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l'assemblée générale du tribunat, qui l'adopta à l'unanimité de 54 voix. Le lendemain, le tribun Gillet, accompagné de MM. Al

gers des procès aient un terme (Finis sollicitudinis ac periculi litium Cicer. pro Cacina); mais elle ne peut rien sur les ressentiments particuliers que peut faire naître l'application, mème la plus juste et la plus impartiale, de son autorité. Il n'en est pas ainsi des transactions: par elles les procès sont terminés ou avortės; mais ce sont les parties elles-mêmes qui, éclairées sur leurs droits respectifs, se rendent volontairement la justice qu'elles jugent leur être due, ou se determinent, par lassitude ou par générosité, soit à se departir en tout on en partie de leurs prétentions, soit à se relâcher de leurs droits, et à s'affranchir, par des sacrifices offerts et acceptés librement, des peines et des inquiétudes auxquelles une plus longue lutte les eût laissées exposées. Aussi l'effet ordinaire de ces rapprochements est d'etcuffer l'esprit de dissension, si fatal au repos de la société, de réunir des familles longtemps divisées, de renouer d'anciennes amitiés; et plus ce spectacle touchant pourrait se renouveler, plus son influence serait sensible sur les agréments et les douceurs de la sociéte. Il importait done au complément de notre nouveau code civil, que les regles particulières aux transactions vinssent s'y placer à la suite de celles qui doivent fixer nos droits et nos obligations dans toutes les circonstances de la vie, dans toutes les positions ou peuvent nous mettre les chances si variables de la fortune, la nécessite de pourvoir à nos besoins et le légitime emploi de nos moyens, la multiplicité de nos relations domestiques et sociales, les diverses nuances de la possession et de la propriété, la bienveillance ou la confiance de nos concitoyens, et les dispositions de la loi.- Cette importance était d'autant plus grande, que l'uniformite de nos lois civiles ne faisant plus du peuple français qu'une même et grande famille, et leur lecture n'exigeant plus la connaissance d'une langue morte, et des divers idiomes dont on retrouve des traces jusque dans les rédactions les plus recentes des coutumes, chacun pourra les consulter sans être trop obligé de s'en rapporter à la raison d'un autre, et se rendre justice lui-même, s'il est assez sensé pour se détier de ses passions et de celles d'autrui. Que dès lors, ni les contrariétés, ni les differences des lois ci-devant locales, ni l'obscurité de la loi vivante, n'empêchant plus de s'entendre, d'un bout de la France à l'autre, les rapprochements des parties auront bien moins à craindre les divers obstacles jusqu'ici suscites par les scules distances; et les transactions deviendront plus frequentes, du moins entre les parties qui seront de bonne foi, et assez calmes, assez raisonnables pour n'estimer au besoin, dans un ministère étranger, que les lumières et la probitė. Je viens au projet dont presque toutes les dispositions sont implicitement renfermées dans la définition que presente l'art. 2044 — « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou previennent une eontestation à naître. » C'est un contrat: elle doit donc réunir les conditions essentielles pour la validite des conventions prescrites par la loi générale des contrats.

Ces conditions sont, la capacité de contracter, le consentement des parties contractantes, un objet certain qui fasse la matière de l'engagement, une cause licite dans l'obligation (Loi sur les contrats, art. 1108). - La seule condition que le projet ajoute, et qui devait l'être par rapport à la nature particulière de la transaction, c'est qu'elle soit redigée par ecrit; ce qui est infiniment sage; car la transaction devant terminer un procès, c'eût été risquer d'en faire naître un nouveau, que d'en laisser dependre l'effet de la solution d'un probleme sur l'admissibilite ou les résultats d'une épreuve testimoniale. Je vais à présent suivre la marche du projet, article par article; et, dans l'application que vous pourrez faire de chacun à quelqu'une des regles fondamentales etablies dans la loi générale des contrats, vous aurez une nouvelle occasion d'applaudir à l'esprit d'ensemble et d'unité qui a dirige le législateur dans la redaction du grand ouvrage, à la perfection duquel vous avez coopére avec tant de suite et de zele.

20. Pour transiger, dit l'art. 2045, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. » Mais le mineur est incapable de contracter. et son intérêt peut exiger qu'il termine ou prévienne un procès; ce qu'il ne peut faire que par le ministere de son tuteur; d'autre part, le tuteur est comptable de son administration au miceur devenu majeur, et il ne peut cesser de l'être qu'après avoir rendu son compte en forme légale. Cependant l'espèce d'empire on d'ascendant que lui a donne la tutelle sur l'esprit de son mineur, pourrait, même après l'expiration de son pouvoir, lui donner les moyens d'abuser de sa confiance par quelque traité dommageable, consenti à l'aveugle et sans connaissance des résultats de son administration. La loi sur les tutelles a pourvu à l'un et à l'autre cas, et le projet y renvoie sagement (art. 467 et 472). - Les communes et les établissements publics sont essentiellement sous la tutelle et la surveillance du gouvernement ils ne peuven acquérir ni aliener sans son autorisation. I ne doit donc leur être permis de transiger qu'avec son autorisation expresse, et le projet l'exige textuellement.

21. Le sujet d'une transaction est une contestation née ou à naître entre les parties mais une contestation entre des citoyens, à l'occasion d'un delit commis par l'un d'eux, n'oblige l'auteur du délit envers celui qui en souffre un dommage, qu'à la réparation de ce dommag', qui forme ce qu'on appelle son intérêt civil; et cette obligation, déjà résultant du droit naturel, est déclarée par la loi sur les engagements qui se forment sans convention (art. 1382). Cependant tout délit blesse plus ou moins l'ordre public, et sa poursuite ne doit pas dependre de la volonté des simples citoyens Il ne peut donc, sous ce rapport, faire la matiere d'une transaction; aussi la loi en reserve-t-elle la poursuite au ministère public, quelque accord qui puisse intervenir entre les parties sur leur intérêt civil respectif.

