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autonomes dont l'ensemble forme « des Locriens hypocnémides »;

2o L'autorité suprême appartient à un collège de « mille Opontiens », donc à un corps oligarchique. Oponte est, comme on sait, la ville principale de la région.

Comment s'établissent les rapports de cette ville avec l'ensemble des Locriens?

Nous avons encore une fois devant nous une ligue avec hégémonie.

Dans cette ligue, Oponte domine comme Thèbes dans la ligue béotienne, comme Athènes dans la ligue de Délos. Seulement, dans la ligue locrienne n'apparaît pas de conseil où les villes alliées seraient représentées. L'assemblée politique d'Oponte, « les mille Opontiens», semble en possession de toute l'autorité. Cette situation est clairement indiquée dans une inscription de l'époque hellénistique ou nous lisons : Οπούντιοι καὶ Λοκροὶ οἱ μετὰ Οπουντίων (1).

On pourrait cependant admettre l'opinion exposée tout à l'heure à propos des quatre conseils dans la ligue béotienne. Oponte étant la ville la plus importante, peutêtre même la seule localité qui forme vraiment une ville, ses citoyens dominent dans ce collège de mille membres. De plus, nous avons reconnu le fait d'une concentration des riches et des nobles vers la capitale des États syncecisés : Athènes, Mégare; le même phénomène a dû se produire dans les ligues avec hégémonie, vers Thèbes, vers Oponte.

Peut-être aussi ce cas rentre-t-il dans la catégorie

(1) Gr. Dial. Inschr., II, 2504.

dont il va être question; peut-être les cités ou peuplades locriennes sont-elles les Périèques, c'est-à-dire les sujets d'Oponte (1).

CHAPITRE III.

Le Périccisme.

Je l'ai déjà défini: c'est simplement l'assujettissement d'un État à un autre État, ou à une confédération, ou à une ligue.

Cet État n'est plus qu'un dème qui gère ses intérêts locaux, sans prendre aucune part à la gestion des intérêts généraux. Telle est la situation des bourgs de la Laconie et celle des villes de l'Argolide et aussi des bourgs de, l'Élide (2).

D'après M. Éd. Meyer (3), le périœcisme est la phase par laquelle tous les États grecs, sauf ceux de l'ouest (Élide, Achaïe, Phocide, Locriens-Ozoles, Doriens, Acarnaniens, Étoliens, etc.), ont passé. La ville principale domine sur le plat pays et sur les bourgades; les habitants de celles-ci sont libres personnellement, ont leur droit local, peutêtre même administrent librement leurs intérêts locaux; mais, privés de tout droit politique, ils sont les sujets de la capitale. Et pour donner des exemples, comme Romani répond à Latini, ainsi ̓Αθηναῖοι à ̓Αττικοί, Σπαρτιᾶται Λακεδαιμόνιοι, Θηβαῖοι ὰ Βοιωτοί (4).

(1) ED. MEYER, Forschungen, I.

(2) THUC..., II, 2%. XÉN. Hell., III, 2, 23.

(3) Forschungen, I, p. 305.

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(4) 'Attixós n'a jamais pu être un nom de peuple, comme le reconnait ÉD. MEYER, Forschungen, II, p. 516.

Je ne puis admettre cette façon de voir : le périœcisme ne se produit généralement qu'après une conquête, il est l'œuvre de la force (1). La subordination des paysans athéniens n'est pas de même nature. En Béotie, autre situation encore; ici, ligue avec hégémonie. Les faits se ressemblent à certains égards; mais ils réclament des définitions juridiques différentes.

CONCLUSION.

Le premier coup d'œil que l'on jette sur l'organisation politique des Grecs donne l'impression d'une variété infinie et presque désespérante. Comment ramener ces faits à des lois? Vues de plus près, les choses se simplifient, les lois se dégagent. Quel que soit le point abordé, on aboutit à cette découverte : il n'y a pas seulement un droit public athénien, spartiate, béotien; il y a un droit public grec.

