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prophète Ezechiel : « Est-ce que je veux la mort de l'impie; et ne veux-je pas plutôt qu'il se convertisse de sa mauvaise voie, et qu'il vive (18)? Dieu ne veut pas qu'aucun périsse; mais que tous retournent à lui par la pénitence, nous dit saint Pierre (1). Si ce retour est possible à tous, personne donc n'a été formellement exclu de la rédemption de Jésus-Christ. Dieu n'a pas épargné son propre Fils, mais il l'a livré pour nous tous (2). Il y a un Dieu, et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ, qui s'est livré lui-même pour la rédemption de tous (3). Si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts; or, le Christ est mort pour tous (4). Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et qu'ils viennent à la connaissance de la vérité (5). Nous espérons au Dieu vivant qui est le Sauveur de tous les hommes, et principalement des fidèles. D'où vient donc la condamnation prononcée contre les réprouvés? Saint Paul va nous l'apprendre : L'affliction, dit-il, et le désespoir accableront l'âme de tout homme qui fait le mal (6). Chacun sera jugé selon ses œuvres (8). Nous l'apprenons encore de ces paroles du souverain Juge: Retirez-vous de moi, maudits, al

(1) 2o. Epist. 3,

(2) Rom. 8.

(3) I. Tim. 2.

(4) 11. Cor. 5.

(5) 1. Tim. 2. 4.

(6) Rom. 2. 8.

lez au feu éternel. Est-ce par une réprobation absolue, antécédente à leurs œuvres, qu'ils subissent cette condamnation? Non mais parce

qu'ils n'ont pas donné à manger à ceux qui avaient faim, etc.; en un mot, parce qu'ils ont volontairement fait le mal qu'ils auraient pu éviter. Car, disent les pères du concile d'Orange : « Non-seulement nous ne croyons pas que certains soient prédestinés au mal de la part de Dieu, mais encore nous prononçons anathême contre ceux qui oseraient avancer cette impiété. » « Si quelqu'un dit, a défini le concile de Trente, que la grâce ne parvient qu'aux prédestinés à la vie, et que tous les autres qui sont appelés ne reçoivent pas la grâce, parce qu'ils sont de la part de Dieu prédestinés au mal, qu'il soit anathême (1). »

Résumons notre question par ces paroles si claires de saint Prosper : « Ceux qui sont tombés dans le mal, et sont morts sans l'amendement de la pénitence, n'ont eu à subir aucune nécessité de ce qu'ils n'étaient point prédestinés ; mais ils n'ont pas été prédestinés, parce qu'ils ont été connus devoir être tels à cause de leur prévarication volontaire (2). » Ces derniers mots servent à confirmer ce que nous avons dit dans un de nos entretiens, que si un infidèle suivait exactement la loi naturelle, Dieu dans sa miséricorde infinie

ne manquerait pas de lui donner les moyens im

(1) Sess. 6.

(2) Resp. 3.

médiats du salut. Nous pouvons donc affirmer qu'aucun adulte, doué de la raison, ne sera réprouvé, s'il ne s'est rendu coupable de quelque prévarication volontaire contre les lois de sa conscience, ou contre des préceptes positifs.

LE D. Et pour les enfants qui meurent sans baptême, quelle cause de réprobation allez-vous assigner? Pourrez-vous dire aussi d'eux que Dieu a voulu les sauver ?

LE TH. Vous avez dû le remarquer, je me suis abstenu de parler des enfants dans les questions que nous venons d'examiner, persuadé que nous pouvions omettre ce sujet sans trop grand inconvénient; mais puisque vous provoquez des explications, je vais faire en sorte de vous les donner, sans promettre qu'elles seront de nature à vous satisfaire pleinement. En parlant de la prédestination fondée sur la prévision des mérites surnaturels de l'homme, nous n'avons pas pu y comprendre les enfants morts avant l'âge de raison, et purifiés de la tache originelle : il est clair que leur prédestination ne pouvait être fondée sur la prévision de mérites personnels, dont ils étaient incapables, ceux de Jésus-Christ leur ont été appliqués gratuitement, et les ont rendus saints; mais il est des milliers de ces petites créatures qui meurent privées de la grâce de la régénération, qui n'entreront jamais dans le royaume de Dieu, à cause de la souillure originelle, et c'est de ces enfants que vous demandez sur quoi peut être fondée leur réprobation?

Laissez-moi vous faire observer que vous devez mitiger le mot terrible de réprobation, en parlant du sort réservé à ces enfants. D'après l'enseignement catholique, nous croyons qu'ils n'entreront pas dans le royaume de Dieu, qu'ils n'auront pas non plus la vie éternelle, dans le sens que l'entendait Pélage, un bonheur naturel complet, tel que l'aurait obtenu l'homme fidèle dans l'état de nature intègre. Mais ont-ils à subir une peine des sens, même légère, quelle douleur éprouvent-ils de la privation de Dieu ? Ce sont des questions discutées librement parmi les théologiens, chacun est maitre d'opter pour celle qui lui convient, sans que la foi s'y trouve nullement engagée.

Après cette observation, je vous dis sans hésiter, que l'expulsion du ciel pour ces enfants, que leur réprobation, si vous voulez conserver ce mot, ne vient. que de la faute originelle; et comme le péché n'était point dans l'homme primitivement, et que les enfants d'Adam n'en sont souillés que par suite de sa prévarication volontaire; il est évident que vous ne pouvez attribuer le décret de leur réprobation à la volonté divine, antécédente, absolue ; vous devez le dire conséquent à la prévision de la faute du premier homme, et de la privation des moyens que le Seigneur, dans sa miséricorde, a établis pour détruire cette souillure dans la postérité d'Adam.

LE D. Je suis loin d'attribuer à Dieu la volonté antécédente, absolue, d'exclure ces enfants du

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ciel, indépendamment de la tache originelle qui nous vient d'Adam. Je comprends aussi que le Seigneur, en accordant dans sa miséricorde des moyens de réparation et de salut, a été le maître de les choisir et de les appliquer selon sa volonté ; il n'y a donc rien à dire sur le droit. Dieu pouvait restreindre, refuser les moyens de rédemption puisés dans le trésor de ses miséricordes. C'est sur le fait que porte la difficulté. On exagère, on est dans l'erreur, je crois, en étendant à tous les hommes la volonté de Dieu de les sanctifier et de les sauver. Vos explications sur la distribution des grâces m'ont fait comprendre un peu que les adultes sont dans la possibilité absolue de parvenir à la sanctification et au salut, et que s'ils sont réprouvés, c'est à leur mauvaise volonté qu'ils le doivent attribuer; mais il n'en est pas ainsi pour les enfants: incapables de volonté, ils ne peuvent ni refuser, ni désirer les moyens du salut, et s'ils en sont privés, il faut avouer qu'ils n'ont pas été compris dans la volonté de Dieu, concernant la sanctification et le salut de tous les hommes.

LE TH. Vous convenez que Dieu avait le choix des moyens de salut, et pour les adultes, et pour les enfants. Vous savez aussi que la sanctification peut s'opérer dans l'âme des premiers, sans aucun moyen extérieur qui devienne comme le canal ou l'instrument de la grâce sanctifiante. Il n'en est pas de même pour les enfants; Dieu a voulu que la destruction du péché originel et la sanctifica

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