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22. La transaction, comme les autres contrats en general, est susceptible de la stipulation d'une peine contre celui qui manquera de l'executer. Cette stipulation a ses règles particulières relativement à son execution; et ces règles sont expliquées avec soin dans la sect. 6, chap. 3 de la loi sur les contrats (art. 1226 et saiv.). 23. La transaction est, suivant sa definition, un contrat qui termine une contesiation née. Cette contestation roule donc sur un ou plusieurs objets connus et determines dès le commencement on dans le cours du litige; et ce sont ces objets, et non d'autres, sur lesquels les parties entendent mettre fin au litige. Une renonciation genérale à tous droits, actions et pretentions, ne doit et ne peut donc s'entendre que de ce qui est relatif au differend que les parties veulent terminer; et telle est la disposition de l'art. 2048 L'art. 2049 ne fait que la développer en des termes plus précis, en statuant que les transactions ne reglent que les differends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifeste leur intention par des expressions speciales on generales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite necessaire de ce qui est exprimė (Iniquum est perjmi pacto id

bisson et Sedillez, porta le vœu du tribunat au corps législatif, et en exposa leɛ motifs (1). Le même jour fut décrété, à la majo

L'art. 2050

de quo cogitatum non docetur. Leg. 9 in fine, ff. De transact). n'en est encore qu'une consequence. « Si celui, y est-il dit, qui a transige sur un droit qu'il avait de son chef, acquiert ensuite un droit, semblable du chef d'une autre personne, il n'est point, quant au droit nouvellement acquis, lie par la transaction antérieure. Il est évident en effet que le droit nouvellement acquis étant, quoique semblable, different de celui sur lequel il a transigé, il ne peut être lie par un acte qui a précédé l'acquisition du nouveau droit. Le droit romain en fournit un exemple dans la personne du majeur qui, ayant transige avec son tuleur sur le compte de sa portion des biens de son père, succederait ensuite à son frère, à qui le même tuteur devrait rendre compte de sa portion dans les mêmes biens, en decidant que le droit nouvellement acquis n'était nullement altéré par la première transaction (Leg. ed in princip.)

24. L'art 2051 établit en termes très-généraux une règle susceptible de diverses applications; il est ainsi conçu: «La transaction faite avec l'un des intéresses ne lie point les autres interesses, et ne peut être opposée par eux. » Ce qui est gèneralement vrai (Leg. 1, Cod. De transact. Legr. 3. ff. eod), une telle transaction étant étrangère aux autres intéressés; mais, dans le cas où il s'agirait d'intéressés tels que des codebiteurs on des cautions solidaires, l'application de cette règle serait sujette à des limitations et à des modifications expliquées dans la loi genérale sur les contrats (art. 1210, 1211, 1285, 1287 et 1288), à laquelle il faut avoir

recours.

25. Jusqu'ici le projet, après avoir défini la transaction, n'a rien laissé à désirer sur les conséquences resultant de sa nature et de son objet. L'art. 2052 consacre son effet entre les parties, en lui donnant la force et l'autorité de la chose jugee en dernier ressort, et la mettant à l'abri de toute attaque sous prétexte d'erreur de droit et de lesion Mais il est d'autres causes qui peuvent la vicier; et ce sont toutes celles qui excluent le consentement, sans lequel nulle convention ne pent subsister. - Ainsi, l'erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation, le dol ou la violence, qui vicient tous les contrats, donnent ouverture à l'action en rescision. Ainsi, une transaction faite en exécution d'un titre nul, à moins que sa nullité étant connue elle n'ait ete expressément l'objet du traité, peut également être rescindée. Telles sont en effet les dispositions des art. 2053 et 2054.

26 Mais il est d'autres cas où elle est entièrement nulle, ou tout au moins sujette à rescision; et ce sont ceux qui peuvent faire anéantir un jugement en dernier ressort, auquel l'art. 2052 assimile la transaction. - Telle est, d'après la disposi tion de l'art. 2055, la transaction faite sur pièces qui ont éte depuis reconnues fausses. Dol d'une part, erreur de l'autre : un accord qui n'aurait pas d'autres elements ne saurait subsister; aussi le projet le déclare-t-il entièrement nul.

27. L'art. 2057 suppose le cas où des parties qui ont eu diverses affaires, voulant enfin en sortir, transigent généralement sur toutes celles qu'elles pouvaient avoir, et viennent ensuite, les unes ou les autres, à découvrir des titres qui leur étaient inconnus lors de la transaction.-Cette transaction pourra-t-elle être attaquee sur ce fondement ? -Le projet distingue: ou ces titres nouvellement décou verts avaient été retenus par le, fait de l'une des parties, ou non. Au premier cas, la découverte de ces titres est un juste cause de rescision, fondée, d'une part, sur le dol de celui qui a retenu les titres, et, de l'autre, sur l'erreur invincible de celui à qui ils ont été caches. Au second cas, l'erreur étant commune, l'acte par lequel les parties ont entendu faire cesser ou prévenir toutes les contestations que pouvaient occasionner entre eux ou leurs heritiers les diverses affaires qu'elles avaient cues ou pu avoir, doit subsister. Il en serait autrement, si la transartion n'avait eu qu'un objet sur lequel il serait constate, par des titres nouvellement découverts, que l'une des parties n'avait aucun droit. Alors l'accord serait nul, parce que ce serait une convention sans cause; ce dernier cas, si diffe ent de celui de l'art. 2037, écartant comme inutile la question de savoir si les titres nouvellement découverts avaient été retenus ou non par le fait de l'une des parties. 28. La transaction serait également nulle, si elle était intervenue sur un jugement passe en force de chose jugée, dont les parties, ou l'une d'elles, n'avaient point connaissance; mais elle serait valable, si le jugement ignoré des parties était susceptible d'appel. Au premier cas, la transaction doit être nulle, soit que l'ignorance du jugement eût été commune entre les parties, parce que toute contestation entre elles ayant cessé à leur insu, elles auraient erre l'une et l'autre sur l'existence de la contestation; soit que l'une des parties eût connaissance du jugement, parce que ce serait de sa part un dol que la loi doit panir. Au second cas, la faculté de l'appel faisant revivre la contestation, aucun doute que la transaction ne fut valable. soit que les parties, ou l'une d'elles, eussent connu ou ignoré le jugement susceptible d'appel.

29. Reste l'erreur du calcul, intervenue dans une transaction, que l'art. 2058 déclare devoir être réparée.-Il est constant en effet que l'erreur de calcul est tonjours réparable, et ne peut être couverte que par un jugement en dernier ressort ou une transaction sur cette erreur (Leg. unicá. Cod. De errore calculi.

Telle est, citoyens mes collègues, le projet de loi sur les transactions. Mais com ment prononcer ce mot dans cette tribune, sans que la pensée se reporte avec une vive satisfaction sur l'achèvement très prochain de notre code civil, qui est luimême la plus grande, la plus utile, la plus solennelle transaction dont aucune nation ait jamais donne le spectacle à la terre ?...

(1) Discours prononcé au corps législatif, par le tribun Gillet (de Seine-et Oise), l'un des orateurs chargés de presenter le vœu du tribunat, sur la loi relative aur transactions (seance du 29 vent. an 12).

30. Législateurs, le principal objet que la loi se propose, en donnant aux citoyens des règles sur leurs intérêts respectifs, c'est de maintenir entre eux, par une juste connaissance de leurs droits, la paix et l'harmonie. Quand cette harmonie est troublée, il est, pour la rétablir, trois moyens ouverts aux parties:

La voie judiciaire, qui soumet leurs débats à l'autorite publique moyen certain, mais rigoureux, qui n'est nécessaire que parce qu'il est le supplement et la garantie de tous les autres; La voie du compromis ou de l'arbitrage, qui leur donne des juges amiables et de leur choix: moyen moins hostile, qui substitue la balance approximative de l'équite, à la balance exacte de la justice; Enfin, la voie des transactions, qui les rend elles-mêmes leurs propres arbitres, et qui resout leurs différends par les dispositions qu'elles trouvent bon d'arrêter ensemble. Le ces trois moyens, les deux premiers appartiennent au code judiciaire; le troisième, qui

rité de 218 voix contre une, le projet qui est devenu le titre du Livre 3 c. nap. (1).

