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pense; mais, comme l'observe Poulain du Parc, si cette décision était admise sans distinction, il en résulterait que l'action en revendication pourrait survivre près de soixante-dix années au moment où le proprietaire a cessé de posséder son héritage. Par exemple, l'usurpateur jouit trente-neuf ans; pendant tout ce temps, il n'y a d'autre action ouverte que celle en revendication. Il vend, et l'acquéreur s'approprie avant les quarante ans. Alors, la revendication est exclue, et il ne reste plus que l'action en récompense. Dira-t-on que celle-ci puisse durer trente ans ? Ce serait raisonner contre la maxime établie par la coutume, et tant de fois réclamée par d'Argentrée, que rien n'échappe à la prescription quadragénaire, nihil est quod quadragenariam præscriptionem effugiat.

D'Argentrée a-t-il donc eu intention de donner atteinte à cette maxime? Non. Il a parlé en général, sans faire attention aux cas particuliers, et l'on peut expliquer son sentiment, sans lui imputer une erreur. En général, après quarante ans, le propriétaire du bien usurpé n'a plus d'action; mais si, dans les dix pre. mières années, l'héritage a été vendu à un tiers qui s'en soit approprié, l'action en recompense prend la place de celle en revendi cation, et se prescrit par trente ans, du jour qu'elle est ouverte, quand même les trente ans seraient parfaits avant l'expiration des quarante ans qui auraient été nécessaires pour compléter la prescription, si la chose n'avait pas changé de main. Ainsi, en supposant la vente faite par l'usurpateur, et l'approprie ment de l'acquéreur dans la seconde année de l'usurpation, l'action en récompense est pres crite trente ans après l'appropriement, quoiqu'il n'y en ait que trente-deux expirés depuis l'usurpation.

Enfin, l'appropriement purge aussi le droit de retrait lignager. V. l'article Prémesse, et le no 2 de ce §.

Il y a néanmoins divers droits que l'appropriement ne purge pas. L'art. 280 de la coutume porte, à cet égard, que,« nonobstant » lesdits appropriemens, les rentes censives, » et autres foncières et droits seigneuriaux >> qui seront dus auparavant lesdits approprie » mens sur les héritages, ne laisseront d'être "payés à celui à qui ils étaient dus ».

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» l'église, continuassent de les payer ». C'est ainsi qu'il interprète ces mots du chap. 41 de la très-ancienne coutume, et n'est pas entendu que les rentes, cens et autres services ne doivent demeurer à payer à cil à qui étaient dus de paravant à l'hoir du FONdeur : mais ce mot de fondeur, où ce magistrat a sans doute puisé son opinion, peut signifier aussi bien les bailleurs de fonds que les fondateurs, et on sait même que beaucoup d'auteurs regardaient autrefois les rentes foncières comme imprescriptibles, soit parcequ'elles étaient attachées au fonds, et qu'elles passaient avec lui dans les mains des acquéreurs, soit par d'autres raisons puisées dans les subtilités du droit romain, comme on peut le voir dans le plaidoyer 121 de Frain. Un arrêt du 7 janvier 1627 l'avait ainsi juge; et, quoique cet arrêt ait été rendu en faveur des Augustins de Carhais, il paraît qu'on se fondait plutôt sur la qualité du droit, que sur la qualité des personnes.

Quant aux servitudes que l'on établit sur un fonds par constitution, un arrêt des enquêtes, du 24 novembre 1633, a jugé qu'elles se purgeaient par l'appropriement, lorsqu'on n'y avait pas forme d'opposition. (Additions à Sauvageau, art. 269, arrêt 2.)

La question pourrait souffrir plus de difficulté, si la servitude eût été retenue par le propriétaire lors de l'aliénation de la maison dont on s'est depuis approprié en vertu d'une nouvelle aliénation, parcequ'une telle servitude peut, à certains égards, être considérée comme une charge foncière.

Que doit-on dire à l'égard des arrérages et des droits echus?

