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entre la Pologne et la Russie. Appuyant l'assertion du président du conseil, M. Sébastiani démontrait, par la carte géographique de la Pologne, l'impossibilité de la secourir matériellement sans s'ouvrir un passage par le territoire de puissances interposées. Il alléguait, de plus, que la reconnaître sans agir serait une fausse et inutile démarche, et qu'une reconnaissance efficace équivaudrait à une déclaration de guerre, à l'abandon du système de paix ; il concluait donc que des voies toutes pacifiques étaient seules ouvertes à l'intervention du gouvernement français.

Le garde des sceaux (M. Barthe), MM. de Rémusat, Mahul et Duvergier de Hauranne, reproduisirent les mêmes arguments. S'attachant à démontrer que l'alternative était rigoureuse entre le système de paix, tel que le comprenait et l'appliquait le ministère, et la guerre universelle, que l'opposition devait être amenée par la force des choses à ériger en principe, ils sommaient la Chambre de faire un choix précis et de l'avouer hautement. Le résumé de leur argumentation et de celle de MM. Casimir Périer, Thiers et Sébastiani, était que le ministère avait dû proclamer le maintien de la paix en système; que ce principe une fois admis, force avait été d'en accepter les conséquences, autant, néanmoins, qu'elles ne compromettraient pas T'honneur et l'intérêt de la France; que ce problème avait été résolu; que la paix avait été conservée, quoique tout ce qu'exigaient l'intérêt, l'honneur du pays, eût été fait; mais qu'on ne pouvait pas aller plus loin sans sortir du système, et que le bien de la France ne demandait pas encore qu'on en sortit, les avantages de la paix étant supérieurs au total des concessions qu'il avait fallu faire pour se les assurer.

L'opposition reconnaissait, en général, la sagesse du sytème de paix et l'adoptait: toutefois elle jugeait que le ministère s'y était attaché d'une manière beaucoup trop absolue; qu'il lui avait beaucoup trop accordé; que la paix aurait pu être mainteune à moindre prix; enfin que tous ces sacrifices pouvaient être inutiles, et que la guerre, conjurée à si grands frais, semblait

encore imminente. Tel fut l'esprit dans lequel parlèrent la plupart des orateurs qui repoussèrent le projet d'adresse.

M. Thouvenel et le maréchal Clausel blåmaient l'attitude pacifique que le ministère avait prise pour solliciter la paix, d'au tant plus que les puissances étrangères, par leurs actes et leurs paroles, ne témoignaient pas un aussi vif désir de la conserver «L'Autriche, disait le maréchal, en traitant la question d'Italie «n'a pas craint la guerre; c'est la France qui l'a redoutée.. Le général Lamarque accusait le ministère d'avoir outrepass même les dernières bornes qu'il avait posées à ses concession: pacifiques, c'est-à-dire, d'avoir sacrifié l'honneur de la France et son intérêt positif, en livrant à l'Autriche l'Italie, que la po litique française disputait depuis deux cents ans au cabinet d Vienne; en livrant, par l'élévation du roi Léopold, naturalis anglais, la Belgique à l'Angleterre, que la sainte-alliance mèn avait tenue écartée des rives de l'Escaut; en livrant enfin à l Russie les Polonais, dont l'abandon avait déshonoré le règn de Louis XV.

MM. Salverte et Odilon-Barrot justifiaient l'opposition d reproche qui lui était adressé de provoquer une guerre gene rale, et déclaraient que, dans leur conviction, l'énergie plu grande qu'ils conseillaient l'aurait éloignée au lieu de la rendr inévitable. Le dernier de ces orateurs affirmait même qu l'opposition ne faisait pas au ministère une loi de déchirer le traités de 1814 et 1815; qu'elle aurait voulu seulement qu'o opposât avec constance le système de non-intervention au prit cipe de la sainte-alliance, et que c'était l'abandon de ce sys tème proclamé qu'elle reprochait au cabinet. Enfin M. Bigno discutait successivement toutes les questions déjà traitées ave l'autorité que lui donnait son expérience diplomatique, et repr duisait tous les griefs articulés par les orateurs précédents co tre le ministère.

Quoique les considérations de politique extérieure eusse entièrement dominé la discussion, cependant d'important questions d'ordre intérieur avaient été soulevées en passan

lles avaient eu pour point de départ l'appréciation des causes lu malaise et de l'anxiété du pays, et, par suite, de l'anéantisement du commerce et de l'industrie. L'opposition avait acusé de ces fàcheux résultats la marche suivie par l'administraion, qui se mettait en lutte contre son principe, entravait le éveloppement des conséquences de la révolution de 1830, énageait les partisans de l'ancien gouvernement, et compriait avec rigueur le zèle des plus ardents défenseurs du nouvel rdre de choses. C'était surtout dans l'Ouest et dans le Midi ue ce système de neutralité de l'administration, entre deux artis en présence, avait été une faute grave et féconde en éplorables conséquences.

