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observa dans les yeux a bilité mêlée de pudeur & a fut vivement ému.

Il vit bien que ni d'Orcilly, ni fa ne croyaient avoir à rougir; & parmi les fées qui s'offrirent à fon efprit, celle à laquel il fe fixa, fut que Mme. d'Orcilly était une fille bien née que l'infortune avait réduite à l'état de Servante chez quelque bon Curé, & qui pouvait avoir encore quelque raifon de cacher fa naiffance. Il lui tardait de démêler le noeud de ce petit Roman.

Après un dîner fimple & bon, où les attentions les plus délicates fe firent fentir fans étude, & avec cette liberté amicale & affectueufe qui ne recherche rien & ne néglige tien; Mme. d'Orcilly, prétextant les foins que demandait fon nouriffon, laiffa Gifors & fon mari caufer ensemble tête à tête.

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Gifors commerça par fe plaindre de ce que, fans l'inftruire de fa réfolution, à fon âge, avec l'affirance de faire fon chemin, fur-tout fous un Miniftre pere de fon ami, il avait quitté le fervice.

Vous venez, lui dit d'Orcilly, de voir la caufe de ma retraite. On peut encore fervir l'Etat, lui dit Gifors, quoiqu'on foit marié. Non pas, Monfieur le Comte, non pas quand on l'eft comme moi. Je refpecte l'opinion fur l'article de la naiffince; la nobleffe eft un fentiment que j'ai toujours eu dans le cœur & qui ne mourra qu'avec moi; & cependant j'ai fait un mariage qui répugne à ce fentiment. Mais il eft des fituations où le vrai noble fe

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allier: telle a été e ne les dis point:

ME les entendre. Vos ca

es trouveraient légeres; eftime ne balance le point

dégrades donc effuyé, non pas des

la alque-là), mais des froideurs, &

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que je n'aurais pas mieux fouffert.

urait infailliblement vu de mauvais œil mon Corps; & fans avoir droit de m'en indre, j'ai fenti en moi-même que je m'en erais plaint. Je n'ai jamais aimé les querelles injuftes; & je n'en veux jamais avoir où le tort foit de mon côté. En vivant retiré, je laiffe à l'opinion tous fes droits & tout fon empire. Mon eftime, à moi, me fuffit, & je ne la perdrai jamais. Enfin, Monfieur le Conte en époufant une Servante, j'ai fait ce que j'ai dû; en vivant obfcur avec elle, je fais ce que je dois; & vous voyez que je fuis content.

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Puifque vous me parlez avec cette franchise, lui dit Gifors, je vais rifquer d'être indifcret. D'abord, mon ami, je vous crois incapable d'avoir manqué aux bienféances de votre état fans quelque raifon plus férieufe & plus grave qu'un fol amour; & quoique Mme. d'Orcilly foit jeune & belle; & mieux que belle, ce n'eft point ici, j'en fuis sûr, un mariage d'inclination. Non, ce n'en eft pas un, dit d'Orcilly L'amour a pu le fuivre; mais il ne l'a point précédé.

J'avais penfé, reprit Gifors, que l'état & le nom de votre jeune époufe pouvait être encore un myftere. Non. Ma femme est tout

fimplement la fille d'un bon Laboureur, d'un village voifia de Mantes, & qui depuis a bien voulu, à ma priere, venir faire valoir mes biens. Il s'appelle Vincent Réné.

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Je n'y conçois plus rien, dit le Comte, à moins que..... Il n'achevait pas. A moins, dit d'Orcilly, qu'après l'avoir féduite, je ne me fois fait un devoir de l'époufer? Non Louife ne fut jamais de celles qu'on épouse ainfi. Mon crime' eft à moi feul. Elle en était victime fans en être complice; & c'est ce crime d'un moment, ce crime involontaire que j'ai dû expier. Voici mon aventure, dont je ne déguiserai rien, hormis des noms que je dois taire & que vous n'êtes pas curieux de favoir.