Comme Szanto l'a déjà remarqué, la grande tâche qui s'impose à la science est de le recueillir et de l'écrire. Il faut reprendre le travail là où Aristote l'a laissé; les matériaux ne manquent pas, mais qui aura le génie de l'auteur de la Politique?

On peut essayer du moins d'esquisser l'un ou l'autre chapitre du «< livre à faire ».

(1) Remarquez cependant qu'il y a de bonnes raisons de croire que les Périèques de Laconie étaient Doriens; mais leur situation est encore le résultat de la conquête, puisque la nécessité de se défendre créa l'organisation militaire des Spartiates et amena leur situation privilégiée comme citoyens.

L'ÉTAT ET LA NOTION DE L
L'ÉTAT.

Aperçu historique;

par Ernest Nys, correspondant de l'Académie.

DEUXIÈME PARTIE (1).

Au Ve et au VIe siècle de notre ère, des événements considérables se produisirent sur le continent européen. Avant même que Théodose l'eût partagé entre Arcadius et Honorius, l'empire romain s'était disloqué; la division opérée, les régions occidentales ne réussirent point à repousser les attaques et les incursions, et bientôt les peuples germaniques s'installèrent de toutes parts, préludant ainsi à la prochaine réapparition des races du midi asiatique et africain (2).

Nous n'avons point à rappeler toutes les caractéristiques de la période qui s'ouvrait, le passage de la vie nomade à la vie sédentaire, la fixation des populations immigrantes sur le territoire qu'elles s'étaient choisi, la mise en exploitation du sol européen, l'importance plus grande de la propriété foncière, la prédominance de l'élément rural sur l'élément urbain et les conséquences multiples qui résultaient du nouvel ordre de choses; ce qu'il nous faut surtout faire remarquer, c'est que si, dans l'organisation politique, la diversité des formes était grande,

(1) Pour la PREMIÈRE PARTIE, voir Bull. de l'Acad. roy. de Belgique (Classe des lettres, etc.), no 6, pp 667 et suiv., 1901.

(2) E. FOURNIER DE FLAIX, L'impôt dans les diverses civilisations, t. I, p. 194.

1901.

LETTRES, ETC.

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néanmoins dans le fond quelques traits étaient communs. Ainsi presque partout la corrélation des devoirs et des droits était établie; au besoin, des affirmations solennelles venaient la rappeler aux obligations des sujets correspondaient les obligations des souverains, et si ceux-là prêtaient le serment de fidélité, ceux-ci juraient de faire régner la justice. Quelques siècles plus tard, l'énergique formule des États d'Aragon devait exprimer la règle gouvernementale : « Nous, qui valons autant que vous, nous vous considérerons comme notre roi aussi longtemps que vous garderez nos libertés, sinon non. >>

Il y aurait grand abus de mot à employer les dénominations modernes et à se servir du terme « État » pour désigner l'autorité centrale en ces temps reculés, et, certes, personne n'y songera en ce qui concerne plus particulièrement la période historique dans laquelle, ensuite de l'échec des tentatives faites pour ramener à l'unité l'Occident européen, se manifesta l'émiettement de toute puissance et s'établit le régime féodal. Alors, pour emprunter l'expression imagée de Michelet, « la division se subdivisa, le grain de sable aspira à l'atome; chacun se fixa en s'isolant. Celui-ci percha avec l'aigle, l'autre se retrancha derrière le torrent; l'homme ne sut plus bientôt s'il existait un monde au delà de son canton, de sa vallée; il prit racine, il s'incorpora à la terre. » La possession du sol et les relations qu'elle créait devinrent la base de l'organisation sociale; comme on l'a dit, la seigneurie fut le pouvoir, elle fut le gouvernement; ou plutôt, pendant plusieurs siècles, l'occident et le centre de l'Europe ne connurent guère le gouvernement. Quand la tendance vers l'unité se manifesta de nouveau, chez les divers peuples se constitua peu à peu une autorité

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