Un arrêt du 15 novembre 1673 a jugé que l'appropriement n'avait pas purge les lods et ventes d'un précédent contrat. Un autre, du 26 mars 1683, a condamné un acquéreur à payer les arrérages d'une rente seigneuriale qui étaient échus avant son appropriement, et dans le temps où le vendeur était en possession. Mais ces décisions particulières sont contrariées par d'autres. Hevin rapporte trois arrêts des 6 avril 1593, 13 juin 1636 et 21 janvier 1678, qui déclarent de pareils arrérages purgés par l'appropriement. « Et en » effet (dit cet auteur), il est nécessaire de » l'établir ainsi; car les arrérages de rentes » et devoirs échus regardent seulement celui » qui possédait alors. Ce sont de simples cré» dits hypothécaires, et un acquéreur ne peut » être tenu des dettes du vendeur, que sur » le prix de son acquêt, sur lequel le sei» gneur de fief, appelé par les bannies, comme » tout autre créancier, doit, si bon lui sem

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»ble, s'opposer à se faire payer ». Poulain du Parc observe que cette doctrine «<< est aujourd'hui une maxime constante ». C'est aussi ce qu'atteste le commentateur de Devolant, lettre 5, chap. 7. Du reste, tel est encore le sentiment de d'Argentrée, en son Aitiologie, art. 280; de Chapel, ch. 323 ; de Sauvageau, liv. I, ch. 245, et sur du Fail, liv. 2, ch. 391.

Il a même été confirmé par un arrêt du mois de novembre, « lequel, dit Brillon (Dic»tionnaire des arrêts, au mot Appropriance), » déclare Bougis, commis à la poursuite de » la réformation, non-recevable à prétendre » des ventes et des rachats échus avant le con»trat d'acquisition d'une terre, suivi d'un » appropriement auquel il n'y avait point eu d'opposition, ni à la distribution du prix » de la vente, représenté et payé aux créan»ciers opposans ».

Enfin, Perchambaut dit aussi qu'il a vu rendre deux arrêts semblables.

Le douaire dû à la femme du vendeur, sur l'héritage de celui-ci, ne se purge point non plus par l'appropriement que l'acquéreur fait de son contrat. D'Argentrée avait pensé le contraire ; mais l'usage a proscrit son opinion, puisque, par la coutume, dit Poulain de Belair (traduction citée, art. 269, no 80), la femme a la saisine du douaire du jour qu'elle a misle pied au lit, il s'ensuit que cette saisine effective, établie par la loi, empêche que l'appropriement ait effet, si ce n'est à la charge du douaire ».

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Il a été jugé par arrêt du 29 avril 1655, confirmatif d'une sentence du présidial de Nantes, que l'appropriement de la vente d'un droit de dime, fait par un seigneur qui avait saisi ce droit féodalement, n'avait pas ôté à l'ecclésiastique à qui il appartenait, la faculté de le revendiquer.

II. Quant aux personnes, l'art. 270 de la coutume porte, « qu'après la certification » dûment faite, il ne sera reçu aucun oppo>> sant; ains sera l'acquéreur approprié

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L'art. 274 ajoute que « ceux qui sont ap» propriés par bannies d'héritages et droits » réels en la forme ci-dessus, sont défendus » contre quelques personnes que ce soit, ab» sens, mineurs, et tous autres, sans aucun » excepter, fors et réservé contre ceux qui » sont hors du duché au temps de la certifi » cation des bannies, lesquels ont an et jour » pour s'opposer, à compter du jour de ladite >> certification, contre lesquels seraient requis » que l'acquéreur eût tenu lesdites choses par » an et jour, sans empêchement après ladite >> information et certification de bannies ». L'art. 302 dit enfin que « le prême qui n'est

» demeurant au duché, ou est absent dudit

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duché, a an et jour, après l'information et » certification faite des bannies en jugement, » pour demander la prémesse ».

Il n'y a donc que les absens hors du duché de Bretagne qui ne sont exclus pas par la seule certification de bannies. L'église même n'est point exempte de la loi commune : « Il faut >> assurer (dit Perchambaut), que, si une tierce » personne se trouvait en possession actuelle » du bien d'église, elle le pourrait vendre, et >> l'on pourrait s'en approprier selon cet arti>>cle, non-seulement à cause que d'Argentrée » l'ayant soutenu avant la réformation, on » n'a point dit le contraire, mais encore parce» qu'on a ajouté, sans aucun excepter, ce qui >> comprend les ecclésiastiques, qui ne s'oppo» sérent point à cet article. D'Argentrée dit » même que c'est par omission qu'on ne les a » point spécifiés, et qu'il avait été arrêté qu'ils >> seraient dénommés ».

