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mière instance du domicile du mari, que l'autorisation doit être accordée, lors même qu'il s'agit, pour la femme, de se constituer demanderesse à l'effet de poursuivre une affaire devant un autre tribunal; tel est évidemment, comme l'observe M. Proudhon (Cours de Droit français, tome 1er, pages 270 et 271), le sens de l'art. 861 du Code de procédure, et on le jugeait ainsi même avant que ce Code fût en activité.

Anne Cézan, femme séparée de biens de François Castaing, et marchande publique, s'étant pourvue, sans être autorisée de lui, en cassation de cinq jugemens en dernier ressort du tribunal civil de l'arrondissement de Marmande, il est intervenu, à la section des requêtes, le 21 germinal an 12, au rapport de M. Oudot, arrêt qui, « vu les art. 215 » et 218 du Code civil, et attendu qu'il ne » paraît pas que Anne Cézan soit autori»sée par son mari pour ester en jugement » au tribunal de cassation, ordonne, avant » faire droit, qu'elle rapportera l'autorisation » de son mari, ou à son refus, celle du tri»bunal civil de l'arrondissement de son do» micile, pour, après le rapport de cette » autorisation, être statué ce qu'il appar

» tiendra ».

On trouvera aux mots Effet rétroactif, sect. 3, §. 2, art. 5, un arrêt du 20 thermidor de la même année, par lequel la même cour a prononcé de même.

Le 22 octobre 1807, arrêt semblable, sur la demande de Marie-Thérèse Bourgines, femme du nommé Demeaux, condamné à une peine afflictive temporaire, en cassation d'un jugement en dernier ressort du tribunal civil de Châteaudun, du 18 ventóse an 12, rendu au profit de François Ménager et consorts.

Mais si c'est comme défenderesse que la femme doit plaider, le juge devant qui elle est assignée, est compétent pour l'y autori ser, au défaut ou sur le refus de son mari. V. l'arrêt du 17 août 1813, rapporté aux mots Sénatus-consulte Velléien, S. 3, no 4. VIII. Lorsqu'une femme non autorisée par son mari à plaider, néglige de s'y faire autoriser par la justice, que doit faire la partie adverse?

Elle doit requérir le juge d'autoriser luimême cette femme; et si elle ne le fait pas, le jugement qu'elle pourra obtenir contre cette femme, sera nul.

Dans la seconde des espèces rappelées au no précédent, la femme Demeaux ayant rapporté, en exécution de l'arrêt du 22 octobre 1807, un jugement du tribunal civil de

Châteaudun, qui l'autorisait à ester en justice, employait pour moyen de cassation contre le jugement du 18 ventôse an 12, la circonstance que ce jugement avait été rendu contre elle, sans qu'elle eût été autorisée par son mari ni par le tribunal.

François Ménager et consorts répondaient que la femme Demeaux n'ayant pas jugé à propos de se faire accorder l'autorisation exigée par la loi, elle ne pouvait pas se plaindre d'une irrégularité qu'elle avait commise ellemême; que l'art. 221 du Code civil voulait qu'elle se fit autoriser; et que par conséquent c'était à elle à remplir cette formalité.

Par arrêt du 29 mars 1808, au rapport de M. Zangiacomi,

« Vu l'art. 221 du Code civil.....; considérant que la femme Demeaux, étant dans le cas prévu par cet article, n'a pu ester en jugement, sans y être autorisée par la justice; que ce moyen d'ordre public n'a pu être couvert par la négligence que cette femme a mise à se faire autoriser; que d'ailleurs tous ceux qui intentent un procès, doivent s'assurer de la capacité de la personne qu'ils poursuivent, et veiller à ce que les formalités prescrites pour la validité des jugemens, soient remplies; qu'ainsi, la femme Demeaux n'ayant pas requis l'autorisation sans laquelle elle était inhabile à se défendre, c'était à sa partie adverse à la provoquer, ou aux juges à la donner d'office; considérant qu'en s'écartant de ces principes, le tribunal de Châteaudun a violé l'article ci-dessus cité;

» La cour casse et annulle le jugement rendu le 18 ventôse an 12, par le tribunal de Châteaudun.... ». ]]

SECT. IX. Une femme qui ratifie, après la dissolution du mariage, un acte qu'elle a fait étant mariée, sans autorisation de son mari ni du juge, le rend-elle valable; et de quelle époque sa validité doit-elle dater?

S'il faut en croire les nouveaux éditeurs de la collection de Denisart, « on juge aujour» d'hui que la nullité » (des actes faits sans autorisation) << ne peut être couverte même » par des actes approbatifs émanés de la » femme, postérieurement à la mort de son » mari ».

Ces auteurs établissent leur assertion sur l'arrêt du 27 mai 1702, qui est inséré dans le recueil d'Augeard. Il s'agissait en effet, dans l'espèce de cet arrêt, d'une donation qu'une femme avait faite sans autorisation valable, mais qu'elle avait approuvée depuis la mort de son mari. Le châtelet l'avait déclarce

nulle, et sa sentence a été confirmée avec amende et dépens.

Les mêmes auteurs ajoutent : « S'il n'était » question cependant que d'une dette con» tractée par une femme, et qui n'excédát » pas la valeur de son mobilier, on pourrait » soutenir qu'en ce cas, la reconnaissance » qu'elle en donnerait, après la mort de son » mari, l'obligerait à l'acquitter. - La dame » de Villiers (continuent-ils) avait souscrit, » sans l'autorisation de son mari, un billet » au profit d'un particulier. Elle en fit un » second, après la mort de son mari, au pied » du premier, en ces termes : plus, je recon»nais. Cette expression fut jugée suffisante » pour valider le premier engagement, et » elle fut en conséquence condamnée à payer » le montant de ses deux billets, par arrêt » du 3 juillet 1709, également rapporté par » Augeard ».