8. Droit comparé. - Après ce rapide exposé de notre législation, jetons un coup d'œil sur les législations étrangères. Elles consacrent en général les mêmes principes que le code Napoléon; cependant quelques dispositions particulières méritent d'être signalées. Ainsi nous voyons qu'en Angleterre l'offre de payer une somme à titre de transaction, avec réserve de tous ses droits, n'est pas l'aveu du droit de la partie adverse, parce qu'il doit être permis à toute personne d'acheter sa tranquillité et d'éviter un procès par des concessions (V. M. Anthoine de Saint-Joseph, t. 2, p. 287, n° 952). En ce qui touche la transaction sur un fait de nature à entraîner des peines criminelles, elle peut avoir lieu, mais avec la permission de la cour devant laquelle est portée est une branche de la famille nombreuse des contrats, appartient au code civil. Ce qui donne à cette sorte de traité un caractère distinctif et particulier, c'est qu'il a tout à la fois l'autorité d'une convention et celle d'un jugement, et qu'il participe de la nature de l'un et de l'autre. Examinons quels principes sont attachés à chacun de ces deux éléments; et, de leur combinaison, nous verrons naître, par des conséquences évidentes et directes, toutes les dispositions de la loi.

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31. Toute convention s'arrête aux seuls objets qui sont dans le commerce; ainsi les droits de la nature, les droits de la société ne peuvent pas devenir une matière à transaction: c'est pour cela que le projet annonce que, pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction; ce qui suppose nécessairement que ces objets sont disponibles. - Par ce seul raisonnement, on aperçoit d'abord comment il se fait qu'on peut bien traiter des intérêts civils résultant d'un délit, et que cependant on ne peut pas traiter de la peine.

32. Toute convention suppose la faculté de consentir: c'est pour cela que la transaction ne peut pas être entièrement consommée par ceux qui n'ont qu'une volonté subordonnée; tels que les tuteurs pour les mineurs, les administrateurs publics pour les établissements qu'ils dirigent.

33. Toute convention peut être garantie par des peines que les parties stipulent. La transaction est susceptible aussi des clauses pénales.

34. Toute convention doit s'exécuter de bonne foi; et lorsqu'il s'agit de l'interpréter, c'est l'intention des parties contractantes qu'il faut consulter plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. De même, la transaction quelle qu'elle soit, se renferme toujours dans son objet et ne règle que les différends qui y sont compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales, soit qu'elles l'aient annoncée par des expressions générales, principe que les Romains exprimaient très-bien par cette courte sentence: Iniquum est perimi pacto id de quo cogitatum non docetur. Les art. 2048, 2049 et 2050 ne sont que des corollaires de cette pensée.

35. Toute convention n'a d'effet qu'entre les parties contractantes de même la transaction faite avec l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux. Dans ce mot intéressés, la loi ne comprend pas les cautions, dont la décharge et les droits se règlent comme il est dit au titre des Cautionnements. 36. Toute convention exige un consentement effectif: ainsi le dol, la violence l'erreur de fait, qui touchent à la personne ou à l'objet, font rescinder la transaction comme les autres contrats. L'erreur de calcul, qui est aussi une sorte d'erreur de fait, n'opère pas la rescision; mais elle doit être elle-même réparée.—Toute convention a une cause; celle de la transaction est la crainte des procès: Propter timorem litis. Ainsi, lorsque le procès est terminé par un jugement passé en force de chose jugée, il ne peut y avoir de transaction, parce qu'il ne peut plus y avoir de doute. Il faut en dire autant si la transaction n'est que l'exécution d'une pièce nulle. La convention manque de cause, à moins que les difficultés élevées sur la nullité même n'en aient été l'objet. Enfin, la cause manque également, si les parties, ayant transigé sur un seul objet avec la confiance qu'elles y avaient des droits respectifs, il arrive néanmoins que des titres ultérieurement découverts leur fassent connaître que l'une d'elles n'y avait ancun droit. Cette absence totale de la matière du litige fait disparaître en même temps toute matière à transaction. Il en serait autrement si les pièces inconnues, nouvellement découvertes, étaient produites après un traité plus étendu, où les parties auraient transige généralement de toutes les affaires qu'elles pouvaient avoir. Comme il serait alors evident que leur consentement aurait embrassé la masse entière de leurs intérêts le néant de quelqu'un de ces intérêts ne serait pas pour cela l'anéantissement des motifs qu'elles auraient eus de transiger, et la generalité de leur prévoyance deviendrait pour leur convention légitime. Voilà les points par lesquels la transaction se confond avec les contrats.

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37. Voici maintenant ceux par lesquels elle rentre dans les conditions propres aux jugements. Elle a pour sujet un differend éclos, ou qui peut éclore, et elle est le prononcé qui le termine: elle devient pour les droits litigieux la mesure définitive qui les règle, et la déclaration résumée des opinions de ceux qui avaient le pouvoir de décider sur eux. C'est ce que le projet exprime très-bien en disant qu'elle a l'autorité de la chose jugee en dernier ressort. Ainsi les jugements définitifs sont annules, lorsqu'il y a eu falsification de pièces, ou retention malicieuse de celles qui pouvaient éclairer la décision: les mêmes circonstances doivent donc faire annuler la transaction. Quant à l'erreur de droit, quoiqu'elle puisse être en certains cas un motif de casser les jugements, elle n'en est pas un de rescinder les transactions. C'est que les jugements sont la voix de la puissance publique; et partant, ce que la puissance publique a dicté est ce qu'ils doivent exprimer. Au lieu que les transactions sont l'ouvrage de la volonté individuelle, et leur règle principale, c'est que les volontés s'y soient rapprochées dans nne determination commune, L'objet de la justice est d'imposer silence aux passions, et c'est pour cela que sa mesure doit être exacte. Le but des transactions est de rapprocher les sentiments; c'est pour cela que leur mesure est flexible.

Il suffit de méditer ces divers caractères, essentiels à la transaction, pour y trouver la solution de plusieurs questions retracées dans le droit romain, et qui ont exercé depuis la sagacité des écrivains. L'art principal du legislateur est de découvrir d'abord à la raison ce petit nombre de principes clairs et féconds d'où découlent toutes les dispositions comme par une pente naturelle, et de laisser ensuite

TOME XLII.

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l'action, et moyennant satisfaction; mais une composition faite dans ce cas, sans la permission de la cour, est punissable. — V. eod., no 946.

