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prunt des Cortès, qui réclamaient, pour la troisième fois, l'intervention de la Chambre et celle du gouvernement (27 août). Le rapporteur, M. Gillon, après avoir flétri avec énergie l'agiotage frauduleux de la cour d'Espagne et le coupable appui que lui avait prêté le ministère dirigé par M. de Villèle, signalait la continuation flagrante de ces honteuses manœuvres financières, et menaçait leurs agents de la rigueur du code pénal. La Chambre, sur les conclusions conformes à celles qui avaient déjà été adoptées dans la session précédente, renvoya la pétition aux ministres des finances, de la justice, des affaires étrangères, et au président du conseil.

Une pétition des Français qui avaient subi des condamnations politiques sous la restauration, et qui sollicitaient un dédommagement des persécutions qu'ils avaient souffertes, fut aussi accueillie par la Chambre avec une vive sympathie (3 septembre). Le rapporteur, M. Daunou, exposait l'état de misère de la plupart des pétitionnaires, et leurs titres incontestables.

Ils vous prient, disait l'honorable rapporteur, de considérer que leurs écrits, leurs discours, leurs actes, et surtout leurs souffrances, ont contribué à préparer les glorieuses journées de juillet; et en effet, Messieurs, il nous semble que cette multitude de procès politiques durant seize années, était l'un des symptômes de la faiblesse du gouvernement qui les suscitait, l'une des causes qui devaient amener par degré sa décadence, et tôt ou tard consommer sa ruine. C'est ce qu'on s'empressa de reconnaître en 1830, après le triomphe de la cause nationale, après les mémorables combats auxquels venaient aussi de prendre une part active tous ceux de ces condamnés qui n'étaient plus dans les fers. Le roi des Français les accueillit avec bienveillance; et ils affirment dans leurs pétitions, que les hommes éminents qui environnaient alors le trône se déclarèrent leurs complices, ou leur annoncèrent, en termes propres, que le gouvernement aurait besoin de s'appuyer sur des citoyens fermes et énergiques comme eux. »

La Chambre ordonna, sans objections, le renvoi au conseil des ministres, demandé par le rapporteur, et vivement appuyé par divers orateurs (MM. Clerc-Lasalle, Boyer de Peyreleau, Lamarque et Laurence).

Une discussion, qui n'est pas sans intérêt historique, s'engagea (13 septembre) sur une pétition déjà produite et repoussée en 1830. Un sieur Lepayen demandait que les cendres de Napoléon fussent réclamées pour être déposées sous la

colonne de la place Vendôme. La commission, par des considérations d'ordre public, conclut à l'ordre du jour. M. de Lafayette appuya ces conclusions : «Napoléon, dit-il, a com«primé l'anarchie : il ne faut pas que ses cendres viennent <«<l'accroître aujourd'hui. » D'autres orateurs, invoquant l'honneur, le devoir, la reconnaissance, la gloire du pays et les sympathies populaires, insistèrent pour le renvoi au conseil des ministres, et malgré une opposition assez vive, la Chambre ordonna ce renvoi.

Le ministre de la guerre avait condamné les officiers signataires de l'association, dite nationale, à un congé d'un an sans solde; mais il les avait remis en activité à l'occasion des anniversaires de juillet. Néanmoins, les officiers signataires de l'association nationale de la Moselle présentèrent une pétition à la Chambre des députés, afin d'obtenir le remboursement de la portion de leur solde qui avait été retenue.

Cette pétition occasiona les plus vifs débats (24 septembre), parce que la discussion se détourna bientôt de son objet particulier pour se porter sur la question générale des associations. MM. Charpentier, de Tracy, et de Ludre, tous trois signataires, défendirent avec force, non-seulement le principe des associations, mais encore leur opportunité eu égard aux circonstances au milieu desquelles elles s'étaient formées. Argumentant des termes mêmes de la formule d'adhésion, exclusivement dirigés contre les étrangers et les Bourbons de la branche aînée, ils protestèrent des intentions pures et patriotiques de tous ceux qui y avaient adhéré. Relativement au point précis de la contestation, ils soutinrent que le droit de s'associer était un droit de citoyen, commun à tous, en dehors et au-dessus de la condition de soldat, et, par conséquent, non-justiciable de la discipline militaire. Ils accusèrent donc le ministère d'avoir commis un abus de pouvoir en frappant les officiers associés, el ils conclurent au renvoi de la pétition au bureau des renseignements et au ministre de la guerre.

Répondant d'abord aux considérations générales présentées

par les préopinants, MM. Jaubert, Bugeaud, et les ministres de la guerre et de l'instruction publique, condamnèrent les associations comme dangereuses, puisqu'elles mettaient implicitement le gouvernement en accusation de négligence, ou tout au moins comme inutiles, puisqu'il existait une grande association du pays, formée entre les Chambres, la garde nationale, l'armée et le roi. Quant à l'objet spécial de la discussion, c'est-à-dire à la mesure de rigueur prise contre les officiers signataires, les orateurs trouvaient qu'en la provoquant le ministre de la guerre avait tout à la fois usé d'un droit, et accompli un devoir. M. Jaubert proclama l'obéissance passive du soldat, et par suite le despotisme de la discipline une nécessité. Il n'y aurait plus d'armée, plus de France, si l'armée était appelée à délibérer, disait l'honorable député, en rappelant une phrase prononcée par le maréchal Soult à une séance précédente. « Il faut, ajouta le «général Bugeaud, qu'il n'y ait dans l'armée d'autre association «que celle du devoir; qu'on puisse disposer des hommes qui «en font partie, à toute heure, à tout moment; qu'un officier, "qu'un subordonné quelconque ne puisse pas faire une dé«marche sans en demander la permission à son chef.»>

En résultat, l'ordre du jour, réclamé par les derniers orateurs, fut adopté, contrairement aux conclusions de la commission.

