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l'attention de la Chambre de l'objet principal, pour l'appeler spécialement sur un nouveau grief.

Le public s'occupait encore, avec un grand intérêt, d'un procès politique jugé peu de temps auparavant en cour d'assises, et relatif à quelques circonstances de l'émeute du 14 juillet. Les journaux mis en jugement comme ayant accusé le ministre de l'intérieur et la police d'avoir embrigadé des ouvriers pour assommer les perturbateurs, avaient été absous (voyez la Chronique). M. Mauguin renouvela à la tribune ces inculpations.

« Ou M. le président du conseil a connu ces faits, disait-il, ou il les a ignorés. S'il les a ignorés, à quoi sert donc le pouvoir entre ses mains? s'il les a connus, comment se fait-il que personne encore ne soit puni, et qu'il n'ait pris aucune mesure, lorsque les soupçons peuvent aller jusqu'à lui? Et maintenant je ne parlerai plus de sa franchise. »

29 décembre. Avant de répondre à cette nouvelle attaque, le président du conseil revint encore sur les événements de Lyon, pour prouver que le reproche d'imprévoyance n'était pas fondé, et que les actes de l'autorité locale pouvaient seuls être incriminés, comme cause immédiate de l'insurrection. Après les répliques de MM. Mauguin et de Tracy, la Chambre, malgré les réclamations de l'opposition, passa à l'ordre du jour sur la question de Lyon, à une immense majorité, et aucune suite ne fut donnée à une proposition d'enquête, faite dans la séance précédente par M. Salverte.

22 décembre. Ce fut également par l'ordre du jour que la Chambre ferma la discussion sur les embrigadements d'ouvriers au 14 juillet, après que le président du conseil eut repoussé avec une énergique indignation toute participation du ministère à ces machinations, ouvrage de quelques agents subalternes.

«

Messieurs, avait dit le ministre, un démenti solennel a été donné par nous devant la justice à l'accusation qu'on a osé intenter au ministère. d'avoir enrôlé les ouvriers pour maltraiter les séditieux. Nous répétons ce démenti du haut de la tribune nationale. Il sera entendu; c'en est assez, c'en est trop, peut-être, sur un pareil sujet. »

Ce troisième compte rendu par le ministère, de son système

et de ses actes eut, comme on voit, la même issue que les deux précédents. Une partie de la Chambre n'avait même laissé prendre aux débats cette extension qu'avec impatience, et plusieurs orateurs s'étaient fréquemment efforcés de ramener la discussion sur des questions plus positives.

Le premier objet dont s'occupa ensuite la Chambre des députés fut une proposition de M. Portalis, tendant à l'abrogation de la loi du 19 janvier 1816, relative au deuil général du 21 janvier. Cette proposition, motivée par la nécessité d'effacer un douloureux souvenir, et de laver du reproche que la loi contenait implicitement contre les juges qui, ayant reçu mandat spécial du peuple et ayant voté en conscience, devaient jouir de l'inviolabilité garantie au jury, avait été prise en considération (5 décembre). Sans vouloir remonter à l'examen du procès et de l'exécution de Louis XVI, M. Kératry, rapporteur de la commission, conclut seulement à l'abrogation de l'article 1er, relatif au deuil général, qu'il représentait comme injurieux, pour le fond et pour les formes, à la pation, à laquelle il imposait une douleur expiatoire, et comme contraire à l'esprit et au texte de la Charte même de 1814 (14 décembre).

Malgré son caractère de circonstance, cette proposition n'amena aucun débat intéressant, Un seul orateur, M. Berryer, prit la parole afin de la combattre, en se fondant sur le besoin de perpétuer, pour le bien de la société et pour la sécurité de la royauté, les graves et utiles enseignements que consacrait la loi de 1816. Amendée par M. Marchal et rédigée en ces termes: «La loi du 19 janvier 1816, sur l'anniversaire du 21 janvier, est abrogée» la proposition fut adoptée (23 décembre) à la majorité de 218 voix contre 32. On verra dans l'Annuaire prochain comment, après l'avoir modifiée d'abord, la Chambre des pairs finit par la rejeter,

La Chambre des députés adopta aussi (28 décembre), à la presqu'unanimité, une proposition réglementaire faite par M. Salverte, dans le but utile d'autoriser, à l'ouverture d'une

session nouvelle, sauf les cas de dissolution ou d'expiration de pouvoirs, la reprise des travaux législatifs au point où ils auraient été interrompus par la clôture de la dernière session. Un second article de cette proposition conférait à la couronne la faculté de porter également dans une session nouvelle une loi qui aurait été sanctionnée par une Chambre, à l'autre Chambre, et de la promulguer en cas d'adoption. Cette proposition, comme la précédente, échoua dans la Chambre des pairs.

