquidation de l'ancienne liste civile, pour laquelle un projet de loi avait été présenté dès l'année précédente, offrait des difficultés nombreuses, que M. Thil signala dans son rapport (12 février). Au moment de la discussion, il prévint la Chambre que la commission l'avait autorisé à proposer, comme amendements, des dispositions transitoires, qui réduiraient le projet à deux articles, et mettraient gouvernement à portée de subvenir à l'infortune et de donner des secours urgents, tout en laissant intactes des questions de haute importance. Ces deux articles, mis aux voix, passèrent sans opposition dans la Chambre des députés (22 février), et furent sanctionnés de même par la Chambre des pairs (10 mars). En retirant un projet de loi relatif aux pensions militaires, et apporté à la Chambre élective le 17 août de l'année précédente, le ministre de la guerre lui en communiqua un autre, rédigé d'après les bases et sur les observations de la commission. Ce projet ouvrait un crédit extraordinaire de deux millions, et déterminait le mode provisoire suivant lequel seraient liquidées les pensions militaires, en attendant la loi qui fixerait le mode définitif. Discuté et adopté par la Chambre des députés ( 26 février), la Chambre des pairs l'admit sans débat ( 10 mars ). Enfin, deux rapports furent faits dans la Chambre élective, l'un sur la proposition de M. de Férussac, tendant à une enquête sur l'état des routes et canaux ( 21 février), l'autre sur un projet de loi relatif au recrutement de l'armée ( 23 février ). Un projet de loi relatif à la procédure criminelle et aux tribunaux correctionnels fut présenté ( 24 février) sans que ni la proposition, ni les deux projets de loi, dussent produire de résultats dans la session actuelle.

Reprenons maintenant les faits en suivant l'ordre chronologique.

Le congrès national de Belgique, dans sa séance du 3 février, avait élu pour roi le duc de Nemours. Une députation Ann. hist. pour 1831.

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fut immédiatement envoyée en France pour offrir au jeune prince la couronne qui lui était décernée. Plusieurs jours s'écoulèrent avant que les difficultés qui s'opposaient à sa réception solennelle fussent aplanies. L'événement du 14 février survint, et telle fut la vivacité de l'animadversion populaire qu'il souleva contre le costume ecclésiastique, qu'un prètre, membre de la députation, se vit insulté dans la rue, et forcé de recourir à la garde nationale pour protéger sa retraite. Les députés belges furent reçus au Palais-Royal le 17 février. Comme on verra ailleurs (Hist. étraug., chap. 1or) que le roi ne crut pas devoir accepter pour son fils mineur l'offre du congrès, nous ne nous occuperons ici de cette affaire qu'autant qu'elle devint l'objet d'une délibération publique par suite d'une double communication faite le mème jour (23 février) à la Chambre des députés par le ministre des affaires étrangères, à la Chambre des pairs par le ministre de l'intérieur.

Dans la Chambre des députés, M. Sébastiani rendit compte de la marche du gouvernement et des motifs de ses résolutions à l'égard de la Belgique, depuis que celle-ci s'était séparée de la Hollande. La France l'avait aidée à maintenir son indépendance. Lorsqu'il avait été question de l'élection d'un souverain, et que des ouvertures eurent lieu touchant celle du due de Nemours, le conseil du roi envisagea toute la gravité de cette démarche : il ne crut pas apercevoir dans le vote de la majorité du congrès l'expression réelle de la volonté du peuple belge, dont la révolution n'avait eu qu'un caractère, l'esprit d'indépendance; qu'un but, la séparation. Il pensa d'ailleurs que ce serait porter atteinte à la grandeur pacifique de la France, et affaiblir les sympathies des peuples envers elle, que d'allumer une guerre pour son agrandissement.

Décidé par tous ces motifs, continuait le ministre, et bien certain de ne pas manquer à ses devoirs envers le pays en respectant des traités qui ne pourraient être rompus qu'au prix d'une guerre, le gouvernement du roi aurait refusé la réunion de la Belgique à la France, si elle avait été offerte.

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