Un arrêt du 5 juillet 1633 a néanmoins jugé que l'église ne devait pas souffrir d'un appropriement qui avait pour objet des biens aliénés pour cause de subvention, et conséquemment avec faculté de rachat perpétuel. Hévin, qui rapporte cet arrêt sur l'art. 274, no 6, dit qu'il en a été rendu depuis une infinité de

semblables.

Quant aux mineurs, Perchambaut fait des distinctions très-sages sur la décision de l'art. 274, à leur égard.

Il est constant, dit-il, 1o que, s'ils vendent leur bien, et qu'on s'en approprie, l'appropriement est incertain, puisqu'il ne subsistera pas, s'ils sont restitués contre le contrat ; 2o si c'est leur tuteur qui le vend, on ne peut s'en approprier, puisqu'il faut avoir acquis du saisi, et que le tuteur ne le possédait qu'au nom d'autrui; 3o quand les mineurs se trouvent en possession du bien d'autrui, ils peuvent le vendre, et les acquéreurs s'en approprier; mais si le mineur se fait restituer,

à cause des dommages-intérêts auxquels il serait sujet, le contrat et l'appropriement deviennent nuls; 4° si un étranger se trouve en possession du bien d'un mineur, et qu'il le vende, ou si on achète une terre hypothé quée à des mineurs, notre usage est qu'on s'en peut valablement approprier à leur préjudice, et d'Argentrée dit que c'est l'espèce de cet article.

On doit ajouter à tout cela ment n'a lieu contre les mineurs, que lorsque l'approprie qu'ils sont pourvus de tuteurs. Un arrêt du 27 mars 1626, rapporté par Frain, et plu. sieurs autres allégués par Sauvageau, l'ont ainsi jugé, sur le fondement que le mineur

impourvu est dans l'impossibilité d'agir et de s'opposer à l'appropriement.

Quant aux absens, on ne pouvait s'approprier contre eux, par l'ancienne coutume, que huitaine après leur arrivée dans la province; mais comme cette exception mettait les acquéreurs dans l'impossibilité de s'approprier sûrement, on s'est contenté de proroger leur action à un an après la certification des bannies. D'Argentrée pense qu'on doit entendre par absens, ceux qui sont domiciliés hors de la province; et le sentiment de cet habile homme semble avoir d'autant plus de poids, qu'il est l'auteur de l'art. 274. Cependant Perchambaut ne balance pas à décider qu'on doit entendre par-là ceux qui ne sont pas dans la province au temps de la certification des bannies. «L'opinion de d'Argentrée est, dit-il, » contre l'esprit et les termes de la coutume, » et notre usage est constant que, quand on » serait présent lors des bannies, on aurait » un an pour s'opposer, si on était absent » lors de la certification; et rien n'est plus » commun à ceux qui sont proche les frontie»res de la province, que d'en sortir lorsque » la certification doit se faire. D'Argentrée >> convient aussi que l'usage est contre lui. » A l'égard d'un étranger qui se trouverait » par hasard dans un coin de la province lors » de la certification, il est constant que les » appropriemens se feraient contre lui, parce» que les mots de ces sortes de lois sont ty>> ranniques ».

Belordeau observe à cet égard, que, s'il y avait des héritages situés dans les marches communes d'Anjou, de Poitou et de Bretagne, l'appropriement fait en Bretagne ne pourrait pas faire préjudice à ceux qui sont demeurans hors la province. On l'a ainsi jugé, dit-il, le 22 juin 1600, conformément à de précédens arrêts des années 1570 et 1576: les lignagers demeurans dans d'autres provinces, furent reçus à la prémesse après l'appropriement de l'acquéreur, fait en Bretagne avec toutes les formalités nécessaires.

L'art. 303 décide qu'aux cas de prémesse ou du retrait, c'est à celui qui se prétend absent à prouver la vérité de son allégation; et cette décision doit également avoir lieu dans les autres cas, puisque c'est au demandeur à établir le fondement de sa demande.

L'art. 311 paraît, au contraire, tirer une mauvaise conclusion d'un principe très-juste. Il y est dit « que la premesse (ou retrait) n'appartient à aucun, s'il ne l'a au temps de la bannie ou certification; comme si un enfant était encore à naître après la certification, il n'aura prémesse ».

