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ment la permiffion de paffer un jour à Paris. « Je ne fais, a dit le Miniftre, par quelle fatalité ils font allés, non pas à la municipalité, mais chez fon chef. Ils m'avoient quitté très fatisfaits, ils devoient & vouloient partir demain... & j'apprends qu'ils viennent de faire une pétition à l'Affemblée!» On a beaucoup applaudi à toutes les furprises du miniftre, & la féance a été levée.

M. de Marbois, ancien Intendant de St. Domingue, & que M. Deleffart, dans fa dernière loterie diplomatique, avoit fait Miniftre Plénipotentiaire à la Diète de Ratisbonne, eft arrivé à Vienne à l'improvifte, le 7 de ce mois. Il n'y a déployé, & ne pouvoit y déployer aucun caractère public. Les Gazettes favent déjà, & vous rendront à point nommé l'objet de fa miffion, fes confidences à l'Empereur, & les réponses fecrettes du Prince de Kaunitz Probablement, M. de Marbois eft chargé d'une miffion particulière du Roi, puisque M. de Noailles, Ambassadeur en titre & en fonctions, peut remplir la befogne courante. La veille de l'arrivée de M. de Martois, un Courier extraordinaire avoit apporté à l'Empereur le refus de fanction, par lequel Louis XVI a rallenti l'ardeur de l'Allemblée Législative, en prévenant qu'on ne dictât un ajournement préfix au Chef de l'Empire, comme un Juge ajourne

une contumace. Cette modération du Roi de France n'a pas redonné, ainfi qu'on le publie, du phlegme à l'Empereur & au Chancelier d'Etat, parce que ni l'un ni l'autre ne l'avoient perdu; mais elle a fait préfumer à Vienne qu'il refte à •P'Empereur encore quelqu'efpoir de n'être pas attaqué. Auffi les troupes, dont la marche et commandée, font encore dans leurs cafernes; on n'a retiré, ni répété les premiers ordres.

Ce feroit montrer un bien profond mépris pour le Cabinet de Vienne, de le fuppofer chancelant à toutes les vacillations de notre politique tumultueufe. La raifon défend de croire qu'il n'ait pas arrêté un plan, & qu'après avoir communiqué fes réfolutions aux principales Puiffances de l'Europe, il fe mette dans le cas de les contremander huit jours après, fur un incident auffi léger qu'un diffentiment de circonftance entre le Roi fans pouvoir, & la Législature toute puiffante; mais la raifon défend auffi de croire à toutes les niaiferies qui rempliffent cette claffe de Journaux, où chaque matin on apprend l'arrivée de so mille hommes, la marche de cent mille autres, des ébranlemens univerfels, des coalitions, le paffage de gros trains d'artillerie par le mont Cenis, au - mois de Février; enfin, tous les détails de la guerre qui va le faire, & dont le

porte-feuille du Prince de Naffau doit rapporter le fecret à Coblentz.

Nous perfiftons à penfer que ni les inftances des Emigrés, ni les chiffres de M. Deleffart n'altéreront le plan formé à Vienne & à Berlin, de garnir fuffifamment les frontières de l'Empire, d'y fuivre nos fureurs, & de répondre par une déclaration de guerre aux premières hoftilités. En s'y préparant fans les provoquer, on gardera une attitude pacifique.

Nous n'aurons pas long-temps à attendre, s'il eft vrai que le Comité diplomatique, la tourbe des Héros de la Majorité légiflative, les Généraux Luckner & la Fayette, appellés ici par M. de Narbonne, & afliftans au Confeil, veulent abfolument que Ja guerre fe faffe. On prétend que les Niniftres projettent de renvoyer, pour le cas préfent, l'initiative à l'Affemblée, qui à fon tour la renverra au Roi. Nous doutons qu'on en vienne à ces politeffes refpectives, étrange prélude de la conquête de l'univers, au nom de la raifon, de la reftauration, de la civilifation, de la liberté. Le Gouvernement fe prépare à entretenir la Légiflature de ces grands objets, dès que fa décifion fera arrêtée, & qu'il aura bien médité fes correfpondances Impériales, arrivées depuis trois jours, & écrites, dit-on, dans un style fort doux.

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La féance de Jeudi dernier a achevé de

manifefter que l'anarchie eft dans le Corps Législatif, autant que dans le Royaume nulle fcène plus bizarre ne s'offrit à l'Obfervateur. Au fein des Affemblées politiques, anciennes ou modernes, connues jufqu'à ce jour, on vit de tout temps des diffentimens d'opinion ou d'intérêt, des Majorités & des Minorités, des difputes plus ou moins véhémentes pour entraîner la délibération; mais, par-tout des Loix précifes, un régulateur invariable, une Police intérieure au - deffus de toute atfeinte, ou une balance des Pouvoirs, enfermèrent ces diffentions dans un cercle impoffible à franchir fans guerre civile. Tel eft fpécialement l'avantage du Gouvernement repréfentatif, fur la Démocratie délibérante. Ici, nous voyons les Repréfentans gouvernés par des Affociations extérieures, & gourmandés par les Spectateurs de fes féances. La Nation des galeries juge la Nation du bas de la falle; les Clubs dictent à leurs Membres les opinions qu'ils doivent défendre dans le Corps Légiflatif ;'enforte que, fi le vou du Club eft extravagant, $& celui de quelques Opinans contraire judicieux & patriotique, les Affiliés défendront de toutes leurs forces les extrava gances. Entre les Jacobins & les Feuillans, ou, fuivant leurs propres définitions, entre les Républicains & les Miniflériels, s'étoit gliffé un groupe, qui s'intituloit indépen

dant. Les faits prouvent qu'en très-grande partie, cette indépendance confifte ordinairement à fe ranger à l'avis du plus fort; mais, du moins, cette claffe n'étant dans l'esclavage d'aucun Club, elle pouvoit quelquefois & utilement déterminer la balance. Cet effet eût réfulté de l'union parfaite, du courage, d'un plan actif dans cette neutralité: alors, elle fût devenue un tiers-Parti fans être Parti, on n'obtient ni confiftance, ni crédit efficace, ni refpect au milieu de Ligues affermies; 40 Affociés ont plus de force que deux cens Membres ifolés fous le manteau de l'indépendance. C'eft apparemment dans le but d'acquérir quelqu'influence, que les Indépendans le ralliant un nombre de Clubiftes, avoient imaginé de se coalifer par des conférences; mais pour y parvenir, ils ont choifi l'expédient le plus ridicule. Siéger le matin dans la falle comme Législateurs, & le foir comme Comités! Transformer l'enceinte des Loix en Clubs de conférences ! Conférer au nombre de 300! Véritablenient, ces Meffieurs y avoient peu réfléchi. La Loi les autorife, ainfi que tous les Citoyens, à fe réunir en fociétés paisibles : quel befoin de jouer le fénat extraordinaire, en differtant dans le lieu même de BAssemblée!-Les Membres du Parlement Anglois font tous Membres de quelque Club; mais jamais les Whigs, les Torys

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