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tion d'un vou en matière grave, et véniel si elle est légère.

Voilà donc les voeux usités, permis et loués dans l'Ancien-Testament; Calvin et Luther en conviennent avec nous. Ils accordent que dans la loi il est permis de faire des voeux pour éviter le péché, s'exciter à remplir avec plus d'ardeur les devoirs de piété et de charité. Mais ils regardent comme illicites et impies les engagements qu'on s'imposerait pour des choses non prescrites, parce que de tels voeux sont, disent-ils, opposés à la li berté chrétienne. C'est là une singulière restriction en l'honneur de la liberté évangélique! On pouvait honorer Dieu dans l'ancienne loi en s'imposant des bonnes œuvres non commandées, et * aujourd'hui un tel acte serait devenu un péché! Le christianisme sera donc au-dessous de la synagogue, puisqu'on lui interdit ces actions de générosité, de dévouement libre, qui aux yeux mêmes du simple bon sens élèvent et perfectionnent le culte de Dieu !

L'Evangile ne fait pas mention des vœux d'une manière explicite, il est vrai; mais vous ne pouvez tirer de ce silence aucune induction contre ces engagements sacrés. Ce qui est moral, conforme à la loi naturelle n'a pas besoin de la sanction des livres saints; d'ailleurs il en est fréquemment parlé dans l'ancienne loi, comme nous venons de le voir; on ne peut nier que le vœu n'appartienne à la morale, qu'il ne soit un acte spontané et louable de la part de l'homme. Il n'a donc pas

été abrogé avec les cérémonies légales, et il a dû conserver parmi les chrétiens le même caractère de bonté, à moins que la nouvelle loi ne le déclare illicite, défense qui ne se lit nulle part.

le

Nous voyons au contraire saint Paul lié par vœu du Nazaréat, qu'il va accomplir à Jérusa lem (1). Le même apòtre dit à Timothée de ces jeunes veuves qui voulaient se remarier, qu'elles ont violé leur premier engagement; ce qui s'entend d'un vœu de continence, comme l'enseignent les Pères de l'Eglise, et entre autres saint Augustin, dont voici les paroles : « Que dit l'apôtre de ces femmes qui s'étaient engagées par vou, et n'y avaient pas été fidèles? Elles sont coupables et condamnées (2). Quel vou ferons-nous à Dieu, dit encore cet illustre Père... Il en est qui font vœu de chasteté...» Au III° siècle Tertullien appelle les vierges, les épouses du Seigneur, consacrées au siècle futur, et qui ont mis un sceau à leur chair par le vœu de continence (3). « Si par un enagement g de fidélité, écrivait saint Cyprien à Pomponius, elles se sont consacrées à JésusChrist; qu'elles persévèrent en vivant dans la pureté et la chasteté (4). » Ailleurs il regarde l'infidélité d'une vierge comme un adultère commis contre le Christ. Ce qui suppose évidemmeut une

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promesse de chasteté. Dès le commencement du IVe siècle le concile d'Elvire ordonnait de refuser pour toujours la communion aux vierges infidèles aux engagements contractés avec Dieu. Et les Pères du concile d'Ancyre, tenu en 313, décidèrent que toutes celles qui violeraient leur profession de virginité, seraient punies comme les bigames.

Ce n'est donc pas saint Basile, ainsi que le disent les protestants, qui a introduit les vœux en Orient dans le IV° siècle: ils y étaient en honneur avant cette époque, et s'y sont toujours maintenus depuis au milieu du schisme et de l'hérésie. En Occident on les voit en usage dès les premiers siècles, du moins dans la vie ascétique, comme l'indiquent suffisamment les Pères que nous venons de citer. A leur témoignage nous pouvons joindre ce qui se passait du temps de saint Ambroise il relevait les avantages de la virginité, au point que les parents empêchaient leurs filles d'aller entendre les discours du saint évêque, de crainte qu'elles n'en revinssent, déterminées à se consacrer à Dieu.

Il est probable que les voeux se faisaient déjà en Occident avant le Ve siècle dans la vie cenobitique; cependant il n'y avait pas encore de règle commune à cet égard, et c'est, dit-on, saint Benoît qui les y a fait entrer, comme une des conditions principales de l'état religieux. C'est donc contre la pratique des premiers siècles de l'Eglise, et des temps postérieurs, que les protestants ont

déclaré illicites et impies les voeux dont l'objet n'est pas prescrit; car on a toujours vu des chrétiens prendre devant Dieu l'engagement sacré d'observer les conseils évangéliques. Luther luimême avait fait les voeux solennels de religion, apparemment sans se croire coupable d'impiété ; aussi doit-il paraître un peu suspect en ces inatières, car il est possible de penser que ces liens sacrés le gênaient (1), et que ses déclamations 'tardives contre le vœu de continence et les autres, 'sont l'effet de ses passions plutôt que de son juge ́ment et de son zèle désintéressé pour ce qu'il appelle la liberté évangélique.

LÈ D. On ne peut nier la pratique constante 'des vœux dans l'Eglise catholique, c'est un fait incontestable : je ne vois pas aussi clairement la légitimité ni les avantages de ces engagements. D'abord n'est-ce pas à l'homme, si faible aujourd'hui, une grande témérité de contracter ces obligations effrayantes? puis, quels avantages peuvent-elles offrir? une vertu pratiquée librement ́ne sera-t-elle pas plus agréable à Dieu qu'une action dont nous n'avons plus le choix? Enfin, je ne vois pas quelle utilité la religion et la société peuvent retirer de la vie cénobitique et religieuse.

LE TH. Je suis bien aise que vous ameniez l'occasion de dire quelques mots sur ces préjugés

(1) Il a fait cet aveu plus d'une fois. Enfin il épousa une religieuse qu'il avait fait sortir de son couvent pour la catéchiser.

on

si répandus dans le monde contre la pratique des vœux et la vie religieuse. Oui, sans doute, nous sommes tous bien faibles par nous-mêmes; et si l'homme avait à compter sur ses propres forces pour accomplir des engagements si graves, pourrait lui adresser à bon droit le reproche de témérité. Mais quand on prend la résolution généreuse de se consacrer à Dieu par des voeux, on a confiance en sa grâce, et cette confiance n'est jamais trompée. Ce n'est pas le moment de parler ici de la force de ces secours surnaturels, il en sera question ailleurs. En attendant, ajoutez foi à la parole de Jésus-Christ, qui dit en général du joug salutaire qu'on s'impose dans sa religion : Qu'il est doux, son fardeau léger, et qu'on y trouve le repos de l'âme (Matth. 11). »

Vous demandez quels peuvent être les avantages du vou? d'abord, celui d'ajouter au prix de nos actes tout le mérite qui découle de la vertu de religion. La continence, par exemple, pratiquée pour elle-même et par des motifs surnaturels, sera agréable à Dieu; mais joignez-y l'engagement du voeu elle est élevée jusqu'au culte du Seigneur, et ainsi elle aura à ses yeux un double mérite, et par conséquent un double droit aux récompenses du ciel. On peut dire encore que le vou, considéré en lui-même est un sacrifice d'adoration offert au Seigneur, notre principe et notre dernière fin. Et dans cet enchaînement de la liberté contre lequel

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