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ainsi commise ne se reproduise devant la même juridiction ou ne se propage chez les autres. La transcription de ces arrêts de cassation sur les registres du tribunal d'où émane la décision cassée, l'insertion au Bulletin des arrêts de cassation pour l'instruction des autres juridictions, et la publicité produite de toute autre manière, sont les moyens de sanction.

1916. Ces pourvois en cassation dans l'intérêt de la loi sont de deux sortes :

1° Ceux que peut former le ministère public, partie dans le procès, contre une ordonnance d'acquittement (1). Le délai pour former celui-ci n'est que de vingt-quatre heures (art. 374);

2o Ceux que le procureur général près la cour de cassation a le droit de former de son chef, dans les termes de l'article 442 du Code d'instruction criminelle (2). Nous ferons remarquer que ce droit du procureur général n'existe que contre les décisions qui auraient pu être attaquées utilement par les parties, par conséquent contre celles qui ont le caractère d'arrêt ou de jugement en dernier ressort, et seulement après que les délais du pourvoi utile sont expirés.

1917. Autre chose est le pourvoi en annulation, que le ministre de la justice peut, par un ordre formel, enjoindre au procureur général près la cour de cassation de former, en vertu de l'article 441 du Code d'instruction criminelle (3). Ici il n'est pas

(1) Code d'instruction criminelle. « Art. 409. Dans le cas d'acquittement de l'accusé, l'annulation de l'ordonnance qui l'aura prononcé, et de ce qui l'aura › précédé, ne pourra être poursuivie par le ministère public que dans l'intérêt de la loi et sans préjudicier à la partie acquittée.

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(2) Code d'instruction criminelle. Art. 452. Lorsqu'il aura été rendu par une cour royale ou d'assises, ou par un tribunal correctionnel ou de police, un arrêt ou jugement en dernier ressort, sujet à cassation, et contre lequel néanmoins aucune des parties n'aurait réclamé dans le délai déterminé, le procureur général près la cour de cassation pourra aussi d'office, et nonobstant l'expiration du délai, en donner connaissance à la cour de cassation: l'arrêt ou le jugement sera cassé, sans que les parties puissent s'en prévaloir pour s'opposer à son exécution. - (Cet article, qui a son origine dans la loi fondamentale du 27 novembre 1790 (art. 25, reproduit dans la loi du 27 ventôse an VIII, art. 88), doit être rapproché encore aujourd'hui de ce texte primitif qui est plus général et qui comprend dans ses termes toutes les juridictions, ordinaires ou spéciales, relevant de la cour de cassation.)

(3) Code d'instruction criminelle. Art. 441. Lorsque, sur l'exhibition d'un ordre formel à lui donné par le ministre de la justice, le procureur general près la cour de cassation dénoncera à la section criminelle des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi, ces actes, arrêts ou jugements pourront » être annulés, et les officiers de police ou les juges poursuivis, s'il y a lieu, de la manière exprimée au chapitre 3 du titre 4 du présent livre. » — (Cet article doit être rattaché, comme origine, à la Constitution de 1791 (tit. 3, art. 27), et surtout à l'article 80 de la loi du 27 ventôse an VIII, qui est le texte encore en vigueur en matière non pénale, et qui attribue le pouvoir d'annulation (sans préjudice du droit des parties intéressées) à la chambre des requêtes de la cour de cassation, mais seulement dans le cas d'excès de pouvoir, ou de délits commis par les juges dans l'exercice de leurs fonctions.)

nécessaire qu'il s'agisse d'actes ayant le caractère de jugement, ni que les jugements soient en dernier ressort, ni que les délais du pourvoi utile soient expirés : tous actes judiciaires, par exemple une protestation, une délibération illégitimes, une décision par voie générale et réglementaire, un acte illégal du juge d'instruction, du ministère public, du président des assises, tout jugement, par défaut ou contradictoire, en premier ou en dernier ressort, avant ou après l'expiration des divers recours ou du pourvoi utile ouverts aux parties, peuvent être l'objet de cette demande en annulation. Et comme la loi ne reproduit pas ici cette réserve que l'annulation n'aura lieu que dans l'intérêt de la loi, sans pouvoir exercer d'influence sur l'intérêt des parties, comme au contraire il est nécessaire bien souvent de faire mettre à néant l'acte illégitime, par exemple de faire biffer des registres la protestation illégitime, la cour de cassation a été conduite à se reconnaître le pouvoir, même quand il s'agit de jugements ou arrêts, de décider que l'annulation profitera à la partie poursuivie ou condamnée, mais sans pouvoir jamais nuire à ses droits acquis; les décisions sur la compétence générale, quand elles contiennent une perturbation des pouvoirs établis, n'étant pas considérées, du reste, comme constituant de pareils droits. Ainsi, même dans l'expression, malgré la synonymie apparente des mots, s'établit une grande différence technique entre les pourvois en cassation et les pourvois en annulation.

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§ 2. Pourvois en révision.

