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gratuite, absolue, et montrent assez clairement que Dieu n'a décrété de glorifier avec JésusChrist, que sur la prévision des mérites qu'on aura acquis, aidé de la grâce, par les souffrances et les bonnes œuvres.

Voulez-vous savoir ce que les docteurs les plus célèbres pensent de cette prédestination? Ecoutez d'abord saint Jean-Chrysostome, commentant ces paroles du souverain juge : « Venez, les bénis de mon Père, possédez, etc., etc. Quel est le motif de cette sentence, le voici : J'ai eu faim, vous m'avez donné à manger, etc., et avant que vous fussiez nés, je vous ai préparé ces biens, parce que je savais que vous seriez tels, que vous feriez ces œuvres (1). » Saint Ambroise, prenant le fameux texte de saint Paul: Ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a prédestinés à étre conformes à l'image de son Fils: prenant, dis-je, ce texte dans le sens de la prédestination à la gloire, s'exprime ainsi : « Il n'a point prédestiné avant de connaître par sa prescience; mais il a prédestiné la récompense de ceux dont il a prévu les mérites (2).» « Ce n'est pas l'élection qui précède la justification; mais la justification est avant l'élection (3); » en d'autres termes la prédestination. est fondée sur la prescience de la justification. La prédestination envisagée de cette manière

(1) Homil. 3.

(2) Lib. 5. de Fide.
(3) S..Aug. ad Simpl.

n'offre pas, comme vous le disiez, de difficulté insoluble, puisqu'elle est formée sur la prévision des mérites qué l'homme acquerra par la grâce. Du côté de Dieu vous voyez éclater sa puissance, sa bonté, sa miséricorde, sa magnificence, en ce qu'il accorde la grâce pour relever l'homme de sa profonde misère, le sanctifier, lui donner les moyens de se rendre digne de la récompense. préparée aux justes qui l'auront aimé et servi fidèlement, et décrétée, fixée, prédestinée de toute éternité à ceux qu'il a prévu devoir correspondre à ses grâces; de sorte que la prédestination particulière vient, non pas de sa volonté antérieure, absolue, gratuite, de sauver, de rendre heureuses certaines créatures, mais de la prévision des mérites de l'homme, aidé, relevé par la grâce surnaturelle du médiateur. Quant à l'homme, vous le voyez recevant de Dieu les moyens du salut, y coopérant à la fois par le secours de la grâce et le libre exercice de sa volonté, et parvenant ainsi à la gloire, qui lui est accordée comme la récompense de sa fidélité. Ce sentiment rend aussi moins difficile ce que nous aurons à dire sur la réprobation.

SOIXANTIÈME ENTRETIEN.

LA REPROBATION.

LE D. Je suis vivement préoccupé de la manière dont vous allez traiter le sujet si effrayant de la réprobation.

LE TH. Tranquillisez-vous, notre enseignement catholique sur ce dogme, loin de jeter l'épou-vante dans nos âmes, vient les rassurer en nous manifestant les trésors de la bonté et de la miséricorde divine; il nous apprend qu'il n'y a point d'autres réprouvés que ceux qui veulent l'être par l'abus de leur raison et des secours de Dieu. Tachons de bien poser la question, nous aurons ensuite plus de facilité à la résoudre.

Existe-t-il de la part de Dieu une réprobation, une condamnation au supplice de l'enfer? Oui, pouvons-nous dire sans hésiter; car comme il y a en Dieu une prédestination, une volonté absolue, un décret formel de donner le royaume des cieux à tous ceux qui y parviennent en effet par des mérites surnaturels; de même il y a une réprobation, un décret de Dieu par lequel il veut

exclure certains hommes du ciel, et les condamner aux supplices de l'enfer, ainsi que nous l'avons déjà vu dans ces paroles de l'évangile de saint Matthieu, adressées aux justes : « Venez, possédez le royaume qui vous est préparé depuis la création du monde; » et dans celles-ci pronon-cées contre les pécheurs : « Allez, maudits, au feu éternel qui est préparé au démon et à ses anges (25). » Il est évident encore que Dieu, par sa prescience, a connu de toute éternité et ceux qui entrent dans le ciel, et ceux qui sont punis dans les supplices de l'enfer.

Mais d'où vient en Dieu ce décret de condamnation? Serait-ce d'une volonté absolue de précipiter certaines créatures dans les souffrances de l'enfer, sans avoir égard à leurs actions? On ne peut attribuer au Tout-Puissant une semblable cruauté; car il répugne à l'idée que nous avons de sa bonté, qu'il donne l'être à la créature intelligente pour l'accabler de malheurs et de désolations non méritées. Ainsi nous pouvons, nous devons affirmer que le décret de condamnation des anges rebelles n'est pas venu de la volonté absolue, antérieure de Dieu, mais qu'il était formé sur la prévision de leur faute. Le Seigneur n'a pu les condamner aux peines de l'enfer, sans qu'ils les aient méritées. Or, nous disons la même chose du décret de réprobation relatif aux hommes; il ne vient point de la volonté du Créateur. Il ne les a pas tirés du néant pour les accabler d'un malheur inévitableet éternel.

Voilà l'enseignement des théologiens catholiques sur la réprobation, si vous considérez l'homme innocent et pur de la tache originelle; alors, il n'eût existé de décret de réprobation que sur la prescience de l'abus de sa volonté, de son péché personnel. Mais par la chute d'Adam, tous les hommes ayant prévariqué en lui, et devant naître dans la flétrissure du péché, Dieu pouvait restreindre les effets de sa miséricorde, en n'accordant qu'à un petit nombre les moyens réparateurs qu'il ne devait à personne. Dans cette hypothèse, le Seigneur, par une volonté absolue et une exception spéciale, aurait exclu du ciel et condamné à des châtiments tous ceux qu'il n'aurait pas compris dans le décret de cette rédemption limitée. Un tel état existe-t-il aujourd'hui, ou bien pouvons-nous assurer que la volonté miséricordieuse de Dieu s'étend à tous, et que la condamnation aux peines de l'enfer exprimée dans l'évangile : Allez, maudits, au feu éternel préparé au démon et à ses anges, ne sera prononcée contre les réprouvés que par suite de fautes qu'ils auraient pu éviter? Telle est l'importante question que nous avons à examiner.

Avant de citer les paroles de l'Ecriture sainte, je veux vous faire observer qu'on doit les entendre de l'état actuel, conséquent à la chute de l'homme, et non pas d'une hypothèse seulement possible, puisqu'elles nous ont été adressées pour notre édification et notre utilité personnelle. Voici comment s'exprime le Seigneur par la bouche du

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