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objets qui frappent mes divers sens: j'entends une musique en même temps que je vois des hommes, que j'éprouve la chaleur du feu; que je sens une odeur, que je mange un fruit, je discerne parfaitement ces sensations diverses, je les compare, je juge laquelle m'affecte le plus vivement et le plus agréablement ; je préfère l'une à l'autre, je la choisis. Or, ce moi, qui compare les diverses sensations est inévitablement un être simple; car, s'il est composé, il recevra par ses diverses parties les diverses impressions que chaque sens lui transmettra ; les nerfs de l'oeil porteront à une partie les impressions de la vue; les nerfs de l'oreille feront passer à une autre partie les impressions de l'ouïe, ainsi du reste. Mais si ce sont les diverses parties de l'organe physique, du cerveau, par exemple, qui reçoivent, chacune de leur côté, la sensation, comment s'en fera le rapprochement, la comparaison ? La comparaison suppose un comparateur; le jugement suppose un juge unique. Ces opérations ne peuvent se faire sans que les sensations différentes aboutissent toutes à un être simple (1). » Passons aux conséquences morales de la doctrine des phrénologistes.

La base de leur système de pénalité, c'est l'indulgence mutuelle, suite de la tolérance qui, selon la phrénologie est le premier précepte de la

(2) Revue Médicale, rapportée dans les Cours phrénologiques, etc.

ligieux, que

morale. Nous pouvons affirmer, avec le savant rele fatalisme est la loi des phrénologistes; (c'est aussi la conclusion que M. F.... déduit rigoureusement de leur doctrine). « Les phrénologistes se bornent à parler de l'empire fatal de certaines organisations, et à reproduire tous les lieux communs auxquels les avocats ont habitué les juges depuis quelques années, et qu'ils ne cessent d'invoquer en faveur de ces misérables bandits qui professent ou qui pratiquent la doctrine de l'assassinat, braves gens qui réservent toute leur pitié pour les voleurs et les meurtriers, et qui sont sans pitié pour les victimes et pour la société! Les phrénologistes accuseront tout, excepté le coupable, tout, excepté l'éducation qu'il aura reçue; car l'éducation, selon eux, ne crée rien, et elle est impuissante à arrêter les tendances fatales de l'organisme. »

« L'homme a la liberté si ses organes du moi et de la volonté, auxquels tient cette faculté, sont vigoureux; mais s'ils sont faibles, il ne l'a pas, examinons d'abord celui qui les a faibles: eh bien! il ne sera vraiment libre que pour les actions indifférentes, mais il ne le sera pas pour les actes importants; il obéira successivement à toutes ses passions, à mesure qu'elles deviendront dominantes.... Je suis libre d'être sage, fidèle, économe, s'écriera le prodigue, le libertin, à qui l'on reproche ses écarts, et je serai cela quand je voudrai; mais s'il n'a pas d'organe qui puisse l'amener à changer de conduite, il ne changera

pas » (1). « Gall veut aussi que le libre arbitre ne soit qu'un résultat, il détruit donc le libre arbitre (2). »

Jugez, après ces considérations, s'il est possible de placer le systême de la phrénologie parmi les pratiques superstitieuses; c'est la négation du libre arbitre, de toute loi morale; il sape les fondements de la société et de la religion. Il n'y a plus ni vice ni vertu, tout se résume dans la constitution physique, et est soumis à l'empire fatal de l'organisation. Ce fut ainsi qu'on apprécia à Vienne le système de Gall. Ses leçons y furent interdites en 1801, comine tendant à bouleverser les têtes, à détruire la religion, et à propager le matérialisme. En France, on n'a pas eu les mêmes susceptibilités. On a laissé le docteur allemand s'y établir avec ses crânes, et par la suite, il y a eu des cours publics de phrénologie, comme d'anatomie et de pathologie.

(1) Cours de Phrén. de Broussais.

(2) M. Flourens.

TRENTE-SEPTIÈME ENTRETIEN.

LE MAGNÉTISME ANIMAL.

LE TH. Pour nous faire une idée claire du magnétisme, et l'apprécier avec vérité, nous distinguerons trois degrés dans ses opérations. D'abord la communication d'un fluide nerveux, capable de produire certains effets thérapeutiques analogues, si vous voulez, à ceux de la pile de Volta sur un membre paralysé ; puis l'état de sommeil résultant de l'infusion de ce fluide; et enfin le somnambulisme accompagné de lucidité, de science médicale, pathologique et de la faculté de voir, même à des distances extraordinaires, par l'occiput, le bout des doigts, etc.

On regarde Mesmer, médecin allemand, comme l'inventeur du magnétisme, qu'il décrit en ces termes, dans un Mémoire publié en 1779. « C'est un fluide universellement répandu... L'action et la vertu du magnétisme animal peuvent être communiquées d'un corps à d'autres corps animés ou inanimés. Cette action a lieu à une distance éloignée, sans le secours d'aucun corps intermé

diaire... Par le moyen du magnétisme, le médecin connaît l'état de la santé de chaque individu, et juge avec certitude l'origine, la nature et les progrès des maladies les plus compliquées ; il en empêche l'accroissement, et parvient à leur guérison, sans jamais exposer le malade à des effets dangereux ou à des suites fàcheuses, quels que soient l'âge, le tempérament et le sexe (1). » Vous connaissez l'usage qu'il faisait, pour sa magnétisation, du baquet à couvercle percé, des branches de fer, de la corde placée autour du corps des malades pour les unir les uns aux autres, et du forté-piano destiné à commencer le branle par des airs variés, et à communiquer même le fluide magnétique.

En 1784, une commission composée de médecins et de savants, examina avec grande attention les opérations magnétiques d'un disciple de Mesmer, et après diverses expériences, la conclusion des commissaires fut celle-ci : « Le fluide magnétique n'existe pas, le magnétisme animal est nul, et les moyens employés pour le mettre en pratique sont dangereux. » Une autre commission se prononça en ces termes contre le systême de Mesmer : « La théorie du magnétisme animal est un systême absolument dénué de preuves; les moyens employés pour le mettre en action peuvent devenir dangereux ; et les traitements faits par ces

(1) Rapporté dans les Considérat. Philos., etc., par M. le docteur Debreync.

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