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tention de justifier aujourd'hui : un jeune homme s'approche du Sauveur et lui dit : Bon maître, que faut-il que je fasse pour acquérir la vie éternelle? Gardez les commandements, lui répondit Jésus-Christ. Quels commandements? Ceux-ci, répartit Jésus-Christ: Vous ne tuerez point... Vous ne déroberez point (1). Et saint Paul nous assure que ni les voleurs, ni les avares n'entreront pas dans le royaume céleste (2). Voici enfin comment saint Jean décrit l'impénitence de certains hommes dans les derniers temps: Et ils ne firent point pénitence ni de leurs meurtres, ni de leurs empoisonnements, ni de leurs impudicités, ni de leurs vols (Apoc. 9).

Qu'on ne se serve donc pas du christianisme comme d'un prétexte, qu'on ne dénature point sa charité pour niveler les conditions sociales et proclamer la loi agraire. La religion impose au riche l'obligation rigoureuse de l'aumône et de prêter à celui qui est dans un besoin passager; elle le menace de la colère divine, des châtiments qui en seront la suite, s'il méconnaît ces devoirs sacrés ; mais en même temps elle défend au pauvre de porter atteinte à la propriété d'autrui ; il se rendrait coupable d'une injustice qui l'excluerait, lui aussi, du royaume du ciel.

D'ailleurs, la plupart des communistes de nos jours ne peuvent invoquer cette influence chré

(1) Matth. 19.

?) 1. Cor. 6.

tienne sur les esprits pour les rendre plus propres à la vie phalanstérienne; eux qui repoussent nos principes pour se jeter dans le panthéisme ou le matérialisme le plus abject, voilà leur dogme; et leur morale, c'est la plus obscène volupté et le cynisme le plus dégoûtant. Vous savez que les Saints-Simoniens ont aussi tâché d'expérimenter leurs théories d'harmonisation sociale, et que bientôt le désordre s'est introduit dans la famille; les fils et les filles ont réclamé contre le Père commun, en lui reprochant de ne pas conformer assez sa gestion aux capacités, et puis certaines irrégularités contre la justice commutative, bien qu'ils l'eussent fait et, acclamé Dieu.

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LE D. A la bonne heure, qu'il y ait un droit de propriété, vous diront nos communistes, il faudrait, pour le légitimer, que les biens fussent partagés également; sans cela, ne protégez qu'une injustice sous l'apparence d'un droit.

Vous

LE TH. Je conviens qu'à l'époque où les familles étaient peu nombreuses, elles dûrent s'établir avec une possession proportionnée aux membres qui les formaient, du moins chacun put satisfaire ses goûts d'extension territoriale. Mais l'inégalité de fortune ne tarda pas à s'introduire, tantôt par des causes indépendantes de toute volonté humaine, comme des épidémies, des dérangements de saisons, et autres accidents funestes; tantôt par inconduite, négligences ou fausses spéculations, ce qui a dû

faire passer les fortunes dans d'autres familles plus heureuses ou mieux réglées. Or, qui pourra dire que l'injustice a amené ces changements, et que la violence ou les préjugés les ont sanctionnés et maintenus? On aurait pu établir comme chez les Juifs que le premier possesseur rentrerait dans ses droits chaque cinquantième année, et qu'ainsi il n'existerait nulle part une aliénation perpétuelle; mais cette règle n'a pas eu lieu ailleurs, et nous concevons combien elle aurait pu nuire au zèle pour le travail et l'industrie, qui n'est efficacement encouragé que par le droit réel de priété perpétuelle.

pro

D'ailleurs, tel est l'ordre établi, qu'on ne peut déclarer avec vérité injuste, ni oppressif, d'où il résulte que les fortunes accumulées sont aussi une propriété légitime qui a un droit sacré au respect, à l'inviolabilité; et y porter atteinte aujourd'hui ou à une autre époque, ce serait une véritable injustice, une spoliation. Le divin législateur des chrétiens recommande aux riches d'être miséricordieux et charitables envers le pauvre, mais sans faire entendre une seule parole de doute sur le droit de leurs propriétés, et sans leur imposer l'obligation de partager leur fortune avec leurs fermiers et leurs voisins.

Et puis, à quoi aboutirait cette répartition d'égalité? combien de temps pensez-vous qu'elle pût se maintenir? L'homme est si faible, si mobile, si passionné que le jour même du partage territorial

et mobilier, l'égalité aurait disparu par les ventes, les dons, le jeu, les prodigalités, et par mille transactions qui se font dans le commerce de la vie. Ce serait donc à recommencer tous les mois, ou au moins à la fin de chaque année comme un réglement de comptes. Malgré tant de belles théories et de discours à grand effet, il faut se résigner à l'inégalité de fortune, comme à une nécessité de notre condition sur la terre; et dès lors une immense possession doit être respectée de tous comme le petit patrimoine du cultivateur ou les épargnes de l'artisan; elle est protégée par le même principe: le droit sacré de la propriété. C'est de la violation de ce droit que vient le vol.

Suivant les théologiens, il consiste à prendre ou à retenir injustement le bien d'autrui. Ce que nous avons dit du droit de propriété prouve suffisamment que le vol est opposé à la loi naturelle qui défend de faire au prochain ce que nous ne voulons pas qui nous soit fait à nous-mêmes. Le droit divin défend aussi le vol par ces paroles de l'Exode : Vous ne déroberez point (20), et par les autres passages des saintes Ecritures que nous venons de citer. On ne doit pas attacher à tout vol une malice grave, ainsi que nous le disions en général des péchés contre la chasteté. Toutefois, les théologiens ne s'accordent pas pour assigner la valeur précise qui rend la faute mortelle. Plusieurs proposent, comme une règle générale, qu'une chose suffisante pour l'entretien d'une per

sonne selon sa condition, ou pour le salaire d'un ouvrier pendant une journée, est une somme notable, et qu'en la lui dérobant on se rend coupable de péché grave; et ils dressent ainsi une échelle de proportion : quatre ou cinq francs pris même à des hommes riches, et en descendant selon les fortunes, jusqu'aux quelques sous enlevés au pauvre qui mendie son pain, ces vols seraient, disent-ils, matière suffisante pour un péché

mortel.

Nous avons supposé jusqu'ici l'objet du vol enlevé tout à la fois. Quand on dérobe par parties peu importantes, voici comment on doit apprécier le péché de ces vols : il est mortel si l'on prend une chose peu considérable avec l'intention d'arriver à une somme notable; et l'acte de ce péché se renouvelle autant de fois qu'il y a interruption morale entre ces vols. Si l'intention n'est pas réitérée, on agira par suite de la première, et alors le même péché mortel se continuera et ne formera qu'un acte. Mais si chaque petit vol est isolé, sans intention d'acquérir injustement une somme un peu importante, il n'y aura faute mortelle que par détention, lorsqu'on s'apercevra qu'on est possesseur d'un bien du prochain en quantité suffisante pour pécher mortellement. C'est dans le commerce en détail qu'on doit trouver plus fréquemment ces petits vols par l'altération des poids ou des mesures. Aussi la législation juive en fait-elle mention pour l'interdire avec sévérité : Vous n'aurez qu'un poids juste et véritable, et il n'y aura

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