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la surnaturalité, voici comment je désire vous la faire envisager dans l'ordre actuel, l'homme est destiné à la vision de Dieu dans le ciel, où nous le contemplerons face à face tel qu'il est. Afin de disposer notre âme à cette claire vision de l'essence divine, le Seigneur nous accorde ce don précieux de la grâce, ou plutôt par elle il sanctifie, il orne, élève notre âme, il s'unit à elle, de sorte que, même dès ce monde nous sommes comme dans une participation de la nature divine par la grâce, les vertus théologales et les autres. dons qui l'accompagnent. C'est un commencement de communication de Dieu lui-même qui, se consommera au ciel dans la vision béatifique. Aussi selon les paroles de saint Pierre, Dieu a-t-il accordé à l'homme les grandes et précieuses grâces qu'il avait promises, pour nous rendre par elles participants de sa nature divine (4). Ce qui faisait dire à saint Léon : « Agnosce, ô christiane, dignitatem tuam et divinæ consors factus naturæ (2)... >>>

Ainsi la grâce en sanctifiant notre âme, lui fait contracter avec Dieu une union mystérieuse; il habite dans ceux qui lui sont unis par la charité (3); et comme s'exprime saint Paul, celui qui demeure attaché au Seigneur est un même esprit avec lui (4).

(1) 11. Ep. 1.

(2) Serm. de Nat. (5) Joan. 14.

(4) 1. Cor. 6.

Cette union se perfectionnera un jour dans la gloire de la vision intuitive; et c'est en ce sens que la grâce ne se sépare pas de la gloire, dans les desseins de Dieu, elle y conduit comme à son terme. Mais l'eau que je lui donnerai, disait le Sauveur à la Samaritaine, deviendra en lui comme une source d'eau qui rejaillira jusque dans la vie éternelle (1). Le Seigneur donnera la grâce et la gloire; la grâce, c'est la vie éternelle. Saint Thomas l'appelle le commencement de la gloire, qui élève l'âme jusqu'à la nature divine. Nous disons donc que la grâce possède par sa qualité surnaturelle ces trois caractères distinctifs: elle est au-dessus de l'exigence et des forces de toute créature; elle établit un rapport spécial entre nous et Dieu, comme auteur de la grâce et de la gloire; enfin elle nous unit au Seigneur d'une manière ineffable qui deviendra parfaite par la vision intuitive dans le ciel.

LE D. En quoi consistent ces grâces surnaturelles que nous recevons de Dieu ?

LE TH. Nous nous contenterons de signaler celles qui servent à notre sanctification, la grâce habituelle et la grâce actuelle. La première nous communique la sainteté, ce qui la fait appeler sanctifiante; on la nomme encore habituelle, parce qu'elle demeure dans l'âme tant que l'homme ne la repousse point par sa mauvaise volonté. Elle

(1) Joan. 4. Ps. 83. Rom. 6.

est toujours accompagnée des vertus infuses: de la foi, de l'espérance et de la charité, pour les établir dans l'âme ou les y augmenter. Elle a aussi dans son cortège les vertus morales, parmi lesquelles, vous le savez, les quatre cardinales: la prudence, la justice, la force, la tempérance occupent le premier rang. Elle procure encore à notre âme, ou augmente en elle les dons du SaintEsprit, qui nous rendent faciles les actes des vertus surnaturelles.

La grâce actuelle est accordée à l'homme par manière d'acte ou de motion passagère, dont saint Paul nous donne une idée dans l'épître aux Philippiens, en disant : C'est une grâce qu'il vous a faite, non-seulement de ce que vous croyez, mais encore de ce que vous souffrez pour lui (1). Par ce secours, nos actions deviennent surnaturelles, et sans lui tout s'arrête à l'ordre de la nature, n'a point de vrai mérite aux yeux de Dieu. Nous verrons plus loin que cette grâce actuelle opère sur l'intellect et la volonté de l'homme, ce qui l'a fait appeler par les théologiens grâce de l'intellect

et de la volonté.

LE D. Je désirerais savoir si Adam a été dans cet état surnaturel avant son péché.

LE TH. Oui, nous en avons la preuve dans ces paroles de saint Paul aux Ephésiens: Renouvelezvous dans l'intérieur de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau, qui a été créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables (4). C'est-à-dire, revêtez-vous par Jésus-Christ de cette justice, de

cette sainteté qui ont été la condition du premier homme; ce que le concile de Trente déclare aussi en ces termes : « Si quelqu'un dit que le premier homme, Adam, n'a pas perdu, en violant le précepte de Dieu dans le paradis, cette sainteté, cette justice dans laquelle il avait été établi, qu'il soit anathême (S. 6.) »

QUARANTE-TROISIÈME ENTRETIEN.

CE QUE L'HOMME PRIVÉ DE LA GRACE SURNATURELLE PEUT CONNAITRE ET OPÉRER DANS L'ORDRE MORAL.

LE TH. Les paroles du concile de Trente qui ont terminé le dernier entretien, nous apprennent que l'homme a perdu par sa prévarication, les dons surnaturels dont le Seigneur l'avait comblé. Les descendants d'Adam ne possèdent pas ces biens spirituels, à leur entrée dans le monde, où ils viennent, dit saint Paul, avec la triste condition d'enfants de colère, natura filii iræ. Ils ont besoin d'être régénérés par la grâce sanctifiante, pour devenir justes, agréables à Dieu, et dignes du bonheur destiné aux saints. Mais cette privation des secours surnaturels place-t-elle l'homme dans l'impossibilité de toute connaissance, de toute action bonne dans l'ordre moral? Voilà ce que nous allons d'abord examiner

Les docteurs chrétiens reconnaissent que le péché a altéré dans l'homme l'intellect et la volonté, les connaissances morales, et la tendance vers le bien; mais non toutefois, en ce sens hérétique,

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