Tandis que la Chambre des députés s'occupait de ces objets divers, la Chambre des pairs se livrait à l'examen d'affaires en quelque sorte personnelles, ou du moins qui intéressaient quelques-uns de ses membres.

Déjà, dans le cours de l'année, une requête afin d'exercer la contrainte par corps sur M. le vicomte Dubouchage avait été soumise à la Chambre, qui avait accordé l'autorisation nécessaire. Le vicomte Dubouchage ayant été constitué prisonnier, une autre requête, tendant aux mêmes fins, fut présentée par d'autres créanciers. Le débiteur protestait contre l'application rétroactive de la loi nouvelle que s'était faite la Ann. hist. pour 1831.

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Chambre en 1830, sous prétexte que la date des obligations“, pour le non-paiement desquelles les jugements avaient été obtenus contre lui; remontait à une époque où l'inviolabilité d'un pair de France était établie en principe. Sans s'arrêter à ces objections, la Chambre, conformément aux conclusions d'une commission spéciale, autorisa l'exécution des jugements (23. septembre).

La seconde affaire soumise à la délibération des pairs était d'un intérêt plus général; elle offrait d'ailleurs un cas absolument neuf, dont la Chambre n'avait jamais eu à connaître.

Le vicomte Charles de Montalembert, MM, Lacordaire et de Coux, se fondant sur les articles 69 et 70 de la Charte du g août 1830, dont ils faisaient résulter l'admission du principe de la liberté d'enseignement et l'abolition immédiate des priviléges constitutifs du monopole universitaire, avaient ouvert une école gratuite, sans autorisation de l'Université. Poursuivis, en conséquence, comme prévenus du délit prévu par l'article 56 du décret du 15 novembre 1811, ils avaient été renvoyés devant le jury, par un jugement du tribunal de première instance; mais, sur l'appel du procureur du roi, la Chambre correctionnelle de la cour royale s'étant déclarée compétente, avait évoqué l'affaire. Elle allait être jugée, lorsque la mort du comte de Montalembert mit son fils aîné, Charles, vicomte de Montalembert, en possession de la dignité héréditaire de pair de France. M. Charles de Montalembert argua alors de l'article 29 de la Charte pour décliner la compétence de la juridiction ordinaire. Nonobstant eette exception, un jugement rendu par défaut le 28 juin 1831, condamna les trois prévenus par corps à 100 francs d'amende. M. Charles de Montalembert avait aussitôt formé opposition et réclamé en même temps l'intervention du président de la Chambre des pairs. Le président ne s'était pas cru autorisé à intervenir dans l'intervalle d'une session; mais la cour royale ayant reconnu, le 14 juillet, son incompétence, en raison de la qualité d'un des prévenus, les avait renvoyés tous trois (l'in

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divisibilité des poursuites étant de principe en matière correctionnelle) devant les juges habiles à connaître de la cause. L'affaire était dans cet état, lorsque le comte de Montalembert et MM. Lacordaire et de Coux, demeurés sous le poids d'une condamnation par défaut, et ne pouvant plus trouver de juges ailleurs que dans le sein de la Chambre des pairs, lui adressèrent une requête tendant à ce qu'elle se constituat en cour de justice, afin de les juger.

Sous cette question de personnes, intéressante par sa nouveauté, se présentait un importante question de choses, celle de la liberté de l'enseignement. Grave dans toutes les circonstances, cette question l'était plus encore à une époque où les esprits se portaient curieusement sur tout ce qui était relatif à l'enseignement, où la nécessité de propager l'instruction par toutes les voies était hautement proclamée, où les opinions hostiles aux priviléges universitaires étaient accueillies avec une faveur générale. Elle le devenait surtout par le reten-` tissement que ce procès avait eu dans le public, qui en suivait tous les incidents avec attention, quoique les doctrines absolues d'un catholicisme ultramontain que professaient les prévenus, fussent, en opposition avec les idées de la plupart des défenseurs de la liberté d'enseignement.

Une commission spéciale, nommée pour examiner la requête de M. de Montalembert, dont communication avait été donnée à la Chambre des pairs dans la séance publique du 8 août, présenta bientôt son rapport par l'organe de M. le comte de Bastard (18 août). Le rapporteur commençait par prouver que la dignité de pair de France était acquise au comte Charles de Montalembert. I constatait ensuite que, conformément à l'artice 29 de la Charte, et suivant la jurisprudence jusqu'a lors adoptée par la Chambre, elle seule pouvait statuer sur une prévention de crime ou de délit dirigée contre un de ses membres. Après avoir ainsi établi le droit de la Chambre de connaître de la cause, M. le comte de Bastard invoquait cles considérations de haute équité pour démontrer qu'il était

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