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aux Thessaloniciens,..... ne le considérez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère. Corrigez ceux qui sont déréglés. Si quelqu'un est tombé par surprise dans quelque péché, ayez soin de le relever dans un esprit de douceur.

Ce précepte de la correction fraternelle ne renferme aucune exception; tous sont donc tenus à l'observer. Car l'Ecclésiastique le place parmi les ordonnances morales que le Seigneur a faites à son peuple, et que personne ne peut enfreindre sans se rendre coupable d'iniquité. Voici les paroles de l'écrivain sacré : « Dieu a fait avec eux une alliance éternelle, et il leur a appris les ordonnances de sa justice; ayez soin, leur a-t-il dit, de fuir toute sorte d'iniquité : et il a ordonné à chacun d'avoir soin de son prochain (17). »

Mais il faut beaucoup de prudence, une grande circonspection est souvent nécessaire pour accomplir ce devoir difficile de la charité, dans des circonstances et avec des formes qui puissent faire espérer le succès de la correction fraternelle. C'est à chacun de réfléchir devant Dieu sur les moyens qu'il devra employer, de recourir à des conseils prudents, d'implorer la grâce du Seigneur, puisqu'il s'agit de gagner une âme, ou peut-être de la perdre pour toujours.

Avant de sortir de ce sujet, disons quelques mots sur l'ordre général à suivre dans l'accomplissement de la charité. Il est certain que nous devons préférer notre sanctification à celle du

prochain, et ne jamais compromettre notre salut pour nos frères. Agir autrement ce serait dépasser le précepte et le violer. Il porte : Vous aimerez le prochain comme vous-même, et non plus que vous même ; car alors on cesserait de s'aimer soi-même, en offensant Dieu ou en s'exposant à un danger très-probable de pécher dans l'intérêt du prochain, ce qui ne peut être permis. Et que gagnerait l'homme en sauvant le monde entier, s'il venait à se perdre lui-même (1)? Quand le bien spirituel est absolument nécessaire au salut du prochain, c'est à nous un devoir de le préférer à nos biens temporels, à notre vie même, ainsi que l'ordonnent ces paroles de notre divin maître, commentées par l'apôtre saint Jean : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés (2). Nous avons reconnu l'amour de Dieu envers nous, en ce qu'il a donné sa vie pour nous, et nous devons aussi donner notre vie pour nos frères. Ce précepte trouverait son application, par exemple, si un enfant était en danger extrême de mourir, avant d'avoir reçu le baptême, et que nous pussions avoir une espérance fondée de le baptiser, en nous exposant à la mort.

Il est certain que nous pouvons, que nous devons même préférer notre vie temporelle à celle du prochain, à moins que des circonstances d'intérêt public, ou la pratique de quelque vertu n'im

(1) Matth. 6.

(2) Joan. 4.-Ep. 1a, 3.

posent ce sacrifice, ou ne le rendent légitime et louable. Car ce serait violer à la fois les règles de la charité et du bon sens que de se mettre, sans aucun motif moral, à la place de l'homme qui va subir la mort. Cette substitution ne peut être licite que dans les circonstances où elle devient un acte de vertu, comme si un ami meurt pour son ami, un enfant pour ses parents, et mieux encore, si l'on se sacrifiait pour l'assassin qui nous menace, afin de ne pas le précipiter, en ces dispositions criminelles, dans un malheur éternel. La règle de la charité veut encore que nous préférions à nos biens de fortune la vie de notre prochain, laquelle est évidemment d'un ordre supérieur. Ayant déjà indiqué ailleurs ce que demande la charité, lorsque ne pouvant venir au secours de tous les malheureux, nous sommes obligés d'en borner l'exercice, nous n'avons pas à en parler ici.

LE D. Je présume qu'il y a aussi des péchés opposés à la charité envers le prochain.

LE TH. Je vais vous les indiquer, sans entrer dans de longs détails, qui ne me paraissent pas nécessaires. Parmi ces oppositions, on signale d'abord la haine, qu'on divise en haine d'inimitié et d'abomination. Par la première, on désire, on veut au prochain un mal qui lui est nuisible. L'Ecriture sainte nous en fait comprendre toute la gravité en l'assimilant à l'homicide. Quiconque hait son frère est homicide, et vous savez que tout homicide ne peut avoir la vie

éternelle en lui (1). Elle ne serait cependant qu'une faute légère, si l'on se bornait à un éloignement, à un simple déplaisir, ou qu'on ne souhaitât au prochain qu'un mal léger. La haine d'abomination, ou plutôt d'aversion, consiste à détester dans le prochain, ou sa personne, ou des choses qui nous contrarient, mais sans lui désirer aucun mal. Pour apprécier la malice de ce péché, il faudra avoir égard à l'intensité de la volonté, à la nature et à l'importance de la chose qu'on hait dans son prochain. Mais cette aversion ne mérite aucun blâme, si elle a pour objet des mauvaises qualités ou des désordres coupables; les livres saints disent en ce sens : Que les justes ont l'impie en abomination, et qu'ils haïssent les ennemis de Dieu (2). Il est permis de désirer au prochain un mal temporel dans l'intérêt de son âme, et de se réjouir dans la même intention, des accidents fàcheux qui lui arrivent cela se comprend sans difficulté, puisque dans ces circonstances le mal temporel lui devient l'occasion d'un bien réel et précieux.

A ce précepte sont encore opposées la discorde qui détruit l'union des cœurs, et la contention qui blesse, irrite le prochain par des contradictions vives et désordonnées. On compte enfin parmi les oppositions à la charité le schisme, en grec axiaua, qui signifie scission, rupture, séparation. Il consiste à refuser l'obéissance due aux pasteurs légi

(1) Joan. Ep. 1a. 3.

(2) Prov. 19.

times, ou à se séparer de la communion des fidèles, pour le culte religieux, le sacrifice, la prière publique, les sacrements, avec l'intention au moins indirecte de sortir de l'unité de l'Eglise. On le nomme composé, quand il est joint à l'hérésie, si l'on refuse, par exemple, d'obéir au souverain pontife en niant sa primauté sur l'Eglise. Tel est le schisme des Grecs, qui les rend hérétiques dans l'hypothèse même qu'ils admettent tous les autres dogmes de la foi. Il sera pur et simple, si l'on se borne à la séparation, en maintenant toutes les croyances catholiques. « Le schisme est un péché très-grave et spécial, dit saint Thomas, en ce qu'il renferme l'intention, au moins indirecte, de se séparer de l'unité catholique formée par la charité. Elle joint les membres par les liens de l'amour, et toute l'Eglise dans l'unité d'esprit » (1). «Et quiconque, écrivait saint Augustin, se séparera de l'Eglise, il n'aura point la vie, mais la colère de Dieu s'établit sur lui (2). »

Il nous reste enfin à dire quelques mots sur le scandale, dernière opposition à la charité envers le prochain. Scandale,du grec exávdav, nous donne σκάνδαλον, l'idée d'un obstacle placé de manière à faire tomber sur un chemin. Si quelqu'un, dit JésusChrist, est un sujet de chute ou de scandale à un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une de ces meules qu'un

(1) Quest. 22 et 39.

(2) Ep. 152.

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