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l'argent, sa situation ne manifeste pas une grande fortune, mais nous manquons de détails à ce sujet. Les subsides que Granvelle lui avait fournis naguère dans sa jeunesse, prouvent la modeste fortune de sa famille; les plaintes de l'abbé à Rome sur les dépenses de son train de vie, sa lettre même, prouvent encore qu'il n'est pas trop riche. Les charges ne paraissent pas avoir enrichi notre homme d'État. Sans doute il s'occupe de la position de ses enfants et cherche à les appuyer, mais il les gronde quand ils sont exigeants, et l'abbé Jean reçut des remontrances paternelles pour ses plaintes et ses réclamations (1). Dans les registres de comptes, nous constatons qu'il touche ses émoluments de membre des conseils, puis de président, ce qui évidemment n'a rien de surprenant; le traitement de chef-président était de 1,200 florins, mais il y avait des « crues et augmentations >> soit pour les accessoires de charges, soit << pour services », et Richardot en reçut sans que nous osions les calculer (2).

(1) Notre étude citée sur Jean Richardot fils, p. 12.

(2) Chambre des Comptes, 45872, fol. 28, 34, 379, 388, etc. Le chefprésident touchait en outre les droits de scel, qu'on remplaça. en 1614, par une pension de 1,000 florins, qui n'en était nullement l'équivalent; plus encore 1,200 livres en qualité de conseiller d'État; enfin l'écu d'or supplémentaire par jour, accordé par lettres patentes de Philippe II, de 1589, et généralement d'autres avantages assez considérables. Cf. ALEXANDRE. Histoire du Conseil privé, pp. 308 et suiv.

Quel est le chiffre exact du revenu professionnel du président, c'est donc assez difficile à préciser. Quand, plus tard, le président Hovines entra en fonctions, en 1654, on taxa le tout, gages fixes et émoluments, à douze mille florins net; mais il continua néanmoins à percevoir en

Mais Richardot ne nous apparaît pas comme un homme d'argent et même, nous l'avons déjà vu, il raille un peu son ami Juste-Lipse qui n'y paraît pas indifférent (1).

Nous n'avons pas d'ailleurs davantage le moyen d'établir le train que menait le président, ni sa situation générale. On constate seulement qu'il jouit de la considération publique dans les sphères les plus diverses (2).

outre les droits de scel. Il fallait distinguer dans le revenu les gages ou traitements fixes à divers titres, les émoluments variables résultant de droits perçus sur des actes de leurs fonctions, et puis des avantages ou indemnités qui s'y joignaient toujours pour d'autres missions ou des subventions princières, adyudas de costa. Quels étaient les gages fixes avant Hovines? A la nomination de de Pape, à l'occasion de certaines contestations, la Chambre des Finances estimait les vieux gages à 6,400 florins. Sans doute les gages furent haussés plus d'une fois, mais l'ensemble des avantages professionnels de Richardot, non compris les indemnités de missions spéciales, voyages, etc., devait varier de 10 à 12,000 florins. N'oublions pas qu'il est le premier ministre de l'État. Pour les détails, voir, outre les registres de la Chambre des Comptes, le manuscrit 16044 du chef-président de Pape à la Bibliothèque nationale de Bruxelles, fol. 32. Pour les fonctions accessoires, indemnités de missions, etc., les registres cités et GACHARD, Archives de Lille (1841), pp. 347, 404.

(1) BURMANN, Syll. epist., I, épist. 692. Lettre de Juste-Lipse à Richardot, où il lui demande, avec de curieux arguments, un titre honorifique et un subside. Il ne tient pas trop au premier, mais bien au second; et quant au titre, il n'en veut que l'honneur et non la charge. Lettre curieuse. Cette lettre ne fut pas la seule de l'espèce, 1595, 1596.

(2) BURMANN, Syll. epist., I, ép. 165, p. 167. Lettre de Hart à JusteLipse, 1591.

Au surplus, il est temps de terminer cette notice.

