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réclamé l'ordre du jour. Aux conférences amicales, M. Reboul fubftituoit un comité général tenu deux fois par femaine.

Suivant M. de Vaublanc, pour qui cette réunjou fraternelle étoit un befoin preffant, elle défendroit mieux la conftitution & la France qu'une armée de 500,000 hommes bien payés, bien difciplinés. Il a réfuté toutes les objections, prouvé que la dignité de l'Affemblée eft dans la fageffe de fes décrets, & non dans les galeries, & ajouté que fi les 300 vouloient, ou devoient, par un événement imprévu, fe transformer de fociété de conférence en Assemblée nationale, il fuffiroit d'ouvrir les portes, d'appeller le préfident & les fecrétaires, & d'avertir le public en faifant battre la générale. Mais M. Grangeneuve a démontré que les députés ne peuvent être dans cette falle que légiflateurs, ou en comité; que des galeries peuplées font de l'effence, conftirutionnelle d'un corps législatif, & fur-tour qu'il y auroit de terribles ir convéniens à émettre dans Í'Assemblée des motions, des décrets préparés dans un lieu de conférence. On lui a dit que les décrets le préparoient aux jacobins ; le faifant une raifon de ce qui n'eft qu'un fléau de plus, il a répondu que les féances des jacobins étoient publiques.

Par une rufe de guerre où brilloit toute fa logique, M. Merlin excluoit de la délibération les 300 pétitionnaires, comme parties intéresfécs, pour que leurs adverfaires décidaffent feuls la queftion avec impartialité. « Les uns, s'eft éerie M. Mouiffet, iront aux jacobins, les autres aux feuillans, moi je viendrai toujours ici, j'y viendrai contempler l'image & me pénétrer des grands principes de Mirabeau, & de la nécek

fité reconnue par lui de combattre les factieux, de quelque côté qu'ils foient & jufquà la moit, » On verra bientôt avec quelle fermeté ce M, Mouiffet les combat.

Enlevant la parole à MM. Saladin, Ifnard Albitte, &c., M. Lacroix a propofé de tenir des féances continues, matin & foir, jufqu'à l'épuisement des travaux des comités. Une épreuve douteufe & l'appel nominal ont fini par donner la priorité à la motion de M. Merlin qui avoit déjà demandé des féances tous les foirs. Une majorité de 371 voix contre 263 a préféré l'abfurde obligation de décréter, pour ainfi dire, jour & nuit, fans prendre le temps de s'inftruire & de réfléchir, à l'orageufe cohue de ces conférences fraternelles, dont, au furplus, les affiliés des deux fexes, à piques & à poignards) des jacobins non-diffidens, ameutés alors autour de la falle, difoient tout haut: nous ne les fouffrirons pas... Point de réunion entre les patriotes & les miniftériels... La nation exterminera les perfides, &c.·

Au milieu d'un vacarme horrible prolongé dans l'Affemblée & dans les tribunes, M. Léopold a ouvert l'avis de cenfurer tout membre qui feroit convaincu d'avoir fiégé ailleurs en qualité de préfident ou de fecrétaire. Las de biailer, M. Grangeneuve a déclaré que l'Affemblée n'avoit d'infpection fur lui que dans la falle, & lui a disputé, dénié jufqu'au droit d'exiger qu'il y vienne affidument. M. Lacroix lui a objecté que le pofte des légiflateurs étoit là & non aux jacobins, que le peuple ne les payoit pas pour fiéger aux jacobins. MM. GrangeThuriot, Merlin & tous ceux de ce parti faifoient un de ces tapages qui étonneroient

neuve,

même aux halles. Nous ne tranfcrirons ici ni les groffièretés ni les injures qui s'échangeoient de tout côté. « Je ne parle pas pour vous, à dit M. Lacroix; mais pour la partie faine de l'Affemblée. » Nouveau tumulte, & les galeries font chorus. M. Ramond a voulu rédiger l'article comminatoire de manière à comprendre les feuillans & les jacobins, en défendant aux députés de perdre le temps des féances dans tout lieu public; M. Charlier a observé que les feuillans n'étoient pas une focité publique. M. de Girardin difoit que cette féance fcandaleufe devoit être un jour de deuil pour tous les amis de la patrie... Après fix heures de pareils débats, M. Mouiffet a retiré fa pétition de conférences amicales, & l'Affemblée excédée d'ennui, de fatigue, eft paffée à l'ordre du jour en fe féparant.