1918. Le caractère exceptionnel de cette institution, qui fait brèche au principe de droit public sur l'autorité de la chose jugée, nous est connu (ci-dess., n° 1700, 2°). Une pareille exception ne peut être faite que lorsque l'erreur judiciaire se trouve manifestement et extraordinairement démontrée ou du moins signalée. Notre Code d'instruction criminelle, qui y consacre un chapitre spécial (liv. II, ch. 3, Des demandes en révision), ne l'admet dans trois cas :

que

1° Celui où pour un seul et même crime, par deux arrêts différents qui ne peuvent se concilier, une personne et ensuite une autre sont condamnées comme étant chacune l'auteur de ce crime (art. 443). Le rapprochement seul de ces deux arrêts est la preuve qu'il y a erreur judiciaire dans l'un ou dans l'autre; mais dans lequel des deux?

2° Celui où une condamnation pour homicide (mais non pour tentative seulement) ayant eu lieu, des indices suffisants sur l'existence du mort supposé sont produits, et ensuite la constatation de cette existence, exclusive du prétendu crime, est faite (art. 444). L'erreur judiciaire est matériellement démontrée.

3o Celui où, postérieurement à la condamnation d'un accusé, un ou plusieurs témoins qui l'ont chargé sont poursuivis et condam

nés pour faux témoignage contre lui dans le procès (art. 445). L'erreur judiciaire n'est pas manifestement démontrée, car ces faux témoignages peuvent ne pas avoir été la seule cause de sa condamnation; mais un doute judiciairement produit pèse sur cette condamnation : cet homme est-il véritablement coupable ou non?

1919. Il existe quelques différences dans la manière de procé der, entre les trois cas. Mais dans tous les trois les pourvois en révision sont portés à la cour de cassation, et ils ne peuvent l'être que par ordre du ministre de la justice.

1920. Dans tous les trois l'exécution est suspendue, s'il en est temps; car il est possible que la manifestation de l'erreur judiciaire ne se produise qu'après l'exécution accomplie ou commencée. Cette suspension a lieu de droit dans le cas des articles 443 et 445.-Elle peut être ordonnée sur les seuls indices jugés suffisants, par le ministre de la justice ou par l'arrêt préparatoire de la cour, dans le cas de l'article 444.

1921. Dans tous les trois, la cause étant vérifiée, la cour de cassation casse les arrêts attaqués. Mais elle casse sans renvoi dans l'hypothèse de l'article 444, où il ne reste plus aucun doute; tandis que dans les deux hypothèses des articles 443 et 445, qui se terminent par une interrogation, elle casse avec renvoi, pour de nouveaux débats, dans lesquels la vérité devra être éclaircie.

1922. Par la même raison, le décès du condamné ne fera pas obstacle à la révision dans le cas de l'article 444, qui ne laisse subsister aucun doute (art. 447); tandis qu'elle y fera obstacle dans les deux autres, qui exigeraient de nouveaux débats, rendus impossibles contradictoirement par cette mort.

1923. Les articles du Code ne parlent que d'accusés, d'arrêts, de condamnations pour crime, et ils n'ont été faits qu'en vue de ces erreurs judiciaires d'un ordre plus élevé et de conséquences plus graves. Cependant la tendance de la cour de cassation parait être, depuis peu d'années, de généraliser le bénéfice de la révision, et de l'étendre aux jugements de police correctionnelle. On y sera porté si on se laisse aller à l'intérêt ou à la logique des cas particuliers; mais la maxime de l'autorité de la chose jugée s'élève au-dessus de ces intérêts et de cette logique; elle est le sacrifice, non pour la majorité des cas, Dieu merci, mais fort exceptionnellement, des intérêts qui ont pu avoir à souffrir d'un mal-jugé, bypothèse particulière et rare à un intérêt plus général et constant. Pour y faire brèche, il faut non-seulement des erreurs manifestement démontrées, mais des erreurs d'une importance telle que l'intérêt général en soit changé. C'est ce que montre bien le Code d'instruction criminelle lorsqu'il ne met qu'aux mains du ministre de la justice, et non aux mains des particuliers intéressés ni du ministère public ordinaire, la mise en mouvement des demandes en révision. Nous croyons donc que l'extension aux affaires de police correctionnelle ou de simple police ne serait ni dans les termes du Code ni dans l'esprit de l'institution.

DE L'EXÉCUTION.

1924. C'est ici le dénoûment. Lorsque le jugement ou l'arrêt ne peut plus être frappé d'aucun recours ordinaire d'opposition ou d'appel, ni du recours extraordinaire d'un pourvoi en cassation de la part des parties, il devient exécutoire. La demande en révision une fois formée produirait bien, s'il en était temps encore, un sursis, suivant ce que nous venons d'expliquer; mais la possibilité qu'elle le soit un jour n'empêche pas le droit d'exécution de naître et d'être exercé. Des exécutions provisoires, nonobstant appel ou pourvoi en cassation, peuvent avoir lieu en quelques cas, à l'égard soit de certaines condamnations civiles (C. i. c., art. 188), soit de la mise en liberté du prévenu (art. 206 -ci-dess., no 1900), soit de certains actes de procédure (art. 301, ci-dess., no 1908); mais jamais pour l'exécution de la peine. Le cas spécial de la contumace est à part.