J'étais à la campagne, près de Paris, chez un homme, ou plutôt chez une femme de finance; car le maître de la maison n'en était gueres que l'intendant. La femme était honnête, aimable & bienfaifante. Son unique malheur était de n'avoir point d'enfans; & pour s'en confoler, elle était devenue comme la mere commune des orphelins du voifinage. Mais elle avait plus particulièrement adopté une petite payfanne qui, dès l'enfance, avait perdu fa mere; & après avoir pris plaifir à Ï'élever & à l'inftruire elle le venait tout récomment de la céder, pour femme de chambre, à fa fœur.

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Sa fœur, Madame d'Al**, mariée à un homme d'un état honorable, était une espece de Prude mystérieusement galante, & fi adroite dans fon manége, qu'aux yeux même de fes Amans elle pallait pour une vertu, dont cha

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cun d'eux s'attribuait la gloire d'avoir triomphé. J'eus certe gloire, comme un autre, & je crus l'avoir à moi feul. Je ne fais par quel art imperceptible pour tout le monde & pour moi-même, elle fut m'attirer dans fes filets; mais je me trouvai fon Amant fans prefque avoir fongé à l'être.

La campagne eft, comme vous favez, favorable à ces aventures; & dans cette maifon, tout y était commode. Des corridors tranquilles, où, les lampes éteintes, on fe communiquait fans bruit; des appartemens divifés & diftribués de maniere à concilier pour les femmes la décence & la liberté; des gonds & des refforts fi doux & fi liants que les portes étaient muettes erfin vous favez jufqu'où va la prévoyance des Architectes dans ces recherches délicates; celui de la maifon n'y avait rien négligé.

Ainfi, la nuit, à la faveur de l'ombre & du filence, je faifais la cour à ma Frude; & Le jour pas un mot, pas un figne, pas un regard d'inteligence d'elle à moi. Son honneur était un tréfor dont j'étais le dépofitaire ; & il fal, lait que ce fût moi pour qu'elle me l'eût confi encore ne pouvait- elle s'imaginer comment elle avait eu certe faib'effe; & ma probité feule pouvait juftifier un fi imprudent abandon.

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Je répondais à cette confiance par la plus. fcrupuleufe attention fur moi-même ; & un mois s'était écoulé fans que les yeux même les plus perçans effent apperçu entre nous aucune apparence de myftere. L'heure où j'allais la voir était celle où fa jeune femme de

chambre, Life, dormait du fommeil de fon âge, le plus calme & le plus profond. Je paffais bien près d'elle, mais dun pas fi léger, qu'il n'aurait pas réveillé un malade. La Dame elle-même avait foin de m'ouvrir doucement la porte, & de la refermer lorfque j'étais forti.

Mais un jour (je dis bien, un jour, car l'aube nous avait furpris.) Ce jour donc & à l'heure où le corridor commençait à s'éclai rer, je fortais de chez elle dans un negligé peu décent; lorfque tout à coup je me trouve vis à vis d'un jeune homme, frere de fon mari, & le plus petulant des étourdis de notre fiecle. Il était en vifte de chaffe, un fufil fous le bras, & un chapeau rond fur les yeux. Il s'arrête & il me regarde. Ah! ah! dit-il, je yous y prends. D'où venez-vous ? Qui? moi ? lui dis je tout interdit, je prends l'air; je ne fais, ce que j'ai dans le fang; mais de toute la nuit je n'ai pu fermer l'œil. Je le crois me dit il; mais cette porte s'eft ouverte, & je vous en ai vu fortir. Vous rêvez, lui disje en riant; & j'allais m'échapper. Doucement, me dit-il en s'oppofant à mon paffige. H ne couche là que ma belle - fœur, & Life fa femme de chambre; vous me direz donc, s'if vous plaît, chez laquelle des deux vous êtes introduit. Dans toute autre fituation, j'aurais appris à ce jeune homme à être moins preffant; mais quel bruit, quel éclat n'aurait pas fait notre querelle ! Je pris le ton du badinage. Entre la Dame & la Servante, y a-t-il à ba Fancer, lui dis je? Le feul nom de Madame: d'A'**. vous laifferait-il dans le doute? &

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