Du vendredi, 24 février.

Le règlement appelle tous les membres à neuf heures. A onze heures l'Affemblée n'étoit pas en nombre fuffifant pour délibérer, & ceux qui brûloient, la veille, du defir de réunion fraternelle & de féances continues, ne s'empreffoient point à venir. Débats fur les moyens de ftimuler la pareffe, appel nominal, remife & enregistre- · ment des cartes, beaucoup de temps gafpillé, tout cela n'a pas même produit une feule cenfare.

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Une lettre de M. d'Auchy, du 22 février annonce que l'attroupement fubfifte toujours à Ourcan, que les grains font conftamment arrê tés, que plufieurs paroiffes fonnent encore le tocfin; que leurs municipalités réunies ont fixé le prix des vacations; les maires à livres par jour s

les officiers municipaux, à 3 livres; les gardiens. des bleds, à so fous; les ouvriers employés à les décharger, à 40 fous; que tous veulent être payés en bled, & qu'ils s'en font déjà diftribués 1400 facs taxés par eux-mêmes à 15 francs.

Au nom du comité de commerce, M. Maffey a lu un rapport & un projet de décret concernant la prohibition de l'exportation des matières premières. La difcuffion s'eft long-temps nourrie des principes de la liberté indéfinie qui réfulteroit de la conftitution jurée; du danger de faire encore tomber le change, déjà fi bas en obligeant les débiteurs de l'étranger à folder en argent ce qu'ils acquitteroient en marchandifes de la crainte de voir l'étranger foutirer bientôt du royaume toutes les matières premières non-ouvrées pour fe payer fans éprouver l'énorme perte des affignats; de la crainte de porter ailleurs les bénéfices nourriciers d'une importation qui n'aura plus lieu, dès qu'on ne vendra plus; de la crainte d'achever de ruiner les propriétaires, en faifant baifler le prix de la vente, par la fuppreffion de toute concurrence des acheteurs du dehors; de la crainte d'engager les Souverains à fermer leurs frontières dès que nous aurons fermé les nôtres, ce qui nous priveroit des matières indifpenfables qui nous viennent de chez eux.

On a décrété l'urgence, & les argumens pour & contre n'ont fait adopter qu'un article de prohibition provifoire, de la fortie par mer ou par terre, des cotons & laines des Colonies Françoifes, des laines filées ou non files, des chanvres cruds, tayés ou apprêtés, des cuirs en vert, on falés & en vett, & des rotailles de peaux & parchemins.

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M. de Narbonne a communiqué des lettres d'adminiftrateurs & de M. Luckner, qui deman dent des indemnités pour les cffigiers de l'armée qui perdent 45 fous fur chaque affignat de s liv. Il a follicité l'Affemblée de s'occuper du rétabliffement des finances, tout au moins aufli intéreffant que tant de dénonciations & qui honorent, fans doute, beaucoup leurs auteurs lorfqu'on fe fouvient de leur nom. » Il a réfuté par la lecture de fes ordres, M. Prouveur, qui l'avoit accufé de n'avoir pas exigé que les élèves. du génie fuffent examinés fur la conftitution crime d'autant plus affreux que M. Prouveur préfère les vertus à la fcience. Le ministre a aussi répondu au reproche de laiffer les régimens manquer de drapeaux tricolors, que l'on va brûler les vieux drapeaux blancs, & que le Roi en deftine l'or à de vieux foldats.

« Mettons bien vite les affignats & l'argent. au pair, a dit M. Cambon; cette opération n'offre plus aucune difficulté. Il n'eft pas de puiflance en Europe qui ait actuellement dans les coffres la quantité de numéraire effectif que contient aujourd'hui notre tréfor national. » Nous croyors! avoir entendu M. Cambon affurer qu'il y avoit 30 millions en or ou en argent; après d'auffi belles affertions, il eft naturel de foupçonner qu'on ait pu mal entendre. Mais les moyens font immanquables; les voici décrétés : il y aura des féances du foir, pour les affaires courantes, tant que les finances feront à l'ordre du jour.

La nouvelle municipalité de Paris eft venue préfenter fes hommages à la légiflature. M. Pétion, maire, a dit dans fa harangue «le moment où nous vivons eft le plus difficile qui fe foit encore présenté depuis l'époque de notre

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