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fait connaître qu'ils appartiennent à la loi naturelle, si vous exceptez la détermination du jour où le Seigneur prescrit de l'honorer. Ils n'ont donc pas acquis, à cette époque de la promulgation solennelle, ni perdu depuis, le caractère de véritables préceptes. Avant le déluge, chez les Juifs, au milieu des nations, dans le christianisme, ils ont toujours été pour l'homme une loi imprescriptible, gravée dans son cœur par ce même doigt divin qui les a tracés à Sinaï sur des tables de pierre.

LE D. Fait-on dans ces préceptes quelques divisions qui en simplifient l'intelligence?

LE TH. Les théologiens les divisent d'abord en préceptes de la première et de la seconde table; l'une contenait les trois commandements relatifs à Dieu; les sept autres, qui nous prescrivent les devoirs envers le prochain, étaient écrits sur la seconde. On divise encore les commandements du Décalogue en affirmatifs et en négatifs. Les premiers ordonnent directement ce que l'on doit pratiquer; ils sont exprimés sans négation, comme : « Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat; Honorez votre père et votre mère. » Les négatifs défendent d'une manière expresse de faire le mal, et sont énoncés avec une négation, par exemple : « Vous ne tuerez point. » Il y a cette différence entre ces deux espèces de préceptes, que les affirmatifs obligent toujours; ce qu'ils commandent demeure prescrit; mais cette obligation ne se pratique pas constamment en tout lieu

ainsi qu'il est facile de le voir dans le respect dû aux parents. Le commandement de les honorer est indestructible sans doute, mais il n'impose pas l'obligation de leur exprimer ce sentiment d'une manière incessante. Les préceptes négatifs, au contraire sont obligatoires partout et toujours; de sorte qu'il n'est permis à personne de faire en aucun temps, ni en aucun lieu, ce qui est défendu par ces préceptes.

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LE D. Après ce préambule sur le Décalogue, vous allez sans doute passer à l'explication de chaque commandement en particulier? Aussi vous prierai-je de me dire, avant toute autre chose, comment le premier précepte, tel qu'il est formulé parmi nous : « Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement, » se trouve si différent de celui que nous lisons dans l'Exode, et que vous venez vous-même de rapporter?

LE TH. Le précepte négatif dont vous parlez, en suppose un autre qui lui est corrélatif, par lequel il est ordonné de rendre à Dieu le culte de l'adoration et de l'amour, ainsi que l'indiquent ces paroles de l'Exode, qui accompagnent le commandement pour le motiver: Je suis un Dieu jaloux...., faisant miséricorde à ceux qui m'aiment et observent mes commandements (20). Or, ce précepte affirmatif de l'adoration était gravé dans le cœur des Juifs; tous le connaissaient et l'observaient encore comme avaient fait leurs pères. On peut même dire que le danger de l'idolâtrie n'aurait pu exister sans la connaissance de l'adoration que nous

devons à Dieu. Il n'était donc pas

nécessaire que le Seigneur l'exprimât dans cette circonstance; la défense d'honorer des dieux étrangers suffisait pour éloigner son peuple des pratiques de l'idolàtrie, auxquelles il se trouvait exposé par les exemples des Egyptiens et des autres nations. Notre formule, qui exprime ce commandement, sert à compléter les paroles de l'Exode, en mentionnant leprécepte affirmatif d'adoration, en même temps que par le mot seul, « Un seul Dieu tu adoreras, elle renferme suffisamment le précepte négatif. Au reste, c'est à Jésus-Christ que remonte cette manière de formuler le devoir de l'adoration et la défense de rendre à d'autres qu'à Dieu le culte souverain. Il est écrit (1), disait le Sauveur vous adorerez votre Dieu, vous ne servirez que lui (2).

Pour ces autres expressions : « Et tu aimeras parfaitemement, » l'obligation qu'elles imposent, fait partie de ce culte, que tous portent gravé dans le cœur. Elle est rappelée indirectement dans le passage de l'Exode que nous examinons; les Juifs connaissaient ce précepte, plusieurs le pratiquaient; il n'était donc pas essentiel que le Seigneur le retraçât à la tête de sa loi. Nous le voyons spécialement mentionné plus tard dans ces paroles du Deutéronome: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes

(2) Deut. 6,

(2) Matth. 4.

vos forces (6). Que faisons-nous donc dans notre manière de formuler le premier précepte? Nous exprimons ce qui le constitue éminemment : l'adoration et l'amour qui, peut-on dire, se confondent, s'identifient, en un sens, puisque la vraie charité sera l'adoration du cœur, inséparable de la parfaite adoration de l'esprit. Aussi le divin Sauveur nous dit-il que le premier, le plus grand précepte, c'est d'aimer Dieu; le second, d'aimer le prochain par rapport au Seigneur ; ils renferment, ajoute saint Paul, l'accomplissement de tous les autres. Nous exprimons donc par ces paroles : « Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement, » ce qui est contenu implicitement dans le premier précepte de la loi écrite; la différence n'est que dans les termes; le fond se trouve absolument le même.

LE D. Après ce que vous venez de dire, je comprends l'identité des deux formules. Nous pouvons continuer l'examen de ce premier précepte.

LE TH. Cherchons d'abord quelle est l'étendue des devoirs que nous impose le culte d'adoration et d'amour; nous verrons ensuite ce qui lui est contraire. Selon saint Augustin, ces devoirs se résument dans la foi, l'espérance et la charité; car c'est la foi qui, en nous élevant à la connaissance de la majesté divine, nous fait rendre hommage à la vérité infaillible qui est en Dieu, en admettant comme vrai ce qu'il lui plaît de nous révéler, alors même que nous ne saurions le comprendre. En plaçant sa véracité au-dessus de notre intelligence, au-dessus de tout entendement créé, nous

le proclamons le vrai, l'infaillible par essence, et nous lui payons, dans notre esprit, un glorieux tribut d'adoration. Par l'espérance, nous témoignons qu'il est le seul bien digne de nos désirs, lui dont la possession seule peut les satisfaire. Aucun bonheur terrestre ne nous paraît comparable à l'acquisition de la félicité qu'il nous promet dans la vision intuitive; et ainsi nous plaçons ce souverain bien au plus haut degré de notre estime, de notre ambition. Nous dépendons de lui comme du principe de notre félicité, confessant que, privés de sa possession, nous ne saurions goûter de véritable jouissance; nous le désirons, nous le recherchons comme notre fin dernière; ce qui est aussi un acte d'adoration. On trouve encore dans l'espérance cette confiance si grande, si légitime, que nous inspire la parole divine, en nous promettant le ciel comme notre récompense, et les grâces pour y parvenir. Il nous l'a promis, disonsnous avec la plus intime persuasion; les hommes peuvent être infidèles à leur parole, mais le Seigneur ne saurait manquer à la sienne; elle est certaine et infaillible. Nous reconnaissons, nous adorons donc à la fois et sa toute-puissance, et sa bonté, et sa fidélité dans ses promesses.

Que dire de cette charité qui nous fait aimer Dieu plus que nous-mêmes, plus que toutes les créatures ; qui nous le fait préférer à tout, à cause de ses perfections infinies? N'est-ce pas lui rendre le culte le plus excellent, et lui offrir en même temps la plus parfaite adoration ? C'est là le culte

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