9. D'après le code autrichien, la remise à titre gratuit faite à l'obligé d'un droit litigieux ou douteux constitue une donation (art. 1381). En matière de délit, la règle est celle-ci : la transaction pour les réparations civiles ne peut empêcher les poursuites d'office à moins que les poursuites ne puissent avoir lieu que sur la plainte de la partie lésée (art. 1584). Quant aux suites de la transaction, elles sont garanties par les gages et les garants attachés à la dette primitive; mais si la transaction a été faite sans le consentement des garants, tous les moyens qu'ils avaient contre la dette leur sont réservés (art. 1390).

10. En Danemark il existe une institution qui a une grande

à la jurisprudence la recherche des cas particuliers. -Cet art a été rigoureusement observé dans la rédaction du code civil; aussi, lorsqu'on vient à considérer ce qu'est ce code et d'où il a été puisé, l'esprit s'étonne comment cette masse prodigieuse, qui composait l'ancienne doctrine, a pu être réduite à un si petit nombre de titres, dont plusieurs eux-mêmes sont si courts: c'est qu'on y a laissé le moins de place possible aux applications de détail, pour y présenter avec plus de clarté les idées principales. Ainsi résumée, la science offrira un texte plus facile, l'élève y verra mieux ce qu'il doit étudier, le magistrat ce qu'il doit méditer et approfondir, le citoyen ce qu'il doit connaître. Le vœu du tribunat est pour l'adoption du projet.

(1) TIT. 15.-Des transactions (décr. le 20 mars 1804; prom. le 30). Art. 2044. La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.-V. exposé des motifs et rapport, nos 1, 19, 30.

2045. Pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. Le tuteur ne peut transiger pour le mineur ou l'interdit que conformément à l'art. 467 cu titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation; et il ne peut transiger avec le mineur devenu majeur, sur le compte de tutelle, que conformément à l'art. 472 au même titre. Les communes et établissements publics ne peuvent transiger qu'avec l'autorisation expresse du roi. V.n 5, 20, 31 s.

2046. On peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit. La transaction n'empêche pas la poursuite du ministère public. V. nos 4, 21, 31.

2017. On peut ajouter à une transaction la stipulation d'une peine contre celui qui manquera de l'exécuter. - V. nos 5, 22, 33.

2048. Les transactions se renferment dans leur objet la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend V. nos 6, que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. 23, 34.

2019. Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.-V. nos 7, 23, 34. 2050. Si celui qui avait transigé sur un droit qu'il avait de son chef, acquiert ensuite un droit semblable du chef d'une autre personne, il n'est point, quant au droit nouvellement acquis, lié par la transaction antérieure. V. пos 8, 23, 34.

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2051. La transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés, et ne peut être opposée par eux. V. nos 9, 24, 35. 2052. Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. - V. nos 10 s., 25, 37. 2053. Néanmoins une transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation. Elle peu l'être dans tous les cas où il y dol et violence. - V. nos 13, 25,36. 2054. Il y a également lieu à l'action en rescision contre une trans action, lorsqu'elle a été faite en exécution d'un titre nul, à moins qu les parties n'aient expressément traité sur la nullité. V. nos 14, 25

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2056. La transaction sur un procès terminé par un jugement pass en force de chose jugée, dont les parties ou l'une d'elles n'avaient po n connaissance, est nulle. Si le jugement ignoré des parties était su ceptible d'appel, la transaction sera valable. V. nos 16, 28, 36. 2057. Lorsque les parties ont transigé généralement sur toutes le affaires qu'elles pouvaient avoir ensemble, les titres qui leur étaient alor inconnus, et qui auraient été postérieurement découverts, ne sont point une cause de rescision, à moins qu'ils n'aient été retenus par le fait de l'une des parties. Mais la transaction serait nulle si elle n'avait qu'un objet sur lequel il serait constaté, par des titres nouvellement décou verts, que l'une des parties n'avait aucun droit. - V. nos 17, 27, 36. 2058. L'erreur de calcul dans une transaction doit être réparée.-V nos 18,29,36.

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analogie avec nos bureaux de conciliation: c'est la commission des transactions. Les citoyens choisissent eux-mêmes plusieurs membres des tribunaux de transaction dont le devoir est de terminer les contestations nées et de prévenir celles à naître (ord. 10 juill. 1795; V. M. Anthoine de Saint-Joseph, t. 2, p. 163, nos 496, 497). Dans les tribunaux extraordinaires, tels que le tribunal de police, les juges doivent eux-mêmes tâcher de réaliser des transactions (V. eod., no 499).

11. L'art. 3043 du code de la Louisiane contient une appliation de la règle consacrée par l'art. 2051 c. nap.; il dispose que le créancier qui transige avec la caution de son débiteur peut ne décharger que la caution, et la transaction ne lui fera pas de préjudice à l'égard de ce débiteur; mais si c'est avec le débiteur même qu'il a transigé, la transaction sera commune à la caution.

12. Le code prussien définit ainsi la transaction: c'est un contrat par lequel des parties mettent fin à des prétentions litigieuses ou douteuses moyennant un abandon réciproque de quelques-uns de leurs droits. Nous verrons, infrà, no 15, que l'omission de ces derniers mots, dans la définition donnée par les rédacteurs du code Napoléon, a été l'objet de critiques. Le code prussien a prévu les transactions sur des payements futurs d'aliments et il décide qu'elles doivent être suivies de la ratification judiciaire (V. art. 412 à 414). Les transactions sur les successions testamentaires ne peuvent avoir lieu avant la publication du testament (art. 442 à 444). — Les art. 445 à 448 décident que la caution qui n'est pas intervenue dans les transactions reste responsable de l'obligation primitive, si elle n'aime mieux profiter de la transaction, et d'après l'art. 449 le gage reste engagé pour l'obligation née de la transaction comme pour l'obligation primitive.

13. On trouve dans le code sarde la solution de deux questions encore controversées en France. En effet l'art. 2086 de ce code, après avoir dit, comme l'art. 2047 c. nap., que l'on peut ajouter à une transaction la stipulation d'une peine contre celui qui manquera de l'exécuter, se termine par une disposition qui ne laisse aucun doute sur la portée de cet article: « cette peine tiendra lieu des dommages-intérêts résultant du retard, sans préjudice de l'exécution de la transaction qui sortira son effet » (V. infrà, nos 116 et suiv.). Enfin, d'après l'art. 2098 c. sarde, on ne peut transiger sans l'approbation du tribunal compétent sur les provisions ou pensions alimentaires non encore exigibles, adjugées en justice, non plus que sur celles acquises en vertu d'un testament, d'une donation ou d'un autre acte (V. infrà, nos 81 et suiv.).

