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se dire: Je présume que Dieu ne veut pas m'accorder telle grâce; je vais donc cesser de la lui demander.

LE TH. Pour répondre à ces questions, il faut connaître la nature de la grâce demandée. Si elle est nécessaire pour le salut, qu'on ne cesse jamais d'en faire l'objet de sa prière; Dieu finira certainement par l'accorder, et on serait coupable, si on se lassait dans cette supplication commandée à la fois par un précepte positif et naturel. S'il s'agit d'une chose en dehors des règles ordinaires, qui nous paraît utile pour le salut, après l'avoir sollicitée quelque temps, il est permis de s'arrêter, et de croire que Dieu veut nous sanctifier par une autre voie. Il en sera de même d'une grâce temporelle, lorsque nous en aurons fait la demande à Dieu avec la modération qui convient à un chrétien fidèle. Nous pouvons croire qu'il juge plus utile pour notre sanctification de ne point accorder ces avantages, et alors il sera permis de ne plus insister, sans craindre d'aller contre la volonté du Seigneur. Telles sont les principales conditions requises pour que la prière soit agréable à Dieu, et efficace pour nous.

LE D. Peut-on préciser les circonstances où la prière devient obligatoire; car il n'est pas possible de prier toujours, comme semblent l'indiquer ces paroles de l'Ecriture: Priez sans interruption (1).

(1) Thess. 5.

LE TH. Vous avez raison, on ne peut prier continuellement, en proférant des paroles ou en pensant à Dieu pour lui adresser des demandes. Mais ce n'est pas ainsi que vous devez entendre ces mots de l'apôtre, non plus que ceux-ci de notre divin Sauveur: Il faut toujours prier (1). Des théologiens disent que le sens de ces paroles consiste à être dans la disposition constante de prier toutes les fois que le précepte obligera. D'autres, c'est le sentiment le plus suivi, y trouvent l'obligation d'une prière fréquente. Il en est qui se contentent de la relation générale de nos actions. On dit enfin que le désir de se trouver constamment uni au Seigneur est suffisant pour cette prière continuelle; car, ne pouvant se réaliser que par sa grâce, on est censé la demander sans discontinuer. Ce sens paraît exprimé dans ce passage de saint Augustin: « Désirons toujours d'obtenir la vie éternelle de celui qui seul peut la donner, et notre prière sera continuelle. Votre désir, c'est votre prière, et s'il est continuel, vous priez aussi sans interruption (2).» Vous comprenez sans doute en quoi peut consister la continuité de ce désir. Il n'est pas nécessaire d'en être dominė sans interruption; il suffira de le conserver au fond de notre coeur,et de le laisser influer sur nos actions. Vous vous en ferez une idée assez juste en comparant le chrétien au navigateur, qui,

(1) Luc, 18.

(2) In Ps. 37.

pressé du vif désir de revoir sa patrie, dirige toutes ses manœuvres vers ce port fortuné. Il n'aura pas toujours dans l'esprit l'idée de son pays, mais elle s'y présentera fréquemment; par le fait, il ne s'occupera que du bonheur de le retrouver, puisque toutes ses actions tendent à ce but.

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Voici, selon les théologiens, dans quelles circonstances particulières ce précepte doit être rempli : lorsqu'on a une grande tentation à combattre. Veillez et priez, disait le Sauveur, pour ne pas tomber dans la tentation (1). Il faut prier alors, afin que la faiblesse ne succombe pas. «Orandum ne succumbat infirmitas (2). Lorsqu'on doit s'exciter à la contrition de ses péchés, dans un danger de mort pour soutenir le dernier combat contre ses ennemis; quand on veut recevoir un sacrement, la prière devient encore nécessaire pour demander à Dieu les dispositions dont on a besoin. Avant d'entreprendre une affaire de grande importance, la prudence commande de recourir aux moyens qui peuvent nous éclairer sur nos projets, et les conduire à bonne fin. İl existe enfin une obligation de prier pour le prochain, qui sera plus ou moins urgente, selon la nécessité spirituelle qu'il éprouvera.

(1) Matth. 26:
2) Aug. in Joan.

VINGT-HUITIÈME ENTRETIEN,

LA PRIÈRE VOCALE ET L'ORAISON.

LE D. De quelle nature doit être la prière pour accomplir le précepte? La faut-il extérieure, ou suffit-il de prier intérieurement?

LE TH. Il y a en effet, comme vous l'indiquez, deux sortes de prières; l'une, purement intérieure, qui se fait dans notre âme, sans être produite au dehors; elle porte le nom d'oraison mentale; l'autre extérieure, manifestée par des paroles, et nommée pour cette raison prière vocale; mais celle-ci doit être accompagnée de dispositions spirituelles; sans cette condition, elle ne serait qu'un mouvement des lèvres, qu'un vain murmure dont Dieu ne pourrait être honoré. Y a-t-il un précepte formel de prier vocalement? L'oraison mentale est-elle d'obligation essentielle? Voilà, je crois, ce que renferment vos questions. Non, il n'existe pas de commandement spécial, rigoureux, de la prière vocale pour les fidèles, et ils rempliraient absolument le précepte, en priant

dans l'esprit et dans le coeur. Toutefois, il est utile de formuler de temps en temps ses prières par des expressions, pour s'exciter à la ferveur, à la dévotion intérieure; car, composé d'esprit et d'organes, l'homme trouvera souvent dans cet exercice un moyen puissant pour se porter avec plus d'ardeur au culte de Dieu, et lui faire l'hommage entier de sa nature, de toutes ses facultés, en les lui consacrant dans la prière vocale. Telle est, pouvons-nous dire, sa constitution, que les sentiments de son âme se produisent comme d'euxmêmes par la parole et d'autres signes naturels, dèslors il ne doit point en réprimer la manifestation, à moins qu'elle ne devînt, dans son acte de piété, un sujet de trouble, de préoccupation pour son esprit; il faudrait, dans ces circonstances, faire des efforts pour l'arrêter, et se borner à l'oraison mentale.

Cette prière a été en usage dans tous les temps, même pour le culte personnel, le seul dont il s'agit ici, et nous la voyons mentionnée parmi les pratiques des Juifs, dans Osée, qui l'appelle le sacrifice des lèvres (14), et dans l'exemple que nous en donne la mère de Samuel. David parle aussi fréquemment de cette manière de prier, ainsi que vous avez dû le remarquer dans les cantiques de ce roi prophète. Le Nouveau-Testament a sanctionné cet usage de la prière vocale, d'abord par cette recommandation du Sauveur : Dans vos prières, ne prononcez pas beaucoup de paroles, à l'exemple des Gentils. Orantes autem no

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