On s'était élevé contre le maintien en place d'hommes noirement dévoués à la restauration, contre la mollesse et hésitation avec lesquelles étaient réprimées les agitations es fauteurs de la dynastie déchue, contre l'absence de esures suffisantes pour prévenir ou châtier leurs complots ans le Midi et dans l'Ouest. On avait attaqué vivement l'assiilation établie, en paroles, par le discours de la couronne, et 1 fait, par les actes de l'administration, entre les adhérens à ɔrdre de choses renversé et le parti auquel était appliquée épithète de républicain. Le maréchal Clausel s'était étonné e voir traiter du même ton la faction qui s'agitait pour la ›ntre-révolution armée, et l'opinion qui remuait quelques unes gens en faveur d'idées exaltées. M. Salverte avait anifesté le même étonnement, et n'avait trouvé aucune parité tre les républicains (avec lesquels il repoussait hautement, our lui-même et pour ses amis politiques, toute accusation › solidarité et de sympathie), sans parti, sans organisation, ns fonctions, ainsi qu'il résultait de divers procès, et les rlistes, dont l'association était fortement constituée, qui, ir les emplois qu'ils remplissaient, et par leur position sociale, erçaient une grande influence et menaçaient gravement ordre de choses actuel. Reproduisant les mêmes idées avec us d'énergie, M. Pagès avait attribué au système de balance

égale les perturbations de l'Ouest et du Midi; à la versatilit à la faiblesse, aux fausses mesures et aux tâtonnements ministère, l'état d'inquiétude, de désordre et de misère toute la France.

Les peuples, disait l'orateur, secondent avec joie les gouvern ments qui les protégent. Le plus grand malaise que la France éprou depuis juillet, c'est l'absence de tout gouvernement. Rien ne parait sur sommités de ferme et de fort, autour de quoi on puisse se grouper. Il est i possible de se rallier à une volonté, et une puissante, qui, partant du cent embrasse la circonférence toute entière, parce que cette volonté n'exi pas. Où tout est épars, rien ne peut se lier en faisceaux. Des volontés chaque jour, de chaque lieu, montrent que, dans le pouvoir, tout est vi satile, sans règle, sans plan, sans point de départ, sans but réel et fi Ici les croix sont abattues comme carlistes, là on les tolère comme chi tiennes; ici l'arbre de la liberté s'élève comme libéral, là il tombescom anarchiste; ici la cocarde aux trois couleurs est protectrice du citoyen q la porte, là des bandes d'assommeurs se ruent sur le téméraire qui l'arborer; ici la Marseillaise est proscrite comine révolutionnaire, la l'a torité la commande comme provoquant au patriotisme. Ici je vois de faiblesse, là de la violence; du pouvoir nulle part; et cette Charte, av laquelle les ministres prétendent nous avoir gouvernés, tombe en la: beaux devant tous les partis, et ne paraît ferme que dans les départeme où personne ne tente de l'ébranler. (Bravos à gauche et à droite; ma mures au centre.)

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« Au milieu de cette déplorable versatilité on cherche ce que veut pouvoir; on va plus loin: on se demande s'il y a un pouvoir; et le p ne sachant ni ce qu'il permet, ni ce qu'il défend, se trouve dans un d'anarchie morale, incapable de rallier ni les esprits, ni les espérances, les intérêts. »

M. Odilon-Barrot avait cru pouvoir faire remonter l'origi de l'anxiété et de l'incertitude générales à une source pl élevée, à la situation provisoire de l'un des trois pouvoirs l'État, à la non-constitution de la pairie, et aux dissiden d'opinions sur cette importante question, laissée dans le vag A l'exemple de M. Salverte, il avait protesté, tant en son personnel que comme organe de l'opposition, de son dévou ment à la constitution du 7 août, à la monarchie constitutio nelle, qu'il trouvait « parfaitement en accord avec le princ de la souveraineté populaire, et par conséquent avec teprincipe de la révolution de 1830.

Le ministère avait encore été blamé sur quelques poi spéciaux, tels que le non-armement de toutes les gardes

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tionales rurales, la non-organisation de la garde nationale mobile, l'intervention du pouvoir dans les élections pour créer une majorité ministérielle, et la non-présentation d'un projet de loi colonial, qu'on était en droit d'attendre, d'après les dispositions de la Charte.

Ces attaques avaient été prévenues et repoussées par les orateurs qui avaient parlé pour l'adresse. Suivant M. Thiers, l'administration et la législation n'avaient point entravé l'exercice et le développement des droits fondés pour le peuple français par la révolution de 1830. Le ministère avait fait preuve. de sagacité, et profité de l'expérience des différents gouvernements qui s'étaient succédés en France depuis 89, en comprenant qu'un pouvoir périt par l'exagération plutôt que par la restriction de son principe, et par conséquent en comprimant également les partisans du gouvernement déchu et les républicains, qui, s'ils étaient les objets d'une répression plus active, devaient l'attribuer à la plus grande hardiesse, à la plus grande publicité de leurs démonstrations. L'orateur avait exprimé cette opinion, que l'épuration des fonctionnaires avait été aussi complète que le permettaient la prudence et l'équité, et que, si quelques employés suspects étaient maintenus, particulièrement dans l'administration des finances, dont les travaux exigent des connaissances spéciales, il fallait y voir une concession forcée à la nécessité d'assurer les services publics.

Plusieurs membres avaient appuyé d'arguments analogues cette approbation donnée aux actes administratifs du ministère (MM. Mahul, de Rémusat, Duvergier de Hauranne).

Ensuite M. le garde des sceaux était entré dans de graves considérations sur l'omnipotence de la Charte de 1830, principe de la révolution de juillet. Il avait protesté contre une prétendue souveraineté populaire, qui, toujours en mouvement, environnerait cette Charte, comme lui étant supérieure, et la menaçant de la dictature. Il avait signalé le danger d'isoJer le principe monarchique, de le laisser, comme une lettre

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