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était beaucoup augmentée, il permit d'aug menter aussi pendant le mariage la donation faite à la femme, à proportion de l'augmentation de dot qui serait survenue.

Enfin, Justinien, par son Code, autorisa de plus en plus les donations en faveur de mariage: non-seulement il permit de les augmenter depuis le mariage, à proportion de l'augmentation faite à la dot de la femme, il permit même aux époux de se faire de telles donations, quand même il n'y en aurait eu aucun commencement avant le mariage; et pour donner à ces donations un nom plus convenable à leur nature, il ordonna qu'à l'avenir elles seraient appelées donations à cause de noces,

DONATIONES PROPTER NUPTIAS.

Il n'est point parlé de ces donations à cause de noces dans le Digeste, parcequ'elles étaient absolument inconnues aux anciens jurisconsultes, dont les livres servirent à former ce recueil: cette matière n'est traitée qu'au Code, aux institutes et dans les Novelles de Justinien.

Les principales règles établies par ces dif férentes lois, sont, 1o que toute dot mérite une donation à cause de noces;

2o. Que la donation doit être réciproque, c'est-à-dire, que la donation faite à la femme, n'est qu'en considération de la dot qu'elle apporte à son mari;

3o. Que la donation à cause de noces doit être égale à la dot;

4°. Que le mari survivant, en certains cas, gagne la dot de sa femme, de même que la femme survivante gagne la donation à cause de noces sur les biens de son mari;

5°. Que le gain de survie appartient en pleine propriété au survivant des époux, s'il n'y a point d'enfans; et s'il y en a, le survivant n'a que l'usufruit de ce gain de survie. S'il reste en viduité, il a, outre l'usufruit, une virile en propriété; mais s'il se remarie, il perd tout droit de propriété dans les gains nuptiaux, et il est réduit au simple usufruit.

Tel était l'usage des Romains sur les donations à cause de noces. Voyons maintenant ce qui se pratiquait anciennement dans les provinces que nous appelons aujourd'hui pays de dro it écrit.

Lorsque Jules- César fit la conquête des Gaules, il ne contraignit point les peuples qu'il avait soumis, à suivre les lois romaines; mais dans la suite, les Gaulois, qui habitaient les provinces les plus voisines de l'Italie, connaissant la justice des lois romaines, s'accoutumèrent d'eux-mêmes à les suivre. Depuis, lorsque les Francs eurent conquis les Gaules, ils laissèrent aux Gaulois la liberté de suivre leurs lois, et se firent eux-mêmes honneur de

se conformer aux mœurs des Romains; en sorte que les donations à cause de noces des Romains furent en usage dans les pays de droit écrit, et du temps des Gaulois, et encore pendant quelque temps après l'établissement de la monarchie française.

Mais lorsque ces donations à cause de noces tombèrent en désuétude chez les Romains, elles cessèrent aussi d'être usitées dans les pays de droit écrit, où l'on se conformait exactement aux lois et aux usages des Romains; et en effet, les auteurs qui parlent de ces anciennes donations, ne disent pas seulement qu'elles cessèrent d'être pratiquées par les Romains; ils disent indistinctement, qu'elles ont cessé absolument d'être usitées; ce qui doit s'entendre de tous les pays où elles avaient lieu.

Ainsi, il n'y a aucune apparence que l'Augment de dot des pays de droit écrit, descende des donations à cause de noces des Romains.

Il y a bien quelque rapport entre les donations à cause de noces et l'Augment de dot, en ce que l'Augment est accordé à la femme en récompense de sa dot, comme les donations à cause de noces; mais il y a entre ces donations et l'Augment quatre differences essentielles.

La première est que la donation à cause de noces des Romains, pouvait être faite ou augmentée pendant le mariage. Au contraire, l'Augment de dot ne peut être constitué ni augmenté par aucune convention postérieure au mariage.

La seconde est que la donation à cause de noces devait être égale à la dot : l'Augment au contraire est ordinairement moindre que la dot, et il peut être plus fort.

La troisième est que la donation à cause de noces n'était due que lorsque la dot avait été payée, au lieu que l'Augment est dû à la femme, quoique le paiement de sa dot n'ait pas été effectué.