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1925. Lorsqu'il y a acquittement ou absolution, la procédure d'exécution est bien simple: le prévenu ou l'accusé, dès que le jugement ou l'arrêt sont devenus exécutoires, est mis en liberté sur l'ordre du ministère public (art. 197, 376), à moins qu'il ne soit légalement détenu pour autre cause; et quand il s'agit d'une ordonnance d'acquittement en cour d'assises, comme cette ordonnance n'est susceptible d'aucun pourvoi utile, la mise en liberté doit avoir lieu immédiatement, sur l'ordre du président des assises qui prononce l'acquittement (art. 358).

1926. Lorsqu'il y a condamnation, en mettant à part :-Les condamnations civiles, qui s'exécutent suivant les formes civiles ordinaires, à la diligence des parties intéressées; - Les condamnations à des peines pécuniaires, qui suivent des formes analogues, à la diligence des receveurs de l'enregistrement et au nom du ministère public (ci-dess., n° 1762);-Enfin les peines de déchéances ou incapacités de droit, qui se produisent ipso jure, sans qu'il soit besoin d'acte matériel d'exécution (ci-dess., n° 1625), nous bornerons à quelques mots sur la procédure d'exécution des peines privatives de liberté, et surtout de celles dont l'exécution doit former spectacle public.

nous

1927. Les peines privatives de liberté s'exécutent à la diligence et sur la requête du ministère public; mais le fait de l'exécution passe à l'autorité administrative (ci-dess., n° 1762). Toute incarcération se constate par un acte d'écrou, sur le registre à ce destiné, dans la forme tracée aux articles 608, 609 du Code d'instruction criminelle; et la sortie de tout prisonnier doit s'y constater de même, conformément aux prescriptions de l'article 610. 1928. L'exécution des jugements ou arrêts est une des causes

pour lesquelles l'autorité a le droit de pénétrer, durant le jour, dans le domicile des habitants, soit pour l'arrestation des condannés, soit pour la saisie des objets, pourvu que ce soit par les agents et avec les formes voulues par la loi (L. du 16-24 août 1790, tit. 8, art. 5; du 19-22 juillet 1791, tit. 1, art. 8; — du 28

germinal an VI, art. 131).

1929. La règle de l'article 25 du Code pénal, portant « qu'aucune condamnation ne pourra être exécutée les jours de fêtes nationales ou religieuses, ni les dimanches, » est indépendante des règles de la procédure civile (C. pr. civ., art. 63, 781, 828, 1037), auxquelles il faut se référer, et qui doivent être suivies pour l'exécution des condamnations pécuniaires. L'article 25 du Code pénal n'a trait qu'aux exécutions destinées à faire spectacle public: et la peine de mort est la seule aujourd'hui qui soit de cette sorte dans notre droit pénal ordinaire.

1930. Nous en dirons autant de la règle de l'article 375 du Code d'instruction criminelle, qui ordonne que l'exécution ait lieu dans les vingt-quatre heures après l'expiration du délai accordé pour le pourvoi en cassation, lorsqu'il n'a pas été formé de pourvoi, ou après la réception de l'arrêt de rejet dans le cas contraire. (Voir cependant le sursis d'office ordonné par les instructions relatives à l'exercice du droit de grâce, ci-dess., n° 1680.) -De même de celle de l'article 26 du Code pénal, ordonnant « que l'exécution se fera sur l'une des places publiques du lieu qui sera indiqué par l'arrêt de condamnation; » Du transport de l'un des juges du lieu de l'exécution, assisté du greffier, si le condamné veut faire quelque déclaration (C. i. c., art. 377); Et enfin du procèsverbal d'exécution qui doit être dressé par le greffier, conformément à l'article 378 du Code d'instruction criminelle.

1931. Pour le cas où le condamné, même après une condamnation contradictoire, se serait soustrait par la fuite à l'exécution, et pour celui des condamnations par contumace, nous avions une sorte d'exécution par effigie, qui ne s'accomplissait plus, comme au temps ancien, sur l'effigie ou la représentation fictive de la personne, mais qui consistait dans l'affiche de l'arrêt de condamnation, par l'exécuteur des jugements criminels, à un poteau planté au milieu de l'une des places publiques de la ville chef-lieu de l'arrondissement où le crime avait été commis (ancien article 472 du Code d'instruction criminelle); et qui devait être également constatée par procès-verbal du greffier (1). Ces sortes d'exécutions avaient leur effet de droit à raison de la mort civile (C. N., art. 26), de l'exposition publique, et contre le contumax. Mais

(1) Conférez, avec l'article 378 du Code d'instruction criminelle, le décret du 18 juin 1811, sur le tarif criminel, article 52, qui donne quelques détails de plus quant aux fonctions du greffier; et l'article 53, qui fixe l'allocation faite à ce greffier: 1o pour les exécutions à mort; 2° pour les exécutions par effigie el expositions, lesquelles n'existent plus.

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