Il est reconnu qu'un enfant n'a pas besoin d'être né, pour jouir de ces droits, lorsque l'exercice peut lui en être avantageux. Il doit donc suffire que l'enfant soit conçu au temps de la certification, pour pouvoir exercer le retrait; mais comme l'appropriement purge ce droit contre les mineurs même, celui qui etait conçu avant l'appropriement, ne peut pas exerceraprès l'appropriement, à moins qu'on n'eût fait opposition en son nom pour cet objet. C'est apparemment tout ce que l'article 311 a voulu dire.

Au surplus, lorsqu'un retrait est fait en fraude de l'acquéreur, pour transmettre la propriété du domaine à un étranger à son préjudice, l'appropriement fait par ce second acquéreur ne peut pas nuire au premier, quoiqu'il n'y ait pas formé d'opposition. On a déjà parlé d'un arrêt du 26 août 1718, qui l'a ainsi jugé. V. le no 2 du §. 2.

L'acquéreur qui est en même temps créancier, n'est pas obligé de s'opposer à son appropriement, parcequ'il n'a pour objet que d'exclure les créanciers étrangers. C'est ce qu'établissent deux actes de notoriété des 12 mars 1712 et 12 octobre 1719, rapportés par Devolant, nos 65 et 146.

Il en est de même du créancier délégué par le contrat en vertu duquel l'acquéreur s'approprie.

C'est aussi ce qui a lieù, suivant le second des actes de notoriété cités, en faveur de l'héritier bénéficiaire, créancier de la succession dont les biens ont été vendus.

Cet acte de notoriété étend la même décision aux autres créanciers de la succession bénéficiaire; et sur le principe que le prix de la vente est uniquement destiné au payement des dettes, il déclare qu'il leur suffit d'agir dans les trente ans depuis la distribution. On doit du moins convenir, comme l'observe Poulain du Parc (Loc. cit., art. 274), que « cette destination est décisive en faveur du créancier qui, sans s'être opposé dans la saisie, ni à l'appropriement de l'adjudication des biens saisis, vient, entre la bourse et les deniers, sur le prix de ces biens ».

Le vendeur n'a pas non plus besoin de s'opposer à l'appropriement, pour conserver ou les droits qui lui sont acquis par le contrat, ou les actions qu'il peut avoir pour l'attaquer; et réciproquement il ne peut pas évincer l'acquéreur, sous prétexte qu'il n'est pas approprié. C'est ce qu'attestent deux actes de notoriété des 30 mai 1701 et 27 avril 1702, rapportés par Devolant. Ainsi l'appropriement ne peut nuire qu'aux tierces personnes, et il ne produit aucun effet entre les contractans.

Lorsqu'il y a dol ou fraude, soit dans le contrat, soit dans les bannies, on doit, nonobstant la certification et l'appropriement qui s'en est suivi, recevoir, pendant les dix années subséquentes, l'opposition de tous ceux que l'acquéreur a voulu surprendre. Cela est ainsi réglé par l'art. 275 de la coutume.

Enfin, lorsqu'il y a dans l'appropriement quelque vice de forme, on couvre, par l'appel que l'on en interjette, le défaut dans lequel on a été d'y former opposition.

Mais, suivant un acte de notoriété du 6 avril 1700, inséré dans le recueil de Devolant, cet appel n'est plus recevable aprės trente ans, et l'on ne peut, en ce cas, obliger l'acquéreur de représenter les pièces sur lesquelles le jugement d'appropriement a été rendu.

§. X. De quelques autres espèces d'approprie

ment.

Outre l'appropriement par trois bannies, dont on vient de parler dans tous les paragraphes précédens, la coutume de Bretagne en admet plusieurs autres.

I. L'art. 47 admet une espèce d'approprie ment pour les épaves : il exige qu'on les garde quarante jours, pendant lesquels on doit faire «trois bannies par trois dimanches consécu»tifs, après la grand'messe de la paroisse où » la chose a été trouvée, et une fois au pro» chain marché, lesquelles bannies seront vé»rifiées du juge du seigneur du lieu; après » quoi, s'il ne se présente personne pour ré» clamer l'épave, le seigneur haut justicier la » peut exploiter, et en retenir à lui les deux » tiers, en donnant l'autre tiers à celui qui l'a » trouvée, tous dépens et mises préalablement » payés sur icelle ».