ART. 2.-Caractères, définition de la transaction.

après) sont d'accord à cet égard, et M. Troplong, conformémen à leur doctrine, modifiant le texte du code, définit la transac tion: un contrat synallagmatique par lequel le consentement des parties termine, moyennant quelque chose que l'on promet, que l'on donne, ou que l'on retient, une affaire douteuse, ou un procès incertain. « Cette définition, dit-il, ajoute à notre article, mais il le faut pour être exact. » Dans notre première édition du Répertoire, nous avions déjà fait ressortir ce que la définition du code avait d'incomplet (V. aussi ce que nous disons vo Enreg., nos 1094 et suiv.). Le président Favre avait déjà dit : Hinc et inde dari aut retineri necesse est (c. 4, 3, note 8). Il dit encore: Si res dubia remittatur, nullo accepto vel retento, pactum est, non transactio (Conf. Urceolus, quæst. 2, no 7; Vinnius c. 1, no 2, Donneau, sur le code, De transact., cap. 1, no 8).

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Domat, seul (Lois civ., liv. 1, § 2), a soutenu qu'on pouvait transiger, sans rien donner, sans rien promettre, sans rien retenir, et, suivant lui, « ce qui est dit dans la loi 38 c. De transact., qu'il n'y a point de transaction sans que l'un de ces caractères se rencontre dans l'acte, ne doit pas être pris à la lettre. »>- Suivant MM. Troplong (Transact., nos 20 et 21), Duranton, t. 18, nos 391 et suiv.; Aubry et Rau sur Zachariæ, t. 3, p. 476; Rigal, p. 14 et 15, Domat est tombé dans l'erreur. Il n'est pas vrai qu'on puisse transiger sans rien donner, sans rien promettre, sans rien retenir. «L'acte, ajoute M. Troplong, sera tout ce qu'on voudra, mais il ne sera pas une transaction. » Il est vrai qu'il peut arriver que dans une transaction l'une des parties renonce à toutes ses prétentions, lorsque l'autre ne fait qu'un abandon partiel. Mais ceci, dit encore M. Troplong, (n° 20) «n'est pas en contradiction avec le caractère commutatif que nous donnons à la transaction; car ce ne sont pas les valeurs pécuniaires qu'il faut considérer exclusivement ici, il faut tenir compte de cet autre intérêt que procure la transaction, le rétablissement de la concorde, l'affranchissement d'un procès, la cessation des inquiétudes. » Ainsi tout ce que peut constituer un intérêt appréciable, quoique non pécuniaire, peut donner à l'acte un caractère commutatif qui a pour résultat de le classer parmi les transactions.

16. Lorsqu'un héritier, qui avait actionné le légataire en nullité d'un testament, renonce à demander la nullité de ce testament qui le dépouille, il n'y a pas là une transaction, car s'il abandonne complétement ce qu'il croyait être son droit, s'il fait ainsi un sacrifice, son adversaire n'abandonne rien et ne fait aucun sacrifice en sa faveur (L. 3, c. De repud. vel. abst. hæred.; V. Disp. entre-vifs, no 2557; Désistement, no 66). Aussi MM. Championnière et Rigaud (t. 1, no 610) disent-ils avec raison qu'un tel engagement ne peut valoir que comme désistement ou renonciation (Conf. M. Troplong, no 19). — Mais l'acle par lequel les parties mettent fin par des concessions réciproques à une contestation, élevée entre elles relativement à une hérédité, est une transaction et non une donation déguisée (Toulouse, 30 juill. 1818, aff. Déaddé C. Lostenges; V. aussi Disposit. entre-vifs et testam., no 1315).- De même, une renonciation d'héritier au

transaction, non une cession (Grenoble, 3 juill. 1824, aff. Ferrand, V. Succession, no 1886; V. en outre, eod., nos 2252 et s.

14. L'art. 2044 c. civ. dit que la transaction est un acte par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Cette définition est-elle bien exacte? Si on l'acceptait pleinement, il en résulterait que l'on devrait ranger parmi les transactions le désistement, l'acquiescement, les actes confirmatifs, qu'on peut regarder aussi comme des moyens de terminer une contestation née, ou de pré-profit des autres, après débat et moyennant une somme, est une venir une contestation à naître. M. Bigot-Préameneu (exposé des motifs, no 1) semble, il est vrai, confondre ces actes avec les transactions. Ce serait à tort qu'on le déciderait ainsi. En effet, le désistement lorsqu'il porte sur le fond du droit, n'a pas besoin, comme la transaction, du consentement de l'autre partie, pour être parfait, il n'y a donc pas là cette réciprocité de lien, ce caractère synallagmatique qui distingue la transaction (V. Désistement, nos 109 et s.). De même, l'acquiescement, bien qu'il produise des effets analogues à ceux de la transaction, ne peut être confondu avec elle (V. Acquiescem., nos 26, 29, 851).-Quant aux actes confirmatifs, la distinction entre eux et les transactions est établie par le code lui-même, qui en traite dans deux titres séparés (c. nap. 1338 et 2054, V. Obligat., no 4469).

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17. Le code dit (art. 2044): que le caractère de la transaction est de terminer une contestation née, ou de prévenir une contestation à naître. On ne transige, en effet, que sur les affaires contestées et douteuses, quasi de re dubia et lite incertâ (L.1, D. De transact.). — S'il y avait abandon d'un droit certain, il y aurait vente ou donation, il n'y aurait pas transaction (V. Enreg., nos 1096 et suiv.). Aussi la loi romaine décidait-elle que lorsqu'un procès est jugé en dernier ressort l'acte contenant accord entre les parties après l'arrêt n'est pas une véritable transac tion.-V. nos 167 et suiv., et vo Enregistr., nos 1118 et suiv.

18. L'art. 2044 porte : ou préviennent une contestation à naître. Ainsi il n'est pas nécessaire que le procès ait éclaté, il suffit que la partie qui fait des concessions ait pu concevoir une crainte réelle (L. 65, D., § 1, De condic. indeb.). Favre sur la loi 1, D. De transact., et après lui M. Troplong disent que la transaction a un caractère bien plus grand d'utilité, quand elle va au-devant des débats judiciaires, que lorsqu'elle terming un procès commencé.

19. C'est aux juges à apprécier dans leur prudence les circonstances déterminantes de l'accord fait entre les parties; MM. Duranton, t. 18, nos 395 et 398, Zachariæ, édit. Massé et Vergé, t. 5, p. 84, note 6; Aubry et Rau, 3o éd., t. 3, p. 476, note 2, Championnière et Rigaud, t. 1, no 674, Troplong, sont unanimes dans cette pensée, que les juges, appelés à statuer sur une transaction, ne peuvent, sans de très-graves motifs, déclarer le droit tellement certain, qu'il ne pouvait faire l'objet d'une transaction. Quand il s'agit d'apprécier les motifs déterminants d'un accord qui évite un procès, il faut ne pas oublier la maxime du droit romain rappelée par M. Troplong: Plus est in opinione quam in veritate (L. 15, D., De acq. rer. dom.).— Il a été décidé, en conséquence, que la simple menace faite par l'héritier légitime non réservataire au légataire universel, d'arguer le testament de nullité, suffit pour faire regarder comme une transaction l'acte contenant constitution d'une rente viagère par le dernier en faveur du premier; en conséquence, il ne doit être perçu qu'un droit de 2 pour 100 (Délib. de la rég. 8 sept. 1835, aff. Haury, V. Enregistr., no 1054). Cependant une cour d'appel a pu juger, sans que son arrêt tombât sous la censure de la cour suprême, que la déclaration sous seing privé faite par un adjudicataire à un tiers qui le menace d'une surenchère, qu'il accepte le taux de cette surenchère et la considère comme judiciaire, ne vaut pas transaction, alors surtout qu'elle n'a pas été faite en autant d'originaux qu'il y avait de parties ayant un intérêt distinct (Req. 6 mai 1840) (1).

