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Dieu, comme à un père tendre, afin de recevoir de sa bonté les secours qui lui sont nécessaires pour se conserver dans la justice, et travailler à la perfection de son cœur.

Le principe de la prière détruit, il ne peut exister de véritable espérance. Les destinées se résument en prédestination et réprobation absolues; de là encore, point d'expiation, point de bonnes œuvres, point d'élan vers le Seigneur; on est inflexiblement ce qu'on doit être; la volonté de l'homme ne peut en rien contribuer à modifier l'immobilité de cet état. Voilà d'où peut provenir en partie la stérilité de sentiments, de générosité pour Dieu, cette sécheresse d'enseignement, de pratiques religieuses dans le protestantisme, qui, s'il voulait être conséquent jusqu'au bout, arriverait au fatalisme pratique, essentiellement lié à la rigueur de ses principes. Ah! que la religion catholique s'harmonise autrement avec la condition de l'homme sur la terre! Son dogme de la prière ouvre les cours à l'espérance, établit un délicieux échange de confiance, de bienfaits, de reconnaissance et d'amour entre l'homme et son Dieu. Dans l'infortune, il aura recours au protecteur des malheureux; sous la tyrannie des passions les plus violentes, il sait qu'il peut en triompher par la prière. S'il a eu le malheur d'y succomber, le cœur de son père sera encore accessible à la supplication, qui viendra invoquer sa miséricorde infinie. Vous me direz, sans doute, que la prière est aussi en usage chez les protestants. Oui, ils prient;

mais c'est une contradiction avec leurs principes, une pratique sans résultat possible, puisque l'homme n'est, au fond, qu'une machine vivante, sans libre arbitre, impuissant à toute autre chose qu'à pécher.

LE D. Une doctrine d'où la prière est exclue, inspire l'horreur du désespoir. Aussi ne ferai-je aucune observation sur vos paroles; l'occasion de les examiner se présentera sans tarder. Aujourd'hui, veuillez me fixer sur plusieurs points relatifs à la prière. Que devons-nous demander à Dieu ? Pour qui doit-on prier? Sommes-nous sûrs d'obtenir ce que nous sollicitons? Dans quelles dispositions devons-nous être pour rendre nos prières agréables à Dieu? Enfin, en quelles circonstances ce précepte de la prière doit-il être rempli ?

LE TH. Des mystiques ont prétendu qu'on ne peut faire à Dieu aucune demande déterminée, mais qu'il faut se borner à solliciter d'une manière générale ce que le Seigneur connaît nous être le plus utile pour le salut. Prier autrement, c'était, selon eux, une présomption, un outrage, plutôt qu'un acte religieux. Cette supplication indéterminée peut être, dans certaines âmes, l'expression d'une grande confiance, d'un abandon total à la volonté du Seigneur. On ne doit donc condamner que la rigidité de ces mystiques exclusifs, qui blamaient, comme défectueuse et coupable, toute prière déterminée. Ce mode d'invocation est cependant bien fréquent dans les

saintes Ecritures. Vous connaissez les supplications réitérées des patriarches, de Moïse, de Samuel, de David, et de tant d'autres, dans une foule de circonstances, où ils demandaient au Seigneur des grâces spécifiées. Jésus-Christ nous donne lui-même l'exemple de cette manière de prier, notamment sur la croix, en sollicitant de son Père céleste le pardon de ses bourreaux. Nous voyons enfin cet enseignement pratique dans l'Oraison-Dominicale, où toutes les demandes sont déterminées.

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Parmi les biens particuliers que nous pouvons demander à Dieu, il faut placer au premier rang la vie éternelle, comme terme de nos désirs, et en même temps les moyens immédiats pour y parvenir, ainsi que nous l'apprennent ces paroles du Sauveur Cherchez d'abord le royaume du ciel et sa justice. On ne peut solliciter de la bonté divine les avantages de cette vie périssable, en y plaçant sa fin dernière; mais rien n'empêche d'en faire l'objet de nos prières, dans l'intention louable de les employer à notre sanctification, en remplissant les devoirs de notre état, pour soutenir une vie consacrée à la gloire de Dieu, ou pour nous servir à la pratique des vertus chrétiennes à l'aumône envers nos frères, à la magnificence dans le culte du Seigneur. Il est encore permis de demander ces biens, pour éviter les tentations dont la misère est l'occasion fréquente. C'est peutêtre en ce sens que le Sage disait : Accordez-moi ce qui est nécessaire pour ma subsistance (Prov. 3).

Nous pouvons enfin conjurer le Seigneur de nous envoyer des chagrins, des maladies, la mort même, si nous avons des motifs louables; par, exemple, pour réparer nos fautes, en les expiant dans les afflictions; ou pour entrer plus tôt en possession du bonheur céleste et régner avec Jésus-Christ. C'était le sentiment que saint Paul exprimait par ces paroles desiderium habens dissolvi, et esse cum Christo multo magis

melius.

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LE D. Pour quelles personnes doit-on offrir des prières à Dieu ?

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LE TH. La charité chrétienne ne fait aucune exception; elle nous ordonne de prier pour tous ceux qui sont encore sur la terre; catholiques hérétiques, schismatiques, infidèles, juifs, nous les comprenons tous dans les supplications que nous faisons à Dieu. Priez les uns pour les autres, nous dit saint Jacques, afin que vous parveniez au salut (5). O Timothée, écrit saint Paul à son cher disciple, qu'il soit fait des prières pour tous les hommes (1. 2). Nos ennemis semblent avoir un droit spécial à nos prières, selon ces paroles de Jésus-Christ: Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient (1). Toutefois, on remplira ordinairement ce précepte, lorsque dans les prières qu'on fait pour tous, on n'exclut pas ses

(1) Matth. 5.

ennemis; et l'on ne sera pas obligé de prier spécialement pour eux, à moins qu'on n'ait à surmonter des tentations contraires ou pour d'autres circonstances personnelles. Il est bon d'observer que l'Eglise ne permet pas d'adresser des prières publiques, solennelles, pour les hérétiques et les schismatiques qui ne sont pas dans son sein, excepté lejour qu'elle assigne elle-même, et dans la forme qu'elle indique.

Fondée sur l'Ecriture et la tradition, l'Eglise de Jésus-Christ veut que ses enfants prient pour les âmes du purgatoire Car c'est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés (1).

On ne doit pas prier pour obtenir aux saints la possession du ciel, la gloire essentielle dont ils jouissent. Mais les théologiens parlent d'une glorification accidentelle dans les amis de Dieu, et ⚫ils examinent si elle est susceptible d'accroissement, et si nous pouvons le demander dans nos prières. Ce sentiment soutenu par un grand nombre de docteurs, paraît indiqué dans ces paroles du catéchisme du concile de Trente, relatives au jugement général : « La première raison de la nécessité de ce jugement est que tous les hommes laissent en mourant, ou des enfants, ou des disciples, ou des amis, ou des parents qui imitent

(1) Mach. 2. 12.

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