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lite multùm loqui. Et vous prierez ainsi (1). Offrons dit saint Paul aux Hébreux, offrons

sans cesse,

sans cesse à Dieu, par Jésus-Christ, une hostie de louanges, c'est-à-dire, le fruit des lèvres qui rendent gloire à son nom (2). Ceci s'applique comme un devoir aux personnes consacrées à Dieu; car elles ne rempliraient pas l'obligation de l'office quotidien en le méditant, ou en le parcourant des la récitation est de précepte. yeux;

Dans le culte public, on loue le Seigneur par des psaumes, des hymnes et des cantiques, auxquels le peuple doit participer, selon les usages de chaque église. Rien n'est plus imposant, plus propre à exciter l'édification et la piété que cet acte solennel, cet hommage de milliers de voix et de coeurs qui s'élèvent ensemble vers le Tout-Puis

sant.

LE D. Puisque vous avez cité l'oraison Dominicale, je vous prie de m'expliquer ces paroles : «Ne nos inducas in tentationem, » dont le sens naturel semble faire entendre que Dieu peut nous induire à la tentation; ce qui est me paraît incompatible avec sa sainteté et sa justice.

LE TH. Vous trouverez, je l'espère, la solution de votre difficulté dans la lettre suivante que j'ai eu l'honneur d'écrire au célèbre amiral Duinontd'Urville, en 1841.

(1) Matth. 6, 7. (2) Heb. 13.

Monsieur l'Amiral,

J'ai l'honneur de vous adresser quelques remarques explicatives, concernant les observations que vous faisiez, dimanche, d'une manière si intéressante, sur ces paroles du Pater : « Ne nos inducas in tenfationem. » Vous savez, monsieur, qu'elles ont été prononcées en hébreu SyroChaldaïque, langue usitée à Jérusalem à l'époque de Jésus-Christ; ne possédant plus le texte hébreu de saint Matthieu, nous devons recourir aux traductions pour expliquer son Evangile. Voici donc la version grecque du passage que nous examinons : Καὶ μή εισενέγκης ημάς εις πειρασμόν ; ces paroles sont aussi dans saint Luc, qui a écrit son Evangile en grec (14).

Le sens de la traduction latine et de ces mots : Ne nous induisez pas à la tentation, doit être un peu modifié parle texte grec; car sippet signifie à la fois porter dans, vers et devant, ce qui fera un sens différent dans l'application présente. Car si ne nos inducas in tentationem semble supposer que Dieu puisse nous induire à la tentation, il n'en sera pas ainsi dans cette version du texte grec ne nous mettez pas en face d'une tentation, ne nous faites pas rencontrer une occasion qui offrirait à notre faiblesse un danger imminent de vous offenser.

:

Mais voici une explication plus simple et plus satisfaisante, peut-être. Nous pouvons prendre síoevéry, inducas, induisez, dans la signification la

plus rigoureuse de porter dans, de conduire, de faire tomber réellement dans la tentation, sans altérer en aucune manière la sainteté divine; il n'y a qu'à déterminer le sens de tentation. En français, ce terme exprime très-souvent une idée d'infraction, de péché, de sorte que induire quelqu'un à la tentation, c'est le solliciter au mal.

Vous savez, monsieur, qu'en hébreu sa rendu par Пparov, tentatio, signifie épreuve, condition

הלא צבא לאנוש על ארץ: pénible; Job disait en ce sens

מסה

, a le même sens que tentatio, exploratio; Dieu se rira-t-il des épreuves des innocents: arhapa nos (9). Пupaus est très-fréquemment employé pour exprimer un essai. Tentatio a aussi souvent cette signification. Les tentations qui viennent de Dieu ne sont donc que des épreuves, des afflictions dont l'homme peut retirer de grands avantages pour la sanctification de son âme; aussi est-il dit de Tobie : « quia acceptus eras Deo, necesse fuit ut tentatio probaret te (12). »

Toutefois, le chrétien, qui doit toujours conserver le sentiment de sa faiblesse, demande à Dieu de n'être pas soumis à des épreuves où sa grande fragilité pourrait lui faire trouver une occasion de faute. « Vigilate et orate, disait le Sauveur à ses disciples, ut non intretis in tentationem (1).» Ainsi, des parents qui aiment tendrement

(1) Matth. 26.

un fils, l'unique objet de leurs espérances et de leur bonheur, supplieront le maître de la vie et de la mort de ne point mettre leur faiblesse à une épreuve dont la seule pensée les fait frémir. Cependant, si Dieu frappe le coup terrible, ils se résignent en chrétiens, et souvent ces âmes éprouvées, généreuses et fidèles, finissent par goûter l'onction de ces paroles sacrées : « Gaudium existimate, fratres, cùm in tentationes varias incideritis (1). »

Enfin, si l'on veut entendre par tentationem, ces tentations immorales qui, suivant l'expression de saint Jacques, viennent de la concupiscence et attirent l'homme au péché, nous dirons avec cet apôtre : «< Nemo, cùm tentatur, dicat quoniam à Deo tentatur; Deus enim intentator malorum est; ipse autem neminem tentat, unusquisque verò tentatur à concupiscentià suâ abstractus et illectus (2). » Effrayé à la vue de tant d'ennemis qui le tourmentent au dedans, et l'obsèdent au dehors, le chrétien se tourne vers son Dieu pour invoquer sa puissante et miséricordieuse protection. Intimement persuadé qu'il ne peut être défendu, sauvé sans sa grâce, il le conjure de la lui accorder, de la maintenir, de l'augmenter en lui pour le moment du combat; et il emploie cette expression si énergique, « ne nos inducas in tentationem, »> comme pour lui dire : Seigneur, vous connaissez

(1) Jacob, 1.

ma faiblesse, mon impuissance à me défendre contre les attaques incessantes de mes ennemis, ne m'abandonnez point; ne me retirez pas votre appui, ne me laissez pas tomber, ou plutôt ne me jetez pas dans des tentations funestes; car, me retirer le secours de vos grâces, ce serait m'y précipiter, puisque sans vous je ne puis ni éviter ces tentations dangereuses, ni en triompher. » Ne nos inducas in tentationem » est le cri de l'infortuné suspendu sur l'abîme qui va l'engloutir, si la main bienveillante qui le soutient se retire et le laisse tomber (1).

Je désire, M. l'Amiral, que cette dissertation exégétique, etc.

Ce 11 mai.

LE D. La prière vocale accompagnée des dispositions intérieures qui la rendent agréable à Dieu, sera sans doute suffisante pour l'accomplissement du précepte; car, en vérité, si la méditation était commandée, vous trouveriez bien peu de personnes dans le monde fidèles à ce devoir.

LE TH. Il faut s'entendre sur le mot de méditation. On peut d'abord l'envisager comme un recueillement intérieur qui sert à procurer, ou à faciliter la connaissance de quelque vérité utile ; ensuite, comme un exercice méthodique très

(1) On ne devra pas être surpris des citations renfermées dans cette lettre, en apprenant que M. l'amiral d'Urville était très-familier avec Je latin et le grec,et qu'il lisait facilement la Bible dans le texte hébreu,

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