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20. Nous devons rappeler ici la divergence qui existe dans Ja jurisprudence de la cour de cassation entre la chambre civile et la chambre des requêtes, sur le point de savoir s'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement les caractères des actes qualifiés de transactions. La chambre civile décide qu'elle peut non-seulement redresser la qualification erronée que les juges ont donnée à ces actes produits devant eux, (1) Espèce: - (Syndics Grandin C. Lefort.) Des immeubles dépendant de la faillite de Jacques et Pierre Grandin avaient été adjugės, sur la poursuite des créanciers hypothécaires, au sieur Lefort, moyennant 22,000 fr. La demoiselle Grandin, sans être créancière, résolut toutefois de surenchérir. Elle conféra mandat à cet effet à Victor Grandin, son frère, et celui-ci ayant donné avis à Lefort du projet de sa sœur, il en reçut la réponse suivante, à la date du 22 mai 1852 : «En réponse à la communication que vous m'avez faite de l'intention où était mademoiselle votre sœur de surenchérir de 20,000 fr. la teinturerie de MM. Jacques et Pierre Grandin qui m'a été adjugée le mardi 15 courant, je viens par la présente vous déclarer que, pour éviter les frais qu'entraînerait cette surenchère, que je couvrirais de nouveau, je considère ladite surencbère comme ayant eu lieu, que j'en porterai le montant au crédit de MM. Jacques et Pierre Grandin, à valoir sur la somme dont ils sont debiteurs envers Madame Donay, somme pour laquelle elle a hypothèque sur la teinturerie en question...; tenant ainsi quittes lesdits Jacques et Pierre Grandin d'une somme de 20,000 fr., comme susdit est; promettant de mettre la chose en bonne et due règle à la première occasion, avec vous et non avec d'autres, parce que ensemble nous nous entendrons parfaitement sur cette affaire, dans laquelle nous n'avons eu d'autre intention que de mettre MM. Jacques et Pierre Grandin dans la position où ils eussent été si l'enchère que voulait mettre mademoiselle votre sœur eût eu lieu, ce qui, du reste, me laisse entièrement réservé à tous mes droits. » — Signé, Lefort. - Cependant, après l'expiration du délai de la surenchère, Lefort a refusé d'exécuter son engagement. Assignation par les syndics de la faillite en payement de la somme de 20,000 fr., montant de la surenchère projetée.

12 mai 1838, jugement qui déclare que l'écrit du 22 mai 1832 ne peut valoir comme transaction, parce qu'il aurait dû être fait en autant de doubles qu'il y avait de parties ayant des intérêts distincts; qu'ainsi les règles relatives aux transactions ne sont pas applicables; Qu'en fait, cet écrit ne constitue qu'une obligation unilaterale; mais que la demoiselle Grandin ni Victor Grandin n'étant créanciers de la faillite et n'ayant pas agi au nom et dans l'intérêt de la masse des créanciers, il s'ensuit que cette obligation doit rester sans effet comme consentie au profit d'un tiers qui n'y était pas partie, aux termes des art. 1119 et 1165 c. civ. 18 juin 1859, arrêt de la cour royale de Rouen, qui confirme, en adoptant les motifs des premiers juges. Pourvoi des syndics, pour violation et fausse application des art. 2044 et 2052 c. civ.; sur le caractère et les effets des transactions; fausse application des art. 1119 et 1165, violation de l'art. 1121 du même code, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de reconnaître que la demoiselle Grandin avait agi par son mandataire dans l'interèt de la

Appel.

mais aussi en apprécier les clauses et en constater la portée et la nature. La chambre des requêtes, au contraire, ne croit pas avoir le droit de se livrer à leur interprétation, et déclare que l'appréciation des tribunaux est souveraine, alors même qu'elle serait susceptible d'être critiquée au fond (V. Cassation, no 1628 à 1631, et infra, nos 131 et s.).

21. La jurisprudence nous fournit des exemples nombreux d'espèces dans lesquelles il était difficile de déterminer le caractère véritable des actes. Nous avons déjà déjà signalé sur ce point quelques décisions rendues par application des lois fiscales (V. Enreg., nos 1102 et suiv.). — Il a été jugé, en outre : 1o que l'acte qui, dans l'ignorance des droits qui appartiennent à deux individus, dans un fonds sur lequel il n'y a pas litige entre eux, détermine la part qui reviendra à chacun, dans le cas où le procès soutenu par l'un d'eux contre un autre individu, serait jugé en leur faveur, a pu être qualifié de transaction, sans que cette appréciation donne prise à la censure de la cour de cassation (Req. 26 nov. 1828, aff. Bouvet, V. Obligat., no 51903o); 2o Qu'il y a transaction sur une rente mélangée de féodalité, et non simple acte récognitif de cette rente, dans le contrat par lequel le créancier et le débiteur, dans la vue de terminer une contestation existante entre eux et à ce sujet, conviennent de réduire les arrérages réclamés, substituent une hypothèque spéciale à une hypothèque générale qu'avait le créancier, stipulent des délais pour le payement des arrérages échus, ainsi que pour la solidarité des débiteurs et la retenue sur la rente. Peu importe que cet acte renferme des termes généraux qui expriment l'intention des parties de confirmer le titre originaire, si ces termes sont expliqués et restreints par l'exécution que le nouveau contrat a reçue, et par les circonstances dans lesquelles il a été passé (Cass. 15 fév 1815, et sur nouveau pourvoi, Cass., sect. réun., 26 juill. 1823) (2); 3° Que l'acte par lequel des individus, assignés comme détenteurs d'un héritage accensé, en

masse des créanciers, en acceptant une transaction sur la surenchère de 20,000 fr. qu'elle voulait former. Arrêt.

