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vie dans la retraite, la mortification et la prière, leurs frères de la Doctrine chrétienne, leurs sœurs hospitalières, les institutrices volontaires et sans récompense terrestre, qui se dévouent aux soins des petits enfants pauvres ; vous ne les trouverez nulle part. Les œuvres de la charité catholique sont livrées chez les protestants à des mains mercenaires, cupides, dont le zèle se mesure, se soutient, s'excite par la pièce de monnaie qu'elles ont à percevoir.

Qu'on nous dise si de telles personnes à gages peuvent remplacer auprès de l'enfant, du maJade et du vieillard, les instituteurs dévoués, les maîtresses, les consolatrices, servantes zélées et mères tendres à la fois, que l'Eglise catholique possède dans ses associations pieuses, qui se consacrent avec tant d'héroïsme au bien de la société, comme à la gloire de la religion!

TRENTE-TROISIÈME ENTRETIEN.

LE SERMENT.

LE D. Votre dissertation sur les voeux a détruit toutes les préventions que j'avais contre ces engagements sacrés, et elle me laisse dans l'admiration de ces âmes généreuses, qui ont le courage de se les imposer. Comme vous deviez parler aussi du serment dans le dernier entretien, je pense que vous allez l'examiner aujourd'hui, n'ayant pas été possible de vous en occuper hier, tant vous paraissiez vous complaire dans les explications du vou.

LE TH. Je ne me défends pas de quelque prédilection pour ce sujet qui est, à mon sens, la plus belle, la plus sublime philosophie, lors même qu'on n'y trouverait pas tous ces avantages que nous venons de signaler. D'ailleurs, l'aveu que vous faites vous-même de votre admiration pour les âmes généreuses qui s'imposent ces engagements, me prouve que la dissertation n'a pas été inutile, ce qui suffit pour me dédommager de sa longueur. N'ayant pu parler du jurement,

comme je l'avais annoncé, il faut nous en occuper aujourd'hui ; c'est la suite naturelle du sujet précédent. Commençons par chercher la signification de ce mot jurement. Saint Augustin semble croire qu'il dérive de jure, droit, en ce qu'en prenant Dieu à témoin, on lui attribue et on lui rend le droit de la vérité : jus veritatis, et de là jurare, juramentum. D'autres le font venir aussi de jure, parce que le droit a introduit le jurement pour confirmer la vérité. Il en est enfin qui tirent sa signification de l'obligation à jure à lege que s'impose celui qui fait le jurement de l'accomplir avec fidélité. On trouve aussi le mot sacrement, sacramentum, exprimant la même chose que jurement, ce qui provient sans doute de ce que l'on prend à témoin l'être le plus sacré, Dieu lui-même. C'est peut-être de sacrement que, par abréviation, nous avons formé notre

serment.

Le jurement, considéré en lui-même, est un acte par lequel on prend Dieu à témoin de ce qu'on assure ou de ce qu'on promet. En d'autres termes, jurer, c'est prendre Dieu à témoin de la vérité d'une assertion, ou de la sincérité d'une promesse; ce qui peut se faire par des paroles ou une action que l'usage a consacrées, ou par les deux à la fois. Ainsi le jurement sera verbal, réel ou mixte, selon le mode que l'on emploiera. Il sera explicite ou implicite, simple ou solennel; enfin imprécatoire, suivant qu'on jure par Dieu lui-même ou par une créature, entre per

sonnes privées ou devant un magistrat ; qu'on provoque sur soi une punition divine, si on ne dit pas la vérité, ou si l'on n'accomplit pas ce qu'on promet. Pour l'objet, le serment se divise en jurement d'assertion et de promesse. Si je mentionne ces divisions, ce n'est pas pour vous les apprendre, vous qui êtes légiste, mais parce qu'elles doivent entrer dans quelques solutions que nous aurons à donner.

Le serment fait avec les conditions requises est évidemment un acte de religion, puisque, d'après saint Augustin, on honore Dieu en lui rendant le droit de la vérité

selon

et que, saint Jérôme, on jure par celui qu'on aime ou qu'on vénère; ces Pères expriment la vertu du serment telle que les hommes l'ont toujours comprise, en y attachant partout un sens religieux. Voulez-vous des exemples de jurement tirés des livres saints, entendez Abraham protestant qu'il n'acceptera pas les présents du roi de Sodôme: Je lève la main vers le Seigneur, le Dieu très-haut, possesseur du ciel et de la terre, que je ne recevrai rien de tout ce qui est à vous, depuis le moindre fil jusqu'à un cordon de soulier, afin que vous ne puissiez pas dire que vous avez enrichi Abraham (Gen. 14.) Plus tard, il fait alliance par serment avec Abimelech (21). Ailleurs il exige qu'Eliezer jure de ne point marier Isaac, son fils, à une Chananéenne (24). Isaac renouvelle avec serment cette alliance de son père avec Abimelech (31). Voyez aussi un serment de Jacob, à

l'occasion du pacte solennel qu'il fait avec Laban (31).

Dans le livre de l'Exode, on voit aussi le serment placé parmi les actes de latrie: Vous craindrez le Seigneur votre Dieu (y est-il dit) ; vous le servirez seul, et vous jurerez par son nom (23). Le roi-prophète demande : Qui habitera dans les tabernacles du Seigneur ? Celui qui est fidèle au jurement fait au prochain (14). Jérémie traite les conditions du jurement par ces trois paroles: Vous jurerez, le Seigneur est vivant, avec vérité, jugement et justice (4).

Voilà donc le serment pratiqué dans l'AncienTestament, comme un acte bon, louable et religieux. Est-il condamné dans la nouvelle loi? Examinons: à la vérité notre Seigneur disait: Que votre discours se borne à dire oui ou non. Tout ce que l'on ajoute vient d'un mauvais fond, ou principe, a malo est (1). La même défense se retrouve dans saint Jacques, avec des expressions semblables (2). Mais l'objet de cette condamnation n'est autre que le jurement blåmable, tel qu'il se pratiquait alors chez les Juifs; ils prétendaient que le jurement par le temple et d'autres créatures n'était point repréhensible (3), et qu'on pouvait jurer à volonté, pourvu que le serment ne fut pas fait pour assurer le mensonge. C'est ainsi qu'en

(1) Matth. 5.

(2) Cap. 5.

(5) Matth. 23.

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