La personnalité de Richardot est bien celle du ministre d'affaires, servant son prince fidèlement et habilement après les écarts des débuts, élevant ses enfants avec soin, en bon père de famille, affectionné à ses amis, s'intéressant aux lettres et aux arts, mais sans s'élever, nous l'avons dit, aux sphères supérieures ni de la science ni de la grandeur politique, sans avoir même de notions précises sur les théories dont on ne le voit point aborder la controverse, Il va, agissant et gouvernant au jour le jour, au milieu des troubles de cette époque difficile. Il n'eut pas la perception claire des principes, ni une ligne de conduite arrêtée; quand il lui parut avoir trouvé sa voie, il la suivit et servit ses princes avec les ressources d'une diplomatie habile, courtoise, agrémentée de littérature; il fit en un mot une « politique opportuniste, politique de carrière ». Nous avons plus d'une fois fait nos réserves sur cette politique même, agissant suivant les circonstances, sans songer à autre chose qu'à mener pratiquement les affaires et à se tirer des difficultés du moment. Il devint ainsi premier ministre, sans être remarquable ni par les idées ni par le caractère, mais il put, à l'occasion, servir l'intérêt politique des Habsbourg et des princes des Pays-Bas (1).

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(1) ÉPITAPHE. A l'église Sainte-Gudule, à Bruxelles, chapelle du Saint-Sacrement, où il fut enterré ainsi que sa femme. L'épitaphe est reproduite par M. DE HAUTECLOCQUE, ouvrage cité, p. 166, et FOPPENS, Histoire du Grand Conseil de Malines. Bibliothèque nationale à Bruxelles, manuscrit 9938-9939, fol. 115.

L'épitaphe d'AMABILIS à Maestricht Saint-Servais; par Me G. Monchamp, membre de l'Académie.

Au mois de juin dernier (1), j'avais l'honneur de présenter à la Classe une dissertation sur une inscription mérovingienne inédite, trouvée à Glons. J'y disais, entre autres, qu'on ne connaissait pas jusqu'ici en Belgique d'inscription monumentale et chrétienne qui fût de date plus reculée.

Or j'ai appris, vendredi dernier, l'existence d'une épitaphe paraissant incontestablement plus ancienne. A la vérité, elle est maestrichtoise, mais les liens étroits qui unissent cette antique cité au diocèse de Liége doivent la faire considérer comme un monument intéressant la Belgique aussi bien que la Hollande.

Cette inscription a été découverte par M. l'abbé Rutten, vicaire de Saint-Servais, à Maestricht. Cet ecclésiastique de talent, qui s'intéresse vivement à l'archéologie sacrée, a bien voulu m'en remettre un dessin sommaire et une photographie.

La pierre se trouve au bas d'un pilier récemment déchaussé, à l'entrée du narthex de l'église Saint-Servais. Elle est mutilée du côté gauche, mais la mutilation n'atteint pas la partie inscrite, quoique sur celle-ci l'un

ou l'autre caractère soit effacé.

(1) Voir Bulletins de la Classe des lettres, etc., 1901, no 6, p. 642.

Voici la teneur de l'inscription:

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IC PAVSAT

AMABELES

IN CHRISTO

QI VIXIT AN

A VIDXII

C'est-à-dire : « Ici repose, dans le Christ, Amabilis; il a vécu (?) ans six mois douze jours. » D'après les critériums chronologiques déterminés par le savant épigraphiste Le Blant ils se tirent surtout de la forme des lettres, du style, des données historiques, cette épigraphe date du Ve siècle, tout en étant antérieure à l'établissement des Francs. Le double fait qu'elle appartient à la famille des inscriptions tréviriennes et qu'elle se trouve sur le terrain du cimetière chrétien où fut enseveli l'évêque saint Servais, confirme cette conclusion.

Il est à remarquer que l'épitaphe métrique retrouvée par Kurth dans le texte d'une Vie maestrichtoise de saint Servais, du VIIIe siècle, contenait aussi le mot PAUSANT (hoc PAUSANT membra clari doctoris in antro) (1).

L'épitaphe d'Amabilis constitue un monument unique des premiers âges chrétiens dans nos contrées, et je ne puis penser sans émotion à ce croyant gallo-romain, qui se révèle à nous après quinze siècles et que des mains pieuses avaient couché dans la tombe pour que, par la

(1) Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liége, t. III, p. 37 (Liége, 1883).

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