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LA COUR Attendu que la cour royale de Rouen, en appréciant l'acte ou écrit du 22 mai 1832 et en tirant de cette appréciation, qui rentrait dans ses attributions, la conséquence que les règles relatives aux transactions ne lui étaient pas applicables, a justement appliqué les principes sur la matière; Attendu qu'il résulte des faits declarés constants par l'arrêt attaqué que, soit Victor Grandin, soit sa sœur, au nom de la quelle une augmentation du prix de l'immeuble adjugé était stipulée, u'ont agi que dans leur propre intérêt; - Qu'ils n'avaient ni l'intention ui le pouvoir d'agir au nom et au profit de la masse des créanciers de la faillite de Michel Grandin; Qu'ils n'étaient, d'ailleurs, ni l'un ni l'autre, des créanciers de ladite faillite, et qu'en déclarant, dans de telles circonstances, que les demandeurs en cassation étaient non recevables à réclamer, au nom de ladite masse des créanciers, les effets d'une stipulation qui n'avait pas été faite à son profit, la cour royale de Rouen, loin de les violer, a fait une saine application des articles invoqués à l'appui du pourvoi; Rejette.

Du 6 mai 1810.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, rap.-Faure, rap. (2) (Herit. Cisterne-Delorme C. hérit. Hardy, etc.) - LA COUR; - Vu les art. 2044 et 2052 c. civ., et les art. 1 et 2 de la loi du 17 juill 1793; Considerant qu'antérieurement au contrat authentique du 9 flor. an 13, les parties ont été en procès pendant près de deux ans sur la question de savoir si la rente réclamée par le demandeur était ou n'était pas féodale; qu'afin d'établir que ladite rente était purement foncière, le demandeur invoquait, dans ce procès, quelques dispositions de la coutume d'Auvergne et des arrêts qu'il soutenait être applicables à sa prétention; que les défendeurs soutenaient, au contraire, que ladite rente était féodale, et par conséquent comprise dans la suppression ordonnée par les lois; que les parties se rapprochèrent et souscrivirent le contrat authentique du 9 flor. an 13; qu'il résulte d'une clause expresse de ce contrat qu'il y avait eu à Clermont-Ferrand une instance entre les parties; que, par la même clause, les défendeurs se soumirent à payer au demandeur les frais de cette instance; que la cour royale de Riom (arrêt du 17 fév. 1813), tout en reconnaissant l'existence de cette clause qui caractérise la transaction, a néanmoins décidé que le contrat ne contenait pas une transaction, soit parce que l'objet du procès n'y était pas rappele, soit parce qu'on n'avait pas annexé à cet acte les pièces de ce procès; que, n'étant pas contesté, étant reconnu au contraire qu'il n'y a eu entre les parties d'autres procès que celui qui a été terminé par ledit contrat, l'objet de ce procès était bien positivement déterminé; que la loi ne fait pas dépendre le sort d'une transaction de l'annexe des pièces du procès au contrat, mais bien uniquement de la fin que mettent les parties au procès pendant entre elles;

passation d'un titre nouvel du cens, se reconnaissent détenteurs de l'héritage et s'engagent à payer le cens, peut être réputé une transaction sur procès (c. nap. 1337; Metz, 26 mai 1835, aff. Hensienne, V. Obligation, no 4448).

22. Il a été jugé encore: 1o que lorsqu'à la suite d'un règlement de comple entre associés, il a été dit que, pour terminer d'une manière définitive, les parties renoncent expressément à se rechercher directement ou indirectement pour cause de leur

en outre, que la clause par laquelle les défendeurs se sont soumis, tant en exécution des anciens contrats qu'en vertu de la transaction à payer nnuellement la quantité de six setiers de blé, ne contient aucune obligation féodale; qu'en effet le résultat de cette soumission n'a produit qu'une obligation de payer purement et simplement une rente annuelle de six setiers de blé évidemment foncière, circonstance qui, bien loin d'imprimer à la transaction un caractère de féodalité, l'a dégagée au contraire de tout ce que les anciens contrats pouvaient conserver de féodal; qu'enfin les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugée, et ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, et qu'un avis du conseil d'Etat, des 15 et 23 sept. 1810, a consacré en principe que les transactions sur procès, au sujet de rentes mélangées de féodalité, devaient être pleinement exécutées; que, par conséquent, la cour royale de Riom a violé les art. 2044 et 2052 c. civ., l'art. 2 du décret du 17 juill. 1793, et faussement appliqué l'art. 1 du même décret; Casse, etc.

Du 15 fév. 1815.-C. C., sect. civ.-MM. Muraire, 1er pr.-Vergés, rap.-Lecoutour, av. gen., c. conf.-Roger et Sirey, av.

Par suite de cette cassation, l'affaire fut portée devant la cour de Lyon, qui, adoptant le système consacré par la cour de Riom, a déclaré, par arrêt du 27 déc. 1820, l'acte du 9 flor. an 13 récognitif du titre primordial, mélangé de féodalité, et a annulé cet acte comme tel.

Pourvoi nouveau de la part des héritiers Cisterne-Delorme. - Arrêt (après un long délibéré).

LA COUR ;-Vu les art. 2044 et 2052c. civ., l'art. 2, L. 17 juill. 1793, les art. 1131, 1133 et 2054 c. civ.;-Attendu que la cour de cassation a le droit d'apprécier le mérite des arrêts des cours royales, lorsque ces arrêis déterminent le caractère des contrats dans leurs rapports avec les lois qui en assurent la validité; qu'il serait contraire au but de son institution qu'elle dût s'abstenir d'annuler ces arrêts, lorsqu'ayant donné de fausses qualifications aux contrats, et les ayant placés dans une classe à laquelle ils ne devraient pas appartenir, ils les auraient affranchis des règles spéciales auxquelles ils étaient soumis, ou les auraient soumis à des règles qui ne pouvaient pas leur être appliquées; - Attendu que l'acte du 9 flor. an 15 a les caractères d'une véritable transaction; que nonseulement il avait pour objet de terminer une contestation existante, mais qu'en outre le sieur Delorme y réduisit les arrérages qu'il réclamait, y accorda des délais à ses débiteurs, et substitua une hypothèque spéciale à l'hypothèque générale qui résultait pour lui de ses premiers titres; que ce contrat ne saurait être assimilé à un acte récognitif, ni se confondre par conséquent avec l'obligation primitive, puisqu'il contient des stipulations différentes pour la solidarité, pour la retenue, et pour l'hypothèque, et qu'il ne renouvelle d'ailleurs qu'une partie des engagements contractés dans ce premier acte; que les termes généraux par lesquels les parties expriment l'intention de confirmer le titre originaire, sont évidemment expliqués et restreints par la clause destinée à spécifier les obligations qu'elles se proposaient de maintenir; qu'il n'est pas plus permis d'induire de la généralité de ces expressions, qu'on a stipule la conservation des anciennes redevances féodales, qu'il ne le serait d'en conclure qu'on a constitué de nouveau l'hypothèque générale qui résultait des premiers titres; que l'exécution que l'acte a reçue achève d'ailleurs de prouver que la rente foncière était l'unique objet des conventions qu'il constate, puisque, pendant les cinq années qui en ont suivi la rédaction, et qui ont précédé le procès actuel, les payements qui ont été volontairement effectués par les débiteurs ont toujours été bornés au prix de cette rente, et que les créanciers, à leur tour, n'ont jamais rien exigé de plus; que le contrat dont il s'agit ne peut être considéré comme illicite, puisqu'il n'impose l'obligation d'aucune redevance féodale; qu'il le peut d'autant moins, que les contrats doivent être jugés selon les principes en vigueur à l'époque où ils ont été souscrits, et qu'il a été fait sous l'empire de la jurisprudence qui s'était établie antérieurement à l'avis du conseil d'Etat du 8 avr. 1809;-Qu'il suit de là qu'en refusant d'attribuer à l'acte du 9 flor. an 13 le caractère et les effets d'une transaction, et en décidant qu'il devrait, dans tous les cas, être annulé, parce qu'en supposant qu'il constituât une transaction, elle serait illicite, la cour royale a fait une fausse application des art. 1131, 1133 et 2054 c. civ., et a directement violé les art. 2044 et 2052 du même code, et l'art. 2 L. 17 juill. 1793; Casse, etc. Du 26 juill. 1823.-C. C., sect. réun.-MM. de Peyronnet, garde des sceaux, pr.-Trinquelague, rap.-Mourre, pr. gén., c. contr.-Garnier, Naylies, Cessac, av.