La quatrième enfin est que la donation à cause de noces ne se payait qu'à proportion de ce qui avait été payé de la dot; au lieu que l'Augment est toujours dû en entier, quand même il n'y aurait rien de payé de la dot.

A toutes ces différences il est aisé de reconnaître que l'Augment de dot des pays de droit écrit, n'est pas la même chose que donation à cause de noces des Romains.

la

On ne peut pas même prétendre qu'il soit fondé sur les lois qui réglaient les donations à cause de noces; tous les auteurs modernes conviennent que l'Augment est un droit nouveau, lequel n'a jamais été établi par les lois qui traitent des donations à cause de noces;

et que, comme ces donations ont cessé d'être usitées sous les derniers empereurs, toutes les lois qui étaient faites sur cette matière sont devenues inutiles.

L'Augment de dot ressemble mieux à l'hypobolon des Grecs, qui succéda aux donations à cause de noces des Romains.

En effet, sous les derniers empereurs de Constantinople, les peuples, quoique Romains de nom, s'écartant en plusieurs points des lois romaines, pour suivre les mœurs des Grecs avec lesquels ils étaient confondus,

laissèrent tomber en désuétude les donations à cause de noces, et s'accoutumèrent insensiblement à pratiquer, à la place de ces donations, le don de survie, qui était usité chez les Grecs, sous le nom d'hypobolon.

C'est de cet hypobolon que l'empereur Léon, surnommé le Sage, parle dans ses Novelles 22 et 85, où il déclare que l'époux survivant qui reste en viduité, gagne une virile en propriété dans cette sorte de donation à cause de noces.

Il est vrai que les Novelles de cet empereur ne sont parmi nous d'aucune autorité, et que ce sont les lois de Justinien qui forment, sur la matière des donations à cause de noces, le dernier état du droit romain écrit: mais outre les lois écrites, les Romains en avaient encore d'autres qui ne l'étaient point, et qui ne laissaient pas d'être en vigueur, comme le dit Justinien dans ses Institutes. Ainsi, quoique les Novelles de l'empereur Leon n'aient pas eu par elles-mêmes la force d'abroger les lois de Justinien, rien n'empêche qu'un autre usage n'ait établi cette autre sorte de donation, que les Grecs pratiquaient sous le nom d'hypobolon. Harmeno. pule, auteur grec, qui vivait dans le douzième siècle, atteste ce changement; il observe que, suivant le dernier usage, ce gain de survie accordé à la femme, se règle selon la convention; et que, lorsqu'il n'est pas fixé par contrat, il est dû en vertu d'une convention présumée; qu'autrefois on le fixait à la moitié de la dot, mais que, par le dernier du tiers. usage, il n'est que

Ce témoignage d'Harmenopule se trouve confirmé par celui de plusieurs auteurs ; et il y a lieu de croire que, si notre Augment de dot n'est pas précisément la même chose que l'hypobolon des Grecs, il en tire du moins son origine. Cette opinion paraît d'autant mieux fondée, que les Romains pratiquerent cet hypobolon dès qu'ils eurent abandonné les donations à cause de noces; et que les habitans des pays de droit écrit adoptèrent TOME II.

sans doute aussi l'usage de l'hypobolon, pour imiter les Romains.

D'ailleurs, quand cet usage n'aurait pas été introduit dans les Gaules en même temps que les lois romaines y furent établies, il ne serait pas étrange qu'il y eût été apporté dans la suite par les relations que les Français eurent avec les peuples de l'Orient. Dès l'an 1196, les Français commencèrent leurs voyages d'outre-mer, pour aller faire la guerre aux mahometans; et entre ceux qui eurent part à ces expéditions, étaient les habitans d'Auvergne, de Provence, de Languedoc et de Gascogne, qu'on appelait tous, d'un nom commun, les Provençaux, pour les distindes autres habitans du reste de la

guer

France, qu'on appelait les Français. Or, ces peuples, qu'on appelait les Provençaux, et qui habitaient précisément les mêmes provinces que nous appelons aujourd'hui pays de droit écrit, ayant appris, dans leurs voyages et leur séjour en Orient, l'usage du gain de survie appelé hypobolon, ils ont pu apporter chez eux ce même usage, qui s'établit insensiblement sous le nom d'Augment de dot.

