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vient la victoire, et non pas de notre propre volonté. Telle eût été l'infirmité de l'homme dans son intellect et sa volonté, si Dieu l'avait abandonné à lui-même après la corruption de sa nature par le péché. On frémit d'horreur à la seule idée de l'abîme de dépravation où il serait tombé dans le cours des siècles, sans le secours de la miséricorde divine, qui est venue le régénérer par la grâce surnaturelle, l'éclairer, le fortifier, le rendre capable des plus généreux efforts, des plus héroïques sacrifices, le faire digne de s'unir à Dieu, de le contempler face à face dans la vision béatifique, et de participer à son éternelle félicité.

QUARANTE-QUATRIÈME ENTRETIEN.

LA NÉCESSITÉ DE LA GRACE.

LE D. Cette grâce surnaturelle est donc essen-. tielle pour le salut, au point qu'on ne puisse jamais être sauvé sans elle?

LE TH. Il en est ainsi, on ne peut être sauvé sans cette grâce. Nous avons vu ailleurs que personne n'obtient le salut que par les mérites de Jésus-Christ notre divin médiateur, ils sont appliqués aux petits enfants par des moyens extérieurs, qui leur confèrent cette grâce sanctifiante avec les vertus habituelles dont elle est accompagnée. La foi actuelle, comme nous l'avons dit en son lieu, est nécessaire aux adultes de même que les autres vertus théologales; or, ils ne pourront jamais avoir cette foi divinement infuse; par les forces de la nature qui, tout au plus, forment dans l'esprit une espèce de croyance humaine, la foi divine jamais, ils ont besoin d'un secours actuel, même pour le commencement de cette foi. Les Juifs demandaient au Sauveur : Que ferons-nous pour opé rer les œuvres de Dieu? L'oeuvre de Dieu est que

vous croyiez en celui qu'il a envoyé (1). Il dit ensuite que c'est par le Père qu'on va à lui, qu'on croit en lui, comme l'explique saint Augustin: Tout ce que mon Père me donne viendra à moi. « Que signifie ce viendra à moi? demande le saint docteur, si ce n'est qu'il croira en moi (2). » Ce qui est encore confirmé par ces paroles sacrées : Personne ne peut venir à moi, simon Père, qui m'a envoyé, ne l'attire. Jésus savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et il disait: C'est pour cela que je vous ai dit que personne ne peut venir à moi, s'il ne lui est donné par mon Père (3). Voici comment s'exprime saint Paul, dans sa lettre aux Ephésiens, sur cette impossibilité de s'élever à la foi par les forces naturelles: C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi; et cela ne vient pas de vous, puisque c'est un don de Dieu. (2). Et dans son épître aux Philippiens: C'est une grâce qu'il vous a faite, non-seulement de ce que vous croyez en Jésus-Christ, mais encore de ce que vous souffrez pour lui (1)..

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Mais le commencement de la foi ne peut-il pas venir de nous, disaient les sémi-pélagiens? Non, répondirent les catholiques; et ils condamnèrent cette erreur comme une suite de l'hérésie pélagienne. Ils leur opposaient ces paroles de saint Paul, qui avaient fait une si grande impres

(1) Joan. 6.

(2) De Prædest. (3) Joan. 6.

sion sur saint Augustin, ainsi qu'il l'avoue dans le livre de la Prédestination: La foi et le commencement de la foi sont véritablement un don de Dieu; car enfin qui vous distingue? Qu'avez-vous que vous n'ayez point reçu de Dieu (1)? Nous ne sommes pas capables de former de nous-mêmes aucune pensée (dans l'ordre du salut); mais c'est Dieu qui nous donne ce pouvoir par la grâce (2). « Donc, en toute bonne oeuvre, disait saint Augustin, qu'il s'agisse de la commencer ou de l'achever, notre suffisance vient de Dieu; ainsi personne n'est capable, par ses forces, ni de commencer, ni de perfectionner la foi en lui-même; mais notre suffisance vient de Dieu (3). »

Nous résumerons ce qui vient d'être dit par les citations de deux conciles, qui expriment d'une manière formelle l'enseignement de l'Eglise sur la foi et le commencement de cette vertu théologale. «Si quelqu'un dit que l'homme peut, sans l'inspiration du Saint-Esprit, et sans son secours, croire, espérer, aimer ou se repentir, comme c'est nécessaire pour obtenir la grâce de la justification, qu'il soit anathême (4). » « Nous jugeons contraire aux dogmes apostoliques, avaient dėjà déclaré les Pères d'un concile d'Orange, celui qui ose affirmer que le commencement de la foi est

(1) 1. Corinth. 4.

(2) 11. Corinth. 3.

(3) De Prædest.

(4) Conc. Trid. S. 6.

en nous naturellement, et non par le don de la grâce, c'est-à-dire, par l'inspiration du SaintEsprit (1). ›

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LE D. Ce que vous venez de dire concernant la nécessité de la grâce pour la foi, s'applique-t-il aussi aux actions, de sorte qu'aucune œuvre, quelque bonné qu'on la suppose d'ailleurs, ne puisse servir en elle-même pour le salut, si elle n'a cette grâce pour principe?

LE TH. On doit appliquer aux œuvres ce que nous disons de la foi sur cette nécessité de la grâce, comme vous le verrez facilement par quelques citations de l'Écriture et des Pères de l'Église: Je suis le cep de la vigne, nous dit le Sauveur, et vous en êtes les branches. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits, car vous ne pouvez rien faire sans moi (2). Personne ne peut dire le Seigneur Jésus, sinon par le Saint-Esprit (3). Nous ne sommes même pas capable de former une pensée salutaire (4). J'ai une ferme confiance, écrivait saint Paul aux Philippiens, que celui qui a commencé en vous la suinte œuvre, l'achèvera et la perfectionnera; car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, selon qu'il lui plaît (5). Nous sommes son ouvrage, dit le même apôtre aux Ephésiens, étant créés en Jé

(1) Arausic. 2.

(2) Joan. 15.
(3) 1. Cor. 12.

(4) Cor. 2. 3.
(5) Cap. 1 et 2

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