Page images
PDF
EPUB

me borne à les indiquer ici : nous aurons bientôt l'occasion de nous en occuper à la suite de l'amour du prochain."

Il nous reste à déterminer les époques où les actes des trois vertus théologales deviennent obligatoires. Voici en deux mots les sentiments les plus suivis parmi les théologiens: on est tenu à produire ces actes, lorsque la raison est suffisamment développée, et qu'on a une instruction compétente; si l'on éprouve de violentes tentations contre ces vertus; lorsqu'on a eu le malheur de les violer d'une manière directe; on doit s'y exciter spécialement à l'heure de la mort; il faut encore les réitérer assez fréquemment dans le cours de la vie,pour rendre hommage au Seigneur et entretenir en nous la possession de ces vertus divines. Nous devons aussi en faire les actes analogues aux sacrements que nous avons à recevoir; toutefois qu'on se tranquillise sur l'accomplissement de ces devoirs, ils sont essentiellement renfermés dans la fidélité aux obligations ordinaires d'une vie vraiment chrétienne.

VINGT-SEPTIÈME ENTRETIEN.

LA VERTU DE RELIGION. LA PRIÈRE.

LE D. Dans l'entretien sur les vertus morales, vous avez rattaché la religion à la justice, en renvoyant au Décalogue les explications de cette vertu. Veuillez donc me faire connaître quels en sont les caractères et les obligations.

LE TH. Des théologiens font venir le mot Religion de legere, relegere, lire, relire, examiner avec soin ce qui appartient au culte divin. D'autres le font dériver de reeligere, choisir de nouveau, c'està-dire, nous reporter vers Dieu, le rechercher avec empressement, lorsque nous lui avons préféré sa créature, ou que nous nous sommes rendus coupables de négligence à son égard. Mais selon l'acception la plus commune, religion vient de religure, lier, attacher, car elle est un lien sacré qui nous unit à Dieu; et la prenant en ce sens, les théologiens la définissent une vertu morale qui nous porte à rendre à Dieu le culte qui lui est dû, comme étant le premier principe, le Seigneur souverain, et la fin dernière de toutes choses. La

religion qui règle et perfectionne nos mœurs, en nous portant à des actes honnêtes, louables, n'est pas mise au nombre des vertus théologales dont Dieu est l'objet immédiat. Dans la religion on lui adresse, il est vrai, des actes de piété, qui se font en son honneur et pour sa gloire; il en est la fin; mais son objet direct est le culte luimême qu'elle nous incline à rendre à Dieu.

En recueillant vos souvenirs sur les vertus morales, vous jugerez facilement que la religion se rattache à la justice, en ce qu'elle nous porte à rendre au Seigneur ce qui lui appartient. On la compte seulement entre les parties de cette vertu, parce que nous sommes dans l'impuissance d'acquitter avec égalité, et suivant les conditions d'une justice rigoureuse, ce que nous devons au Créateur. Cependant, ayant le culte divin pour objet immédiat, elle est considérée comme la plus digne des vertus morales, et elle occupe parmi toutes le premier rang.

LE D. Quels actes porte-t-elle à opérer en l'honneur de Dieu ?

LE TH. Envisagée d'une manière générale, toute œuvre bonne, louable, appartient à la religion, en ce sens qu'elle peut être dirigée vers la gloire et l'honneur de Dieu. Il y a néanmoins certains actes qu'on regarde avec raison comme l'objet spécial, immédiat de cette vertu, ce sont la prière, l'adoration, le sacrifice, le vou, le jurement et la sanctification des jours consacrés au Seigneur, Nous allons les exa

miner rapidement, à l'exception du sacrifice dont nous aurons à nous occuper dans l'eucharistię.

Les théologiens définissent la prière une élévation de notre âme vers Dieu pour lui demander des choses convenables; et encore un entretien avec Dieu, où nous exprimons le désir d'obtenir de lui ce qui peut nous être utile. Sans nul doute, le Seigneur connaît nos besoins beaucoup mieux que nous-mêmes, et sa miséricorde prévient nos prières dans bien des circonstances, en nous accordant des bienfaits que nous n'avons pas demandés; par exemple, la grâce de la régénération spirituelle dans le baptême qui nous a fait chrétien. Toutefois, suivant l'ordre de sa divine providence, il exige que nous recourions à lui afin d'obtenir de sa bonté paternelle les moyens indispensables, soit pour recouvrer la sainteté perdue par le péché mortel, soit pour la persévérance dans la justice et la charité; d'où il résulte que la prière est pour l'adulte doué de la raison d'une absolue nécessité. Demandez et il vous sera donné, disait notre divin Sauveur (L. 11); et si vous n'avez pas, ajoute saint Jacques, cela vient de ce que vous ne demandez point. Selon saint Augustin, il est des choses que Dieu accorde sans qu'on les lui demande, comme le commencement de la foi; mais il en est d'autres qu'il n'a préparées qu'en faveur de ceux qui les demanderont, parmi ces dernières doit être signalée la persévérance finale (De Persev. 4).

Indépendamment de ces autorités positives, nous trouvons la nécessité et la pratique de la prière établies par le droit naturel. Où est le peuple chez lequel elle ne soit en usage, où l'homme n'implore la divinité en faveur de sa famille et pour lui-même ? On ne rencontrera une exception systématique dans l'accomplissement de ce devoir, à la fois naturel et chrétien, que là où règne la croyance du fatalisme absolu, incompatible avec toute supplication. Que demander, en effet, à un destin inexorable qui pèse sur le monde? Il n'y a qu'à courber la tête, et à attendre avec résignation ses inflexibles arrêts. Croirez-vous que des chrétiens sont conduits à la conséquence d'exclure toute prière de leurs pratiques religieuses? C'est cependant ce qui découle, par une induction rigoureuse, des principes de la réforme protestante et de la doctrine de Jansenius; car là où il n'y a pas de vraie liberté, il ne peut y avoir de véritable prière; et vous acquerrez la conviction, dans le cours de nos entretiens, que, suivant les enseignements de ces hérétiques, l'homme étant essentiellement dominé par Ja grâce ou par la nature, ou incapable d'autre chose que de pécher, il doit rester passif sous l'action de Dieu, sans lui adresser une prière, ni lui exprimer un désir...; tandis que, selon nos doctrines catholiques, le coupable pourra toujours élever vers le ciel des mains suppliantes, obtenir miséricorde; et le juste trouvera dans la prière une heureuse nécessité de recourir à son

« PreviousContinue »