II. Au reste, il ne faut pas s'étonner qu'on rapporte à l'hypobolon des Grecs l'origine de l'Augment de dot des pays de droit écrit, puisque la plupart des auteurs conviennent que c'est de ce même hypobolon des Grecs, que s'est formé le douaire des pays coutumiers; c'est même ce qui a fait dire à quelques-uns, que l'Augment de dot est le douaire du pays de droit ecrit; ce qui n'est pas toutà-fait sans fondement, si l'on entend par-là que ces droits ont entre eux quelques rapports.

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Ces rapports consistent :

1o. En ce que le douaire et l'Augment de dot sont un avantage que la femme survivante prend sur les biens de son mari prédécédé;

que

l'usufruit 2o. En ce que la femme n'a de l'Augment non plus que du douaire, et que la propriété en appartient aux enfans;

3o. En ce que les enfans n'y peuvent rien prétendre qu'après le décès de leur père et de leur mère;

4o. En ce que c'est un troisième genre de biens qui advient aux enfans par le bénéfice de la loi, quoiqu'ils ne soient héritiers ni du père ni de la mère;

ainsi que le 5o. En ce que l'Augment est, douaire, acquis du jour du contrat de mariage, ou du moins du jour de la célébration, lorsqu'il n'y a point de contrat;

6o. En ce que, pour l'Augment comme pour le douaire, les biens du mari sont engagés et

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affectés de telle sorte, qu'ils ne peuvent être aliénés ni hypothéqués au prejudice de la femme et des enfans;

7o. En ce que les acquéreurs des biens du mari ne peuvent prescrire ni l'Augment ni le douaire contre la femme et les enfans pendant le mariage;

80. En ce que l'Augment est dû de plein droit et sans stipulation comme le douaire, quoiqu'il n'y ait point de contrat de mariage, ou que dans le contrat il n'en soit point fait

mention.

Quoique ces règles, communes à l'Augment et au douaire, aient fait dire que l'aug. ment de dot est le douaire des pays de droit écrit, ce n'est toutefois pas la même chose, et il y a entre ces deux droits plusieurs différences essentielles.

La première est que l'Augment est un troisieme genre de biens qui n'est point compris sous le nom de biens paternels ni de biens maternels; en sorte que la renonciation des enfans à tous les biens paternels et maternels, ne comprend pas l'Augment, et néanmoins il se prend sur les biens du père; et quand il s'agit de les ranger sous une classe, c'est un bien paternel. Le douaire au contraire est toujours compris sous le nom de droits paternels.

2o. L'Augment de dot appartient aux enfans, soit qu'ils soient héritiers de leur père, et qu'ils renoncent à sa succession; à la différence du douaire, que les enfans ne peuvent plus demander lorsqu'ils se sont portés héritiers de leur père.

3o. La mère qui ne se remarie pas, a dans l'Augment en propriété la portion qu'on appelle virile, c'est-à-dire, égale à celle d'un des enfans. Il n'en est pas de même du douaire; la femme n'en a que l'usufruit, soit qu'elle se remarie, soit qu'elle reste en viduité.

4°. Quand il n'y a point d'enfans du mariage, ou qu'ils décèdent tous avant la mère, l'Augment entier lui demeure en pleine propriété; au lieu qu'en pareil cas, le douaire retourne aux héritiers paternels.

5o. L'Augment, même coutumier, est sujet au retranchement de l'édit des secondes noces le douaire coutumier n'y est pas sujet.

6o. Il faut que la femme survive à son mari, pour faire passer l'Augment aux enfans; au lieu que le douaire appartient aux enfans, quoique leur mère n'ait pas survécu à leur pere, et par conséquent n'ait pas recueilli le douaire.

III. Les pays où l'Augment de dot est le plus communément en usage, sont ceux qui composent les ressorts des parlemens de Tou

louse, de Bordeaux, de Grenoble, de Pau; les provinces du Lyonnais, Forez, Beaujolais, Bugey, Gex et Valromey, quelques endroits de l'Auvergne, et la principauté de Dombes.