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L'article ajoute « que, si, par avant qu'elle » fût dépendue (c'est-à-dire, dépensée ou dénaturée), ou que lesdits quarante jours soient passés, aucun avoue et vérifie la chose sienne, » il la doit avoir et recouvrer, quelque part » qu'elle soit, ou l'argent qui en sera provenu, >> en payant par lui tous loyaux frais, mises » et dépens; et après ladite chose dépendue, » lesdits quarante jours passés, et bannies fai»tes, vérifiées comme dessus, le seigneur ni >> autres ne seront tenus répondre de ladite » chose; et celui qui l'exploiterait sans garder » la forme ci-dessus, chet en crime ».

Cet article, comme on le voit, n'établit qu'une Appropriance très-imparfaite; elle se réduit presque à ne pas obliger le seigneur à rendre la chose égarée en espèce, lorsqu'il en a disposé après avoir suivi les formalités prescrites par la coutume.

II. L'art. 537 admet une autre espèce d'ap.

propriement en faveur des démissionnaires. V. Démission.

III. L'on vient de voir au paragraphe précédent, que l'appropriement n'avait lieu contre les absens qu'après l'an et jour de certifi cation des trois bannies que la coutume exige pour purger les droits des personnes présentes.

L'art. 283 ajoute « qu'entre frères et sœurs » et autres cohéritiers, le détenteur de l'héri»tage partagé entre eux, est approprié par » an et jour, sans bannies au regard de ses » cohéritiers >>.

Sauvageau observe qu'on doit ajouter à cet article la limitation suivante, s'il n'y a trouble et éviction du tout et de partie de sa lottie, conformément aux arrêts recueillis par Belordeau, et au texte même de l'art. 142, qui assujettit les cohéritiers à la garantie les uns cn

vers les autres.

IV. L'art. 284 admet une espèce d'appropriement ou de prescription des meubles par cinq ans, s'il n'y a obligation, lettre ou promesse par écrit.

V. L'art. 271 déclare approprié envers et contre tous, après dix années d'une possession notoire, celui qui a acquis héritages ou droits réels, par quelque titre ou contrat que ce soit, lorsqu'après en avoir pris possession réellement, il en a fait une bannie au moins, dont il a informé en jugement, huitaine après, en la forme que dessus. Il faut donc les mêmes conditions dans le titre, et les mêmes formalités à la prise de possession, à la bannie et à la certification, pour cet appropriement, que pour celui qui a lieu par trois bannies; et les effets en sont absolument les mêmes.

C'est la décision de Perchambaut, qui remarque aussi que l'appropriement par dix années n'avait été introduit, dans l'origine, que pour exclure le retrait, et qu'il n'était point question des créanciers.

L'insinuation parait également nécessaire dans cette espèce d'appropriement.

L'auteur du commentaire de la coutume de Bretagne, imprimé à Nantes, est d'avis que, pour donner lieu à cet appropriement, il n'est pas nécessaire que le vendeur ait été en possession depuis an et jour avant d'aliéner : mais cette opinion a été proscrite par un arrêt du mois de juillet 1664, rapporté par Sauvageau, liv. 1, chap. 114.

VI. L'article suivant admet un appropricment semblable en faveur de tout acquéreur ayant titre en vertu duquel il a possédé actuellement et notoirement 15 ans entiers et ac

complis, par lui et ses auteurs, à compter du jour de la possession prise sans interruption.

L'art. 275 ajoute que, « s'il y avait dol ou

» fraude au contrat ou bannies, compétera ac» tion, nonobstant lesdites bannies et certifi» cation d'icelles, jusqu'à dix ans apres ladite » certification; et où il n'y aurait bannies, ne >> sera aucun recevable après les quinze ans, » à compter du jour du contrat et possession >> prise, à débattre le contrat de dol, fraude, » ni insinuation, et demeurera l'acquéreur, » comme dit est, approprié ».

Sauvageau enseigne que l'appropriement de quinze ans doit aussi avoir lieu lorsque l'acquéreur n'a pas acquis du saisi. Cette règle a, dit-il, pour fondement la généralité des expressions de l'art. 272, et l'arrêt donné pour la terre de la Colombière, vendue par le mari. Cet arrêt et plusieurs autres ont décidé « que » la nécessité de la possession annale de la part » du vendeur, n'avait lieu qu'aux approprie » mens par bannies, et non aux approprie » mens par quinze ans ».

