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difier dans ces cas particuliers ? Voilà bien toujours notre manière de raisonner, humaine étroite et égoïste. Sans entrer dans le plan général du créateur de l'univers, nous voudrions qu'il changeât constamment ce qu'il a établi avec tant d'ordre et de sagesse, pour s'occuper de nos intérêts isolés et personnels. « Non, dit saint Thomas, ce n'est point par le défaut de la miséricorde divine que ce remède n'est pas appliqué aux enfants qui meurent dans le sein maternel; mais cela vient de ce qu'ils ne sont pas capables de le recevoir, ne pouvant être soumis à l'action de ceux qui sont chargés de l'administrer.» « Non est, ex defectu divinæ misericordiæ, quod in maternis uteris existentibus remedium illud non exhibetur, sed quia non sunt capaces illius remedii...... quia non possunt subjici operationi ministrorum Ecclesiæ (1). »

En terminant cet entretien, je réprouve et condamne avec toute la sincérité de mon âme les erreurs qui pourraient se trouver dans nos explications si difficiles de la grâce, ou dans les questions. précédentes, comme dans celles qui suivront. Dieu. connaît la pureté de mes intentions en ce travail, mon attachement absolu, inviolable à l'enseignement infaillible de l'Eglise catholique, et ma soumission entière aux décisions du souverain pontife, son auguste chef. Je professe pour ces autorités sacrées la vénération la plus profonde, la plus

(1) IV. Dist. 6. art. 1. ad. 1.

filiale ; j'y suis attaché d'esprit et de cœur, et avec l'aide de Dieu, je les prendrai toujours pour la règle invariable de ma foi. Comme l'orthodoxie de vos sentiments m'est bien connue, je vous associe avec confiance à cette profession de foi catholique.Que la grâce du Seigneur Jésus nous y maintienne toujours fidèles, nous en fasse pratiquer les œuvres, et qu'elle nous conduise par cette voie à la souveraine félicité du ciel !

SOIXANTE-UNIÈME ENTRETIEN.

LES SACREMENTS.

IL EXISTE SEPT SACREMENTS INSTITUES
PAR JÉSUS-CHRIST.

LE D. Vos dissertations sur la grâce me font Vivement désirer de connaître les moyens que l'homme doit employer pour l'obtenir de Dieu, et se sanctifier.

LE TH. J'allais moi-même proposer le sujet que vous indiquez, comme suite naturelle des matières précédentes. Il est facile de comprendre que l'homme n'obtiendra jamais la grâce qu'aux conditions prescrites par l'auteur de ce don céleste, et qu'aucune invention humaine ne peut leur être substituée ; il nous importe donc de connaître ces conditions indispensables, pour nous assurer l'acquisition de ce trésor divin, et l'augmenter en

nous.

Dans tous les temps, la prière faite avec les dispositions convenables, a trouvé accès auprès du Seigneur, et il n'est pas douteux que l'infidèle lui-même, si d'ailleurs il observe la loi naturelle, ne parvienne par cette voie à la possession de la

grâce nécessaire pour le salut. Le pécheur y trouvera la facilité de sa réconciliation, et le juste, la persévérance dans le bien. Mais Dieu ne s'est pas borné pour l'homme à ce moyen de sanctification ; il a daigné se proportionner à notre nature, à la fois spirituelle et corporelle, en nous accordant dans des choses sensibles, comme des instruments symboliques et réels qui communiquent à l'âme ses grâces surnaturelles. Or, cette opération divine se faisant toujours en nous d'une manière mystérieuse, les Grecs appellent mystère ce signe externe pic. On peut dire aussi qu'ils lui donμυστήριον. naient ce nom, parce que dans les premiers siècles de l'Eglise les sacrements étaient expliqués et administrés dans le secret, afin que les infidèles n'eussent pas l'occasion de les profaner, en les tournant en dérision, ou en tachant de les imiter dans leur culte idolatrique,

Chez les Latins, on a appelé ces moyens de salut sacrements, pour exprimer des choses sacrées par leur destination, leur usage, et par les effets sanctifiants qui en résultent. Aujourd'hui on attache la signification suivante au mot sacrement: c'est le signe sensible d'un effet intérieur et spirituel que Dieu opère dans nos âmes pour les sanctifier. Il est très-probable, selon le sentiment de saint Augustin, qu'il a existé parmi les nations un moyen externe de sanctifier les enfants, bien qu'il nous soit impossible de le pré

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ciser.

On ne peut douter que dans le judaïsme il n'y

ait eu plusieurs signes sensibles, qui contribuaient d'une manière quelconque à la sanctification des enfants et des adultes. Pour les premiers, c'était comme la condition à laquelle Dieu effaçait en eux le péché originel, et les seconds y trouvaient une pureté légale, l'occasion de s'exciter à la foi du médiateur, et par suite, comme une manière indirecte de se rendre plus agréables à Dieu. Mais ces applications ou observances extérieures étaient bien différentes de ce que nous appelons sacrements dans le christianisme; car, selon saint Paul, la première loi a été abolie à cause de sa faiblesse et de son inutilité, parce qu'elle n'a rien conduit à la perfection. Mais aussi une meilleure espérance, par laquelle nous approchons de Dieu, a été substituée en sa place (4). La loi n'ayant que l'ombre des biens à venir, et non la solidité des choses, ne pouvait jamais, par l'oblation des hosties, rendre justes et parfaits ceux qui s'approchaient de l'autel (2). « Les sacrements de l'Ancien et du Nouveau-Testament ne sont pas les mêmes, dit saint Augustin, parce que les uns nous donnent le salut, et que les autres promettaient le Sauveur (In Psal. 73). » Ce que nous voyons encore clairement exprimé dans ces paroles du décret pour les Arméniens. « Les sacrements de l'ancienne loi n'avaient pas la vertu de conférer la grâce; ils signifiaient seulement qu'elle nous serait

(1) Heb. 7.

(2) Heb. 9.

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