Il y a encore quelques provinces, comme la Bresse, le Máconnais et la Provence, où l'on voit quelquefois de ces sortes de stipulations: mais ce n'est pas l'usage ordinaire de ces provinces; et l'on y pratique, au lieu d'Augment de dot, d'autres gains de survie dont nous parlerons ailleurs, sous les noms qui leur sont propres.

Dans la plupart des provinces où l'Augment de dot a lieu, ce droit n'y est établi par aucune loi ni statut; il ne s'y est introduit que par un long usage qui y a insensiblement acquis force de loi.

Cet usage n'a été recueilli et rédigé par écrit que dans deux coutumes: dans celle de la ville de Toulouse, confirmée en 1289 par Philippe-le-Bel; et dans celle de Bordeaux, sénéchaussée de Guienne et pays bordelais, rédigée en 1521.

IV. Il faut distinguer deux sortes d'Augment de dot; savoir, le coutumier ou légal, et le préfix ou conventionnel.

L'Augment coutumier ou légal est un gain nuptial et de survie que la coutume ou l'usage de certaines provinces accorde à la femme survivante, en récompense de sa dot, sur les biens de son défunt mari.

Lorsque la femme a stipulé ce droit d'Augment coutumier, sans en fixer la quotité, elle ne laisse pas de le prendre tel qu'il est réglé par la coutume ou l'usage des lieux. Il n'y a dans ce cas aucune difficulté, puisque la volonté des contractans concourt avec la loi

pour établir un Augment en faveur de la femme survivante : il n'est pas nécessaire que le contrat explique quelle sera la quotité de l'Augment coutumier qu'on stipule, cette quotité étant réglée par la coutume ou l'usage de la province.

Mais on demande si, pour que la femme survivante puisse profiter de l'Augment qui est réglé par la coutume ou l'usage, il est né cessaire qu'il y ait une stipulation d'Augment, du moins en général; ou bien s'il lui est dû sans aucune stipulation, même dans le cas où il y a un contrat de mariage, et que le contrat n'en fait pas mention.

Si l'Augment de dot était fondé sur les lois qui établissent la donation à cause de noces, il serait dû dans tous les pays de droit écrit, sans aucune stipulation, puisque la Novelle 91 de Justinien porte que toute dot mérite une donation. Ainsi, il suffirait, selon la lettre et l'esprit de cette Novelle, que la femme

cût apporté une dot, pour obtenir, de plein droit et sans aucune stipulation, une donation à cause de noces; mais, comme on l'a déjà observé, l'Augment de dot n'est pas fondé sur les lois romaines. Ainsi il ne faut consulter sur cette matière que l'usage des pays de droit écrit; usage qui n'est pas uniforme dans toutes les provinces.

Dans la coutume de la ville de Bordeaux, sénéchaussée de Guienne et pays bordelais, l'Augment de dot, coutumier ou légal, est dû à la femme, de plein droit et sans stipulation, en vertu de la coutume qui l'établit expressément sous le nom de donation à cause de noces, que l'on convient y être la même chose que l'Augment.

Et la jurisprudence du parlement de Bordeaux est conforme à la coutume, suivant le témoignage de la Peyrere et de plusieurs autres.

Par les coutumes de la ville de Toulouse, l'Augment de dot coutumier y est pareille. ment dû de plein droit et sans stipulation, en vertu des coutumes qui l'établissent en termes exprés. L'usage est conforme à cette disposition, suivant ce qu'attestent Despeisses, Bretonnier et d'Olive.

Dans tout le reste du ressort de ce parlement, l'Augment est aussi en usage; mais il n'est dû que lorsqu'il est expressément stipulé par le contrat de mariage.

Le Bret, en son Histoire de la ville de Montauban, dit que cette ville jouit d'un droit coutumier touchant le mariage; savoir, du gain de la dot, en tout ou en partie; de l'Augment; de toute donation et de pension aux veuves sur les biens de leurs maris, quand elles ne se marient point; qu'au surplus on y suit le droit écrit.