Au reste l'appropriement de quinze ans ne diffère de ceux par trois bannies, ou par une seule bannie, ni quant à la nature des choses qui peuvent en être la matière, ni quant à celle des titres qui en sont susceptibles, ni quant aux effets qui en résultent.

Il n'y a donc entre ces trois sortes d'appropriemens, d'autre différence que celle du temps et de la forme. Ce dernier objet exige des observations.

La première, que la possession doit être prise par écrit, comme pour les appropriemens par des bannies. Cela est constant dans l'usage.

La seconde, que le contrat doit être insinue au greffe des appropriemens. Le parlement de Bretagne avait arrêté le contraire, le 27 août 1626, en enregistrant l'édit du même mois. Mais on a vu au §. 3, que cette modification fut cassée par un arrêt du conseil du 30 septembre 1628, dont l'exécution a été ordonnée par deux autres des 5 mars 1630 et 10 octobre 1636, avec défenses aux notaires de dresser aucun acte de prise de possession avant que le contrat soit insinué, à peine de nullité et de 2000 liv. d'amende. (Sauvageau, tit. des Édits et arrêts, p. 80.)

par.

On prétend, à la vérité, qu'un arrêt du lement de Bretagne, du 16 janvier 1665, confirmé au conseil le 2 août 1667, a encore jugé valablement acquis un appropriement de 15 ans, qui n'avait pas été précédé d'insinuation (Hévin, sur l'art. 272 de la coutume, no 6). Mais il faut qu'il y ait eu, dans l'espèce, des circonstances particulières : du moins Poulain du Parc (Idem, not. e), nous assure que « de» puis long-temps la maxime sur la nécessité de » l'insinuation pour l'appropriement de quinze » ans, est hors d'atteinte ».

VII. Enfin, l'art. 282 admet l'appropriement ou la prescription sans titre en faveur de celui qui a joui paisiblement et notoirement, par lui ou ses auteurs, durant quarante années; et cette espèce de prescription a lieu contre mineurs, absens, communautés, même entre frères et sœurs, pour leurs partages. Cette prescription suit d'ailleurs les règles observées dans le droit commun pour la prescription trentenaire, qui n'est admise en Bretagne que pour les matières personnelles. V. l'art. 284 de la coutume de Bretagne. (MM. GArran de CouLON et MERLIN.)

[[ §. XI. Législation actuelle. Toutes les règles que l'on vient de retracer venir, par l'art. 56 de la loi du 11 brumaire sur l'Appropriance, ont été abrogées, pour l'acivil en a consacre irrévocablement l'abroan 7, sur le régime hypothécaire; et le Code gation. ]]

* APROCHER, APROIMIER. Ces deux mots sont synonymes: on les a dits autrefois, et le premier s'emploie encore aujourd'hui dans quelques provinces, pour appeler en justice. (G. D. C.)*

[[ARAGE. Sorte de redevance sur la nature de laquelle il s'est élevé dans l'espèce suivante, une contestation fort remarquable.

par

En décembre 1251, acte par lequel Thibaut II, comte de Bar, approuve un traité fait entre sire Geoffroy, chevalier de Vaucouleurs, son homme et féal, et l'abbaye de Mureaux ; et par lequel, en contre-échange de divers biens fonds qui lui sont cédés les religieux, Geoffroy cède à ceux-ci douze ▾ réseaux de bled pur à prendre chacun an en la partie des Arages de Lifflot-le-Grand que il tient du comte. Les douze réseaux de bled devantdit, ajoute l'acte, doivent se faire dé livrer à l'abbé et couvent de Mureaux d'où premier payement li signour Geoffroy franchement et sans ocquison.

En 1342, Antoine Dumassiot cède à l'abbaye de Mureaux une autre portion du même droit d'Arage.

En 1440, une contestation s'élève entre la même abbaye, le chapitre de Lamotte et d'autres co-propriétaires de ce droit, sur la quotité des portions qu'ils y ont respectivement. Le 16 septembre de la même année, le bailli de Bassigny délivre une commission pour les mettre toutes sous la main de justice pendant le procès. Il est dit dans cette commission, que lesdits Arages sont situés audit Lifflot-leGrand, en la puissance et seignorie du roi de Sicile, notre sire, duc de Lorraine et de Bar. Le 25 du même mois, sentence définitive

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