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reur de leur imagination blessée, que leur amourpropre leur cachent (1).

Terminons, en tàchant de formuler une règle générale de conduite sur les danses et les spec

tacles. A les considérer en eux-mêmes et indépendamment de ce qu'ils sont presque toujours aujourd'hui, nous pouvons dire qu'ils offrent en général quelque danger. Dès lors, les fidèles qui veulent suivre les pratiques de la piété, ne peuvent les fréquenter que dans des circonstances rares, et comme par une nécessité de position. Pour ceux qui tiennent à remplir les devoirs essentiels du christianisme, c'est à chacun de voir s'il trouve, dans ces réunions supposées honnêtes, une occasion prochaine de chute, et alors on sera dans l'obligation de s'en abstenir. Mais lorsque les danses et les spectacles offrent cette immoralité que nous venons de signaler, telle que les plus gens de bien pourraient en étre corrompus, il est défendu de participer, de son argent ou de sa présence, à ces amusements immoraux. Alors même qu'on n'y serait pas exposé pour soi à un péril imminent de pécher, il y aurait toujours mauvais exemple et scandale à y assister.

(1) Max. et Réfl. sur la Com., tom. 37.

QUARANTE-SIXIÈME ENTRETIEN.

LE DROIT DE PROPRIÉTÉ, LE VOL ET LE PRÉT A INTÉRÊT.

LE D. J'ai su apprécier la délicatesse que vous avez mise à m'épargner toute espèce de question dans les matières que vous venez de traiter. Un homme du monde est mal habile et dans un véritable embarras, lorsqu'il a à s'entretenir d'un tel sujet avec des personnes graves; car il ne peut ni en prendre la défense, ni l'approuver, sans blesser les convenances, en même temps que sa propre conscience; et d'un autre côté, il ne se sent pas toujours la force de condamner de sa bouche ce que ses passions lui font subir, et trop souvent rechercher. Du reste, je vous ai écouté avec une attention particulière, et il m'a été facile de reconnaître la vérité de vos assertions sur nos plaisirs profanes. Rassurez-vous, vous n'avez pas exagéré les dangers que nous y trouvons ; ils sont au moins tels que vous les avez signalés. Dieu veuille qu'en rougissant aujourd'hui de mes infirmités, j'aie le courage de travailler efficacement à les guérir! C'est sans doute au sep

tième commandement du Décalogue que vous allez consacrer cet entretien ?

LE TH. Nous ferons quelques considérations sur ce précepte, dont le développement serait immense, comme vous savez, puisque nous pourrions y rattacher toutes les questions de la justice. et de la restitution. Commençons par rechercher en peu de mots, s'il existe un droit de propriété. Le fait lui-même accompli rend ce droit incontestable, manifeste, car chez tous les peuples, on a toujours distingué le mien, le tien, chacun veut qu'on respecte sa propriété, et par là même, il s'impose de respecter le bien d'autrui. L'histoire biblique des premiers temps ne laisse aucun doute sur l'existence de ce droit, que la législation juive est venue confirmer par les dispositions nombreuses qui se lisent dans le Pentateuque et les autres livres de ce peuple. Chez les nations anciennes, à l'exception de Sparte, qui fit un essai court et peu heureux d'une espèce de communauté populaire, la propriété s'est toujours observée et maintenue. Dans l'état actuel de l'homme, il lui faut pour l'exciter au travail, au développement de son industrie, un autre mobile que l'intérêt général de la grande société dont il ferait partie. Aussi y verrait-on nécessairement l'un ou l'autre de ces abus, peut-être les deux à la fois : le despotisme des chefs pesant sur les membres pour en obtenir la tâche journalière, ou l'homme actif, laborieux s'épuisera de fatigue pour le négligent et le paresseux, appartenant comme lui

â cette association, dont son oisiveté ne l'empêcherait pas de recueillir les avantages. Sans parler d'une foule d'autres inconvénients qui en seraient la suite inévitable, que fera-t-on des enfants ? Puisque les parents n'auront aucune propriété à leur préparer, à leur laisser, il faudra qu'ils leurs deviennent étrangers, dès qu'il sera possible de les aggréger à la communauté. Peut-être même les leur arrachera-t-on, comme à Sparte, pour les faire élever suivant le bon plaisir ou l'intérêt des magistrats de la république. Où est alors la famille avec ses devoirs et ses affections sacrées? Elle n'existera plus, on n'aura comme chez les animaux que des mères et des petits, qui une fois séparés ne conserveront aucun rapport avec ceux dont ils ont reçu la vie, ils seront pour eux des étrangers. Voilà où aboutiraient les théories de nos communistes modernes, s'il était possible de les réaliser.

Máis, dira-t-on, n'avons-nous pas aujourd'hui le christianisme avec sa puissante moralisation? Les peuples modernes seront donc plus propres à ce régime de communauté sociale que dans les temps anciens! On s'exagère évidemment l'influence du christianisme, si l'on va jusqu'à lui atttribuer une modification complète, radicale de la nature humaine, en pensant qu'il fait de l'homme un être accompli, qui ne puisse plus faillir. Il n'en est pas ainsi, comme nous en faisons tous les jours la bien triste expérience. Ainsi les partisans de ce système se jetteraient dans une

grande erreur, s'ils prétendaient établir leurs théories sur la perfection -essentielle des chrétiens. Je conviens qu'une communauté peu nombreuse pourra se former parmi eux avec plus de facilité que chez les Spartiates, parce qu'ils s'aimeront les uns les autres, qu'ils se supporteront avec patience et charité, que, d'un autre côté, leurs chefs se montreront en tout les modèles, comme les guides, que ce seront plutôt des pères occupés du bonheur de leurs enfants, ainsi qu'on l'a vu autrefois dans le Paraguay. Cela sera possible, je le répète, dans une société peu nombreuse; mais tenter de l'établir dans une grande nation, ce serait une folie.

Dieu n'a pas imposé cette condition sociale comme une conséquence de sa religion. Le divin législateur des chrétiens n'a changé nulle part l'état politique des peuples pour les astreindre à la communauté des biens; au contraire, nous le voyons sanctionner de son autorité le respect de la propriété Rendez à César ce qui appartient à César (1), disait-il aux Pharisiens. Ailleurs, il parle de la propriété de l'ouvrier, avec lequel le père de famille fait une convention, comme salaire du travail qu'il attend de lui, et le soir venu, il lui dit: « Mon ami, prenez ce qui vous appartient (2). » Entendez encore Jésus-Christ plaçant le vol à côté de l'homicide, qu'apparemment on n'a pas l'in

(1) Matth. 22. (2) Ibid. 20.

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