La coutume générale d'Auvergne, pays coutumier, n'établit point d'Augment; et il n'est pas dû de plein droit, même dans les lieux de cette province qui sont régis par le droit écrit; mais à la suite de la coutume générale, il y a plusieurs coutumes locales qui établissent un gain de survie pour la femme, à proportion de sa dot, sous le nom d'Augment; telles sont les coutumes locales de la ville et châtellenie de Ritz, de Cusset, de Bullon, et plusieurs autres. Dans certains endroits, cet Augment est de la moitié de la dot; et dans d'autres, il n'est que du tiers.

Quoiqu'il n'y ait aucune loi, coutume ni statut, qui établisse l'Augment de dot dans les provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais, il ne laisse pas d'y être dû de plein droit et sans stipulation, en vertu de l'usage seul, suivant le témoignage de Bretonnier en ses observations sur Henrys.

La même chose a lieu dans les provinces de Bugey, Valromey et Gex, comme l'attestent Favre et Revel.

L'augment de dot est pareillement dû de plein droit et sans aucune stipulation, dans la principauté de Dombes, quoiqu'il n'y ait aucune coutume qui en dispose, et qu'il n'y soit fondé que sur l'usage.

A l'égard des autres pays où l'Augment est en usage, il n'y est dû qu'en vertu d'une convention expresse énoncée dans le contrat de mariage: tels sont les parlemens de Pau, de Grenoble, etc.

V. Quant à la quotité de l'Augment légal, elle ne se régle pas, comme le douaire coutumier, à proportion des biens du mari; elle se règle en quelques provinces selon la nature ou les forces de la dot; et en d'autres, suivant l'état et la qualité des conjoints.

Par les coutumes de Toulouse, l'Augment de dot est de la moitié de la valeur de la dot, sans aucune distinction de la qualité des biens qui la composent.

Par la coutume de Bordeaux, l'Augment se règle, non seulement à proportion de la dot, mais aussi eu égard à la qualité de la femme. Suivant l'art. 47 de cette coutume, la fille qui se marie, gagne le double de sa dot, quand elle survit à son mari; et suivant l'art. 49, la femme veuve qui se remarie, doit gagner seulement le tiers de sa dot.

Dans les provinces de Bugey, Gex et Valromey, l'Augment de dot coutumier se règle à proportion et suivant la nature de la dot.

Si elle est de valeur certaine, comme quand elle consiste en deniers, l'Augment est de la moitié.

Lorsque la dot est de valeur incertaine, et qu'elle consiste en héritages, meubles, vins, grains et autres denrées sujettes à estimation, la quotité de l'Augment dépend de la prudence du juge; on le règle ordinairement au tiers ou au quart de la valeur des biens, les dettes de la femme prélevées.

Et l'estimation des effets qui composent la dot, se fait eu égard à la valeur qu'ils avaient lors de la constitution de la dot; car si la valeur est augmentée ou diminuée depuis, le profit ou la perte concerne le mari seul, comme maître de la dot.

Si la dot est de valeur tout-à-fait incertaine, et qu'elle consiste en procès, droits et actions, il ne sera dû d'Augment, qu'autant qu'il sera réglé par le contrat de mariage, à moins que le mari n'ait traité de ces droits litigieux pour une certaine somme, ou qu'il ne les ait cédés pour des héritages ou d'autres effets. Dans ces cas, l'Augment serait du

selon l'estimation, après avoir déduit les dettes et les dépenses nécessaires.

Mais ce qu'il y a encore de plus singulier dans l'usage de ces provinces de Bugey, Gex et Valromey, c'est que l'Augment de dot coutumier n'est dû qu'aux filles; les veuves qui se remarient, n'en ont point.

Dans les provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais, l'Augment se régle pareillement suivant la nature et les forces de la dot; mais il y a quelques usages différens de ce qui se pratique dans le Bugey.

Quand la dot consiste en argent, l'Augment de dot coutumier est de la moitié, comme dans le Bugey.

Quand elle consiste en immeubles, l'Augment est du tiers de la valeur de ces biens.

Et si la dot consiste partie en argent, partie en immeubles, l'Augment est de la moitié de ce qui est en argent, et du tiers de la valeur de ce qui est en immeubles. La raison de cette diversité procède de ce que l'argent est plus utile au mari que les immeubles, surtout dans la ville de Lyon, à cause du commerce, dit Bretonnier.

