Page images
PDF
EPUB

Plus tard, s'il y a lieu, on procède à la canonisation (1), avant laquelle on fait encore un examen de la vie du béatifié, des miracles opérés par sonintercession depuis l'acte de béatification, caron exige de nouveaux prodiges pour le décret de canonisation. Le pape prononce ensuite un jugement solennel sur la sainteté du bienheureux, et ordonne de lui rendre un culte public dans l'Eglise catholique... Convenez que toutes ces précautions, ces recherches, ces miracles rendent l'erreur impossible, et qu'avec ces motifs de crédibilité on doit être rassuré sur la sainteté des serviteurs de Dieu canonisés.

Mais nous formons encore notre croyance sur l'infaillibilité même de ce jugement de la canonisation; car étant connu et accepté par les évêques de la catholicité, s'il n'était fondé sur la vérité, l'Eglise de Jésus-Christ, sainte et infaillible, approuverait, accepterait l'erreur, et s'y conformerait en matière de moeurs et de pratiques religieuses. En autorisant le culte des saints, en y excitant les fidèles, en le rendant elle-même depuis les premiers siècles, il faut qu'elle prononce d'une manière infaillible quels personnages en sont dignes. Nous l'avons vu dans le quinzième entretien, l'erreur est incompatible avec ses décisions sur la foi et les mœurs; elle ne peut donc se tromper dans ses jugements relatifs à la vénéra

(1) Ce terme, qui dérive de Kavov Règle, Càtalogue, signifie l'inscription sur le Catalogue des Saints.

9

tion des saints. Telle est la doctrine de saint Thomas, de Melchior-Canus et des plus grands théologiens, exposée par Benoît XIV dans le célèbre ouvrage de la canonisation. Après cela, peu importe que cette décision tire sa vérité ou de l'infaillibilité du pape (c'est mon sentiment), ou de l'adhésion des évêques répandus dans la catholicité; elle appartient à l'Eglise enseignante, et à ce titre, elle devient une règle de certitude pour nos croyances catholiques. Je vous prie d'observer que la béatification n'étant pas une définition, un décret décisif, ne peut avoir la même autorité que la canonisation; nos considérations ne s'appliquent qu'à ce jugement solennel. Voilà ce qui se fait dans l'Eglise depuis la fin du XIIe siècle, pour connaître avec certitude la sainteté des personnages auxquels on rend un culte religieux.

Dans les temps antérieurs, les évêques examinaient le martyre ou la vie sainte des disciples du Christ, qu'on jugeait dignes d'être honorés comme les amis de Dieu. Nous voyons le soin qu'ils mettaient à envoyer des personnes de confiance pour assister au supplice des chrétiens condamnés pour la foi. On recueillait les interrogations, leurs réponses, leurs actions, on signalait leur constance dans les tourments, leur victoire glorieuse, et l'évêque appréciait, jugeait et prononçait, après s'être aidé de tous les moyens propres à l'éclairer. Ce jugement était ensuite communiqué aux évêques voisins, et de proche en proche, il se répan

dait dans les Eglises de la chrétienté. Quant aux serviteurs de Dieu qui ne versaient pas leur sang comme martyrs de la foi, on examinait attentivement leur vie, leurs vertus, et quelquefois le peuple les déclarait saints par acclamations; c'était ordinairement sur des faits miraculeux qui attestaient leur sainteté. Il faut cependant avouer que des abus ont pu se glisser dans ces béatifications particulières, et c'est pour y mettre fin que les papes ont appelé ces causes à leur tribunal, et se les sont réservées.

Alors donc, allez-vous dire, nous ne savons pas d'une manière positive si les personnages honorés comme saints avant le XIIe siècle le sont véritablement? Faisons deux classes de ces serviteurs de Dieu, et plaçons dans la première ceux dont le culte est local, restreint à une ville, à une province. On convient que vous n'aurez pas tous les motifs absolument désirables et positifs pour prononcer avec pleine certitude sur leur sainteté. Mais où trouverez-vous les preuves contraires? les présomptions ne sont-elles pas acquises à la légitimité du culte rendu à ces personnages depuis si longtemps? serez-vous autorisé à blâmer ceux qui les honoreront suivant des traditions locales, remontant à l'époque où ce culte a cominencé? Comment supposer aux fidèles qui les ont invoqués les premiers, de l'imprudence, de la légèreté dans ce témoignage de leur vénération? Les masses ne sont pas faciles à l'accorder sans des raisons puissantes, manifestes, et si un premier mouvement

de surprise le leur arrachait, bientôt elles reviendraient sur leur jugement précipité et le rectifieraient. Au reste, vous vous abstiendrez de ce culte, si bon vous semble, l'Eglise ne vous l'impose pas; mais, encore une fois, vous n'avez pas de motifs suffisants pour déverser le blâme sur ceux qui honoreront ces serviteurs de Dieu.

La deuxième classe se compose de ces personnages qui reçoivent un cuite dans toute l'Eglise, comme les apôtres, certains martyrs, des locteurs, etc., reconnus comme saints et honorés dans la catholicité. Ici, appuyé sur l'infaillibilité de l'Eglise de Jésus-Christ, vous serez certain que ces serviteurs de Dieu ont mérité le culte que nous leur rendons. On pourrait autrement concevoir des doutes sur la pureté de ce culte religieux, - reconnu, pratiqué, recommandé par l'Eglise ellemême, on serait en droit de reprocher à ce tribunal auguste, établi par le divin Sauveur, d'agir avec témérité en portant les fidèles à honorer, à invoquer comme saints des hommes et des femmes qui peut-être ont encouru la réprobation, et la subissent dans l'enfer. Nous croyons, nous affirmons impossible que l'Eglise catholique, la sainte épouse du Christ, la colonné de la vérité, soit exposée à d'aussi injurieuses accusations. Mais, rassurons-nous, elle s'explique suffisamment par sa conduite, sur la légitimité d'un tel culte, dont l'examen et le jugement appartiennent à la morale, aux pratiques religieuses, objets essentiels de son infaillibilité.

TRENTIÈME ENTRETIEN.

LE CULTE DES SAINTS.

LE D. Le culte des saints, dont vous allez parler aujourd'hui, est je crois un point capital de dissentiment entre les catholiques et les protestants; aussi dois-je espérer que vous le traiterez avec tous les développements désirables.

LE TH. Oui, les ministres protestants nous font un crime du culte des saints, et ils nous dénoncent aux ignorants de leurs sectes comine des sacriléges et des idolâtres. Pour être juste envers la plupart de ces messieurs, je suis bien persuadé qu'ils savent apprécier cette terrible imputation, en n'y ajoutant aucune foi. Mais ils ont à subir le systême de la secte, qui leur impose une accusation si capitale contre les catholiques. Leurs religionnaires ont été élevés dans cette croyance, si propre à les tenir séparés de nous; et grande serait leur surprise, si dans le prêche on allait leur avouer qu'il n'y a rien à blâmer dans le culte des saints, et que, jusqu'à ce jour, on a eu le tort de reprocher à l'Eglise romaine ce grief d'idola

« PreviousContinue »