La Chambre des députés eut encore à examiner un projet sur une matière qui avait déjà excité de longues discussions, et à laquelle s'était toujours attaché un vif intérêt. Les deux Chambres avaient voté (voyez pages 264 et 290) sur la demande de M. Boissy-d'Anglás, la reconnaissance des grades et des décorations décernées pendant les cent jours. L'opposition et la presse se plaignaient du retard apporté à la promulgation de cette résolution des Chambres, lorsque le 20 novembre parut une ordonnance royale qui en reproduisait, en les modifiant, les dispositions. Le lendemain, le ministre de la guerre avait présenté un projet de loi pour arriver à l'exécution des mesures financières que nécessitait cette ordonnance royale, quant aux grades. Sans s'expliquer sur le fait constitutionnel, le ministre déclarait seulement que le gouvernement avait été heureux d'accepter le principe émis dans le vœu des deux Chambres, et il motivait les modifications faites à la proposition votée, par l'insuffisance de ses dispositions et l'impossibilité de les exécuter.

Cependant de vifs débats s'engagèrent dans le sein de la commission sur la question constitutionnelle, déjà agitée à l'époque des premières délibérations, et se représentant alors sous une nouvelle face. La couronne était incontestablement en possession du droit de refuser sa sanction; mais la formule de ce refus était prescrite par le règlement de 1814 encore en vigueur, concernant les relations du roi avec les deux Chambres. La minorité, trouvant dans l'ordonnance duo novembre et dans le projet un refus implicite, et par conséquent une violation du

règlement avait, pour ce motif, conclu au rejet tout en approuvant les dispositions. Cet avis avait été écarté, parce que le règlement ne fixait pas une date fatale pour le refus; en conséquence, la couronne était toujours en temps utile de le faire; et, d'ailleurs, les termes du règlement n'étaient pas tellement impératifs, qu'elle ne pût recourir à un autre moyen de manifester ses volontés. La majorité de la commission avait donc proposé l'adoption du projet, sauf quelques amendements. En terminant son rapport, M. Jaubert s'était élevé contre un conflit des pouvoirs dont les résultats, généralement fâcheux, le seraient surtout pour ceux-là mêmes auxquels les Chambres avaient donné des marques de leur intérêt (21 décembre).

29 décembre. Ouverte sous ces auspices, la discussion ne pouvait manquer d'être animée. Plusieurs orateurs, MM. César Bacot, Lamarque, Gauthier de Rumilly, accusèrent le ministère d'inconstitutionnalité, et d'attentat au droit d'initiative que, d'après la Charte nouvelle, la Chambre exerçait concuremment avec la couronne. Sans insister sur les arguments présentés à l'appui de cette opinion, nous ferons seulement remarquer que le projet de loi ne fut adoptée qu'à la majorité de 161 voix contre 111 (30 décembre). Une discussion incidente s'étant engagée pendant le cours des debats, sur la légalité d'ordonnances en date du 20 novembre, relatives à la promotion d'un chef de bataillon au grade de colonel et à l'élévation du général Grouchy à la dignité de maréchal de France honoraire, le ministre avait appuyé les dispositions attaquées d'exemples tirés des annales de l'Empire. A la Chambre des pairs, la loi passa sans difficulté (13 février 1832).

Une proposition tendant à l'abrogation de la loi du 11 septembre 1807, sur les pensions extraordinaires des grands fonctionnaires de l'État, avait été prise en considération (19 novembre). M. de Cormenin, son auteur, l'avait motivée sur ce que la loi du 11 septembre, ouvrage de l'empire, et tout imprégnée de l'esprit de Napoléon, en rapport avec cette

grande époque, était devenue sous la restauration un instrument d'abus, et n'avait servi qu'à doter richement toute cette génération de ministres, qui ne faisaient que paraître et s'éclipser. Cette loi, dont Napoléon n'avait fait qu'un emploi modéré, exigeait des services distingués rendus à l'État : la restauration en usa pour rénumérer des services, distingués ou non, rendus à la personne du prince. Il fallait done tarir la source de profusions dont souffrait la fortune publique. La Chambre des députés adopta la proposition sans discussion (22 décembre). A la Chambre des pairs, la commission, par l'organe de son rapporteur, M. le comte Roy, présenta un amendement, d'après lequel la loi du 11 septembre aurait été, non pas abrogée, mais seulement modifiée, de manière à empêcher l'abus. La Chambre rejeta l'amendement, et sanctionna la proposition, telle que la Chambre élective la lui avait transmise (16 janvier 1832).

Deux projets de loi furent encore admis avant la fin de l'année, par la Chambre des députés. Le premier autorisait la construction du canal des Pyrénées, destiné à joindre l'Océan à la Méditerranée, en continuant le canal du Midi, depuis Toulouse jusqu'à Bayonne (24 décembre): la Chambre des pairs ne l'adopta que l'année suivante (16 février). Le second projet accordait un crédit complémentaire d'un million, pour le palemént de primes d'encouragement à la pêche de la morue et de la baleine (28 décembre). La Chambre des pairs l'adopta également le 1er février. Enfin un troisième projet, communiqué d'abord à cette dernière Chambre, avait pour but de restraindre dans ses dispositions trop rigoureuses la contrainte par corps en matière civile: voté par la Chambre des pairs (31 décembre), amendé ensuite sur divers points par la Chambre des députés (5 avril 1832), ce projet reçut quelques jours après (14 avril) de la Chambre des pairs une nouvelle et définitive approbation.

Lă se termine l'analyse des travaux législatifs pendant la première partie de la session de 1831. L'Annuaire suivant contiendra la seconde.

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