L'usage n'est pas aussi certain pour la quotité de l'Augment, lorsque la dot consiste en meubles meublans ou effets mobiliers, comme grains, vins, denrées et autres choses semblables.

Favre estime qu'il faut porter le même jugement des meubles que des immeubles, par la raison, dit-il, que cette sorte de biens n'est pas à beaucoup près si avantageuse que l'argent comptant, les meubles ne rapportant aucun fruit, et le mari n'en ayant que le simple usage.

Bretonnier, dans ses observations sur Henrys, rapporte deux arrêts qui ont jugé la question.

Par le premier, rendu en la cinquième chambre des enquêtes le 6 mai 1697, il fut jugé qu'il était dû un Augment de meubles apportés en dot par la femme, et que cet Augment devait être de la moitié de la valeur des meubles.

Le deuxième arrêt, rendu en la première chambre des enquêtes, est du 1er septembre 1702. Dans l'espèce de cet arrêt, la femme s'était constitué en dot tous ses biens, tant meubles qu'immeubles, bestiaux, semences et denrées, sans néanmoins aucune estimation de ces effets mobiliers; elle prouvait, par une enquête, qu'elle avait réellement apporté tous ces effets, et en demandait l'Augment; cependant il ne lui fut accordé qu'à proportion des immeubles; en sorte que cet arrêt est directement contraire au précédent.

Bretonnier pense que pour se tirer de l'incertitude où jettent ces différens préjugés, il faut distinguer si les meubles, denrées et autres choses donnés en dot, ont été estimés, ou s'il n'y en a eu aucune estimation.

Si les effets mobiliers donnés en dot ont été estimés, soit par le contrat de mariage, soit par quelque autre acte postérieur au mariage, pour lors, suivant Bretonnier, le mari en doit l'Augment comme d'une somme de deniers; et il faudrait dire la même chose, si le mari, pour le paiement de la dot promise, avait pris des meubles ou d'autres effets mobiliers pour un certain prix.

Mais si la femme apporte des meubles sans aucune estimation, ou qu'il lui en vienne pendant le mariage, comme, en ce cas, la propriété de ces meubles demeure à la femme, il ne lui en est pas dû l'Augment; du moins on ne doit le lui donner que jusqu'à concurrence de la valeur du tiers, parceque les meubles ne rapportent pas plus au mari que les immeubles.

Et pour régler la quotité de l'Augment des meubles ou immeubles, lorsque leur valeur n'est point fixée par le contrat de mariage, on ne considère que la valeur qu'ils avaient au temps du mariage; ou s'ils sont échus depuis, la valeur qu'ils avaient au temps qu'ils sont échus, sans avoir aucun égard à la diminution ou augmentation survenue depuis.

Si la dot consiste en actions ou droits litigieux, pour qu'il en soit dû à la femme un Augment, il ne suffit pas que la somme ait été due au jour du mariage, il faut aussi qu'elle ait été exigible : et même si le mari est décédé sans avoir reçu le paiement des dettes actives qui composaient la dot, et qu'on ne puisse lui imputer à cet égard aucune négligence, Bretonnier estime que, dans ce cas, il n'est dû à la femme aucun Augment.

Mais si la dette qui n'était pas exigible au temps du mariage, l'est devenue depuis, l'Augment en est dû; et de même, toutes les fois que le mari a reçu quelque chose de la dot, ou qu'il est obligé d'en tenir compte, parcequ'il l'a laissé perdre par sa faute, l'Augment est dû à la femme à proportion de ce que son mari a reçu, ou de ce qu'il a pu recevoir : c'est le sentiment de Favre.

Quant à la quotité de cet Augment, Favre n'en parle point. Bretonnier dit que, s'il se fût expliqué, il l'aurait vraisemblablement réduite au moins au tiers; car du papier, dit-il, n'est pas de l'argent comptant; le plus souvent le recouvrement en est difficile, et le mari n'en retire le paiement qu'après bien des années et des dépenses: ainsi, c'est faire grâce à la

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