(1) Espèce:- (Lemarchand C. Varin.) Les sieurs Lemarchand et Varin s'étaient associés pour l'exploitation des forges de Martigné, ainsi

association, de quelque manière ou pour quelque cause que ce soit, sans exception ni réserve, il a pu être décidé qu'un acte de cette nature renferme les éléments d'une véritable transaction, et une décision semblable échappe à la censure de la cour suprême (Req. 3 janv. 1831) (1); 2o Sur notre plaidoirie, que l'arrêté de compte, par lequel deux associés, à la suite d'une longue liquidation pendant laquelle ils avaient passé plusieurs transactions sur quelques points particuliers qui les

- La

que pour diverses acquisitions immobilières nécessaires à cette exploitation. Varin gérait seul l'établissement. — En 1820, les associés règlent leurs comptes. Ils arrêtent que toutes les affaires relatives aux forges de Martigné se trouvent terminées entre eux, à l'effet de quoi << ils renoncent à se rechercher directement ou indirectement pour cause de leur association du bail des forges de Martigné, ou de leurs acquisitions et pour quelque cause que ce soit, sans exception et sans réservation. >> Après le décès de Varin, Lemarchand réclame la somme de 9,596 fr. 50 c. résultant d'inexactitudes importantes commises à son préjudice dans l'arrêté de compte entre lui et le sieur Varin. Refus de la part des héritiers Varin d'acquitter la somme demandée. contestation est portée devant les arbitres. Les héritiers Varin repoussent la demandè du sieur Lemarchand par une fin de non-recevoir, fondée sur ce que le règlement du 20 mai 1820 a déterminé d'une manière irrévocable les droits et les obligations respectives des parties. Le 21 mars 1828, jugement arbitral qui rejette l'exception proposée par les héritiers Varin. - - Appel. Et le 17 janv. 1829, arrêt infirmatif de la cour de Rennes : «Attendu que le traité qui suivait immédiatement leur règlement de compte avait le caractère d'une véritable transaction, qui, d'après l'art. 2052 c. civ., a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, et ne peut pas être attaquée pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. »>

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Pourvoi par la veuve Lemarchand : 1o Violation de l'art. 2044, en ce que l'on a considéré comme transaction un acte contenant seulement un règlement de compte et une division de l'avoir commun entre deux associés, bien qu'il n'y eût ni procès né, ni procès à naître entre les parties qui l'ont souscrit. Pour reconnaître à un acte le caractère de transaction, el pour lui accorder les conséquences graves résultant de ce caractère, il faut le fait présent d'un discord menaçant, l'imminence d'un procès. Au moment de la souscription de l'acte du 20 mai, il n'y avait pas de contestation engagée entre les parties, et il n'y en avait pas non plus sur le point de s'engager. Cette preuve résulte de l'acte même qui ne déclare et ne donne à entendre en nul endroit, que les parties aient été divisées ou menacées de l'être. Elle se confirme aussi par l'absence de la volonté de transiger. On voit, au contraire, dans cet acte, deux associés réglant leurs comptes, et renonçant à s'inquiéter, ni rechercher réciproquement, clause finale ordinairement adaptée à tous les comptes. - Enfin rien n'établit que des difficultés susceptibles d'amener un procès aient existé entre les associés; dès lors, on ne doit supposer aux parties d'autre volonté que celle qu'elles ont clairement manifestée dans leur arrêté de compte. 2o Violation des art. 2052 et 2053 c. civ., en ce que l'acte considéré comme une transaction, n'en est pas moins rescindable pour erreur de fait. — Les réclamations de la veuve Lemarchand étaient fondées sur des omissions de sommes ou sur des erreurs de chiffre, qui n'ont pas été déniées par les défendeurs; elles devaient, par conséquent, être allouées. Le procès présentait le cas où le principe, qui permet de relever une erreur de fait, est le plus évidemment applicable, celui d'erreurs commises dans un compte. 30 Violation des art. 2048 et 2049 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a fait porter l'effet de l'acte sur des objets auxquels il ne pouvait pas s'appliquer. Parmi les diverses réclamations de la veuve Lemarchand, il y en avait (la première et la deuxième) qui n'étaient relatives ni au bail des forges, ni aux acquisitions. Elles étaient purement personnelles au sieur Varin, puisque l'une résultait d'un payement reçu par ce dernier d'une somme due à Lemarchand, par un débiteur particulier, et l'autre provenait d'un versement fait par Lemarchand à un créancier particulier de Varin.-Ces deux objets étaient donc entièrement en dehors des termes du règlement.-En conséquence, ce règlement ne pouvait être opposé comme une exception à l'action en remboursement de ces deux sommes. Le demandeur s'efforçait aussi

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- Arrêt.

-

d'établir qu'en matière de transaction, les appréciations des cours royales n'étaient pas souveraines devant la cour. LA COUR ; Sur le premier moyen, tiré de l'art. 2044 c. civ. :· Attendu que l'arrêt attaqué a reconnu, en fait, que l'acte du 20 mai 1820 réunissait tous les caractères d'une transaction; — Attendu que la cour royale de Rennes, en jugeant ainsi, s'est déterminée par une appréciation d'actes et de faits qui entrait dans ses attributions; Sur le deuxième moyen, tiré des art. 2052 et 2053 du même code: Attendu que l'arrêt a également reconnu, d'après la même appréciation, que l'acte ne contenait aucune de ces erreurs qui peuvent donner lieu à la rescision des transactions; Sur le troisième moyen, tiré des art. 2048 et 2049 du même code : Attendu qu'il a encore été reconnu par l'arrêt que la transaction, dont il s'agit, embrassait toutes les

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