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áne tourne, et qu'on le jetát au fond de la mer. Malheur à celui qui est l'auteur du scandale (1)! Et, suivant cette figure, nous appelons scandale tout empêchement, tout obstacle, qui peut devenir pour le prochain une occasion de chute dans la voie du salut. « C'est, dit saint Thomas, une parole, une action qui, privée au moins en apparence de la droiture qu'elle devrait avoir, donne au prochain occasion de tomber dans le péché. » Il est hors de doute qu'on offense Dieu mortellement, lorsqu'on se livre à une action dans le dessein de porter le prochain à une faute grave, en influant sur sa volonté, soit pour lui nuire, ce qui serait satanique, soit pour notre propre satisfaction. Dans ces circonstances, le scandale est appelé direct; on le nomme indirect, lorsque, sans avoir l'intention de porter au mal, on fait librement une action dont on peut et dont on doit prévoir que le résultat exposera le prochain à offenser Dieu. C'est en ce sens qu'on explique ces paroles de saint Paul dans la question des idolotites: Or, péchant de la sorte contre vos frères, et blessant leur conscience qui est faible, vous péchez contre Jésus-Christ (1. Cor. 8).

Il arrive souvent qu'on est en rapport avec des personnes très-faciles à se scandaliser par faiblesse ou par malice. Nous ne sommes obligés, dans ce dernier cas, ni à omettre ni à différer une action bonne, utile, lorsque nous avons quelque

(1) Matth. 18.

motif particulier de l'accomplir en cette circonstance. C'est ainsi que le Sauveur se conduisait à l'égard des pharisiens. Laissez-les, dit-il à ses disciples, qui lui faisaient observer combien ses paroles avaient scandalisé ces hommes méchants et orgueilleux.

Mais la charité nous impose à tous l'obligation de ménager les faibles, en différant nos actions jusqu'à ce que l'occasion de les faire tomber ait cessé par l'explication officieuse de notre conduite, ou par quelque autre circonstance, en différant, dis-je, et même en omettant tout ce qui est de conseil ou indifférent en soi; cependant, il est fort rare qu'on puisse être dispensé par cette condescendance d'accomplir un précepte naturel ou divin. Pour les obligations de droit ecclésiastique, les théologiens disent plus communément que le scandale des faibles autorise à ne les point observer, jusqu'à ce que les circonstances fassent présumer qu'il n'y aura plus occasion de chute pour le prochain.

Résumons ce long entretien dans ces paroles de l'Ecriture, si propres à nous faire connaître le prix de la charité envers nos frères: Ne demeurez redevables à personne que de l'amour qu'on se doit les uns aux autres; car celui qui aime son prochain, accomplit la loi, parce que les commandements sont compris en abrégé dans cette parole: Vous aimerez votre prochain comme vous-même; car l'amour qu'on a pour le prochain, ne souffre pas qu'on lui fasse aucun mal; et ainsi l'amour est l'accomplissement

de la loi (1). Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés de cette sorte, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en

nous.

(1) Corinth. 1a, 13.— Joan. 1a. 4.

QUARANTIÈME ENTRETIEN.

LES DEVOIRS DES ENFANTS ENVERS LEURS PARENTS.

LE D. Après vos considérations sur la charité envers le prochain, j'ai dû me demander si cette vertu était commune dans le monde, où l'on s'occupè cependant, avec grande activité, de bienfaisance et de philantropie. J'en fais l'aveu avec regret; ces motifs surnaturels qui constituent la charité chrétienne nous sont entièrement inconnus. Le dirai-je, à la confusion de notre bienfaisance mondaine? souvent ce n'est même pas l'être souffrant et malheureux que nous avons pour objet en venant à son secours. Car, combien de ces hommes bienfaisants qui ne daigneraient pas jeter un regard sur l'être pour lequel ils sacrifient une pièce de monnaie, qui croiraient s'avilir en rendant un service personnel au misérable étendu sur son grabat, ou en faisant descendre un mot de consolation dans son coeur désolé par le chagrin et la tristesse! Aussi voyez ce qui est jugé nécessaire trop souvent pour obtenir quelque sécours matériel en faveur de l'infortune : il

faut un bal, un concert, une représentation théâtrale, des ventes où les comptoirs sont tenus par des personnes auxquelles on veut être agréable. Sans ces appas de plaisir ou de vanité, les bourses resteront fermées comme les coeurs... Oh! que nous sommes peu dignes dans notre bienfaisance! Loin de pratiquer la charité chrétienne, nous n'arrrivons pas même à l'accomplissement d'un devoir d'humanité!... Pour faire diversion à ces tristes pensées, j'ai besoin de vous entendre développer les doctrines du christianisme sur les préceptes de la seconde Table de la loi divine. Il n'appartient vraiment qu'à la religion de donner ces enseignements de la morale, qui honorent, élèvent l'homme, en le portant à remplir tous ses devoirs d'une manière grande et digne envers son Dieu et son prochain.

LE TH. Je me réjouis bien sincèrement des résultats de la philantropie, lorsqu'ils servent à diminuer la misère du pauvre et à le soulager dans ses souffrances; toutefois, il faut avouer, malgré notre forte inclination à excuser ses œuvres par leurs effets, qu'elles ne s'élèvent jamais jusqu'à la sainteté du christianisme, et que la bienfaisance mondaine ne peut être confondue avec ce sentiment religieux, profond, affectueux et fraternel de la véritable charité. Puisque vous le désirez, commençons donc nos recherches sur le premier commandement de la seconde Table.

Il est exprimé en ces termes, dans l'Exode : Honorez votre père et votre mère, afin que vous vi

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