Ainsi, selon les auteurs cités, pour déci der si la ratification d'une veuve valide un

acte qu'elle a souscrit pendant le mariage; sans autorisation, il faut examiner si l'objet ou la somme qui fait la matière de cet acte, est considérable ou modique; et dans ce dernier cas, on doit adopter l'affirmative : mais l'opinion contraire ne doit souffrir nulle difficulté dans le premier.

Cette doctrine n'enlevera sûrement pas beaucoup de suffrages parmi les jurisconsultes. Sans doute, quand une femme, après la mort de son mari, aurait fait des actes approbatoires d'une donation nulle par le défaut d'autorisation, cette approbation, si elle n'était elle-même une nouvelle donation re

vêtue de toutes ses formalités, n'empêcherait point la femme ou ses héritiers de réclamer, et c'est ce qu'a jugé l'arrêt du 27 mai 1702. [[ C'est même ce qu'on jugerait encore actuellement, d'après l'art. 1339 du Code civil. ]]

Mais si, au lieu d'une donation, c'est un contrat, un acte, un billet qui n'exige aucune formalité, et pour la perfection duquel un simple consentement suffit, dès qu'il est donné par une personne capable alors, sans examiner s'il porte sur une dette ou sur une alienation, sans distinguer si l'objet en est considérable ou modique, on doit décider absolument que la ratification faite après le mariage, couvre le défaut d'autorisation, et que la veuve répare la nullité commise par la femme.

Pourquoi en effet un consentement rédigé dans la forme d'une ratification, serait-il moins obligatoire que s'il l'était en termes purs et simples? Qu'une veuve, au lieu de

dire: Je vous vends ma maison, me dise : Je ratifie la vente que je vous ai faite de ma maison, l'une et l'autre manière de s'exprimer ne reviennent-elles pas au même, quant à l'effet; et n'annoncent-elles pas également toutes deux, de la part de celle qui parle, une intention libre et autorisée par la loi, de s'exproprier du bien qu'elle a en vue?

C. si

Il est inutile d'objecter, comme on le faisait lors de l'arrêt du 3 juillet 1709, que la ratification d'un contrat nul est nulle ellemême. Ce prétendu axiome est démenti par les lois les plus précises (V. la loi 1, major factus ratum habuerit; la loi 6, C. de D. de regunuptiis; et Dantoine sur la loi 29, lis juris ); et il y a dans le droit mille exemples qui en prouvent la fausseté, du moins par rapport aux actes pour la validité desquels un simple consentement suffit. V. Confirmation et Conventions matrimoniales, §. 2.

Au surplus, l'arrêt de 1709 n'est pas le seul qui ait donné à la ratification d'une veuve, la vertu de couvrir le défaut d'autorisation. En voici un plus récent qui la juge de même.

Renon, perruquier à Paris, qui envoyait des marchandises dans les îles, fit, au profit de Jean Trussaux, parfumeur, un arrêté de compte de 765 liv., au bas duquel sa femme, qui n'y était ni nommée ni autorisée, écrivit ces mots J'approuve l'écriture ci-dessus, signée femme Renon.

Renon étant décédé, sa veuve manda à Trussaux, par une lettre du 1er juillet 1749, qu'elle allait passer dans les îles pour recouvrer des fonds et le payer.

Trussaux n'attendit par son retour; il la fit assigner aux consuls, et obtint contre elle, le 3 septembre de la même année, la condamnation des 765 livres de principal et intérêts.

La veuve Renon mourut; et Trussaux fit assigner le tuteur de ses enfans, pour voir déclarer exécutoire la sentence des consuls.

Le tuteur répondit que ses mineurs ne pouvaient pas éviter la condamnation, comme héritiers de leur père; mais qu'ils ne devaient rien du chef de leur mère, parcequ'elle n'était point obligée par l'arrêté où elle n'était pas même nommée; et pour faire cesser les moyens résultant de la sentence des consuls, il en interjeta appel.

Par arrêt rendu en vacations, le jeudi 5 octobre 1758, le parlement de Paris a condamné le tuteur à payer, tant du chef du père que de la mère.

« On s'est principalement déterminé (dit Denisart) sur la lettre de la mère, écrite le 1er juillet 1749, et sur ce que les mineurs étaient héritiers des deux ».

[[V. l'art. 1338 du Code civil. ]]

Mais il reste une question : c'est de savoir si une veuve, en ratifiant son obligation, la fait valoir du jour où elle l'a contractée, ou seulement du jour de la ratification.

Un arrêt du 23 juillet 1667, rapporté au Journal du Palais, a jugé qu'un contrat fait par un mineur et ratifié par lui en majorité, porte hypothèque du jour de sa confection mais cet exemple ne doit pas tirer ici à conséquence. La nullité du contrat que le mineur a fait sans l'autorité de son tuteur, n'est que relative et n'a lieu qu'autant que le mineur trouve à propos de la faire valoir; et c'est pourquoi elle est censée n'avoir jamais existé, lorsque le mineur, devenu majeur, a approuvé l'acte qui en était frappé. Il en est

autrement des contrats faits sans Autorisation par une femme en puissance de mari : on a vu plus haut que la nullité en est absolue; ainsi, l'approbation que la femme juge à propos d'y donner, lorsqu'elle est devenue veuve, ne peut valoir que comme un nouvel engagement qu'elle s'impose, et par conséquent elle ne peut avoir d'effet que du jour où elle est intervenue.

[[Aujourd'hui, nul doute que la ratification donnée en viduité par la femme, à l'acte par lequel elle avait hypothéqué ses biens pendant le mariage, ne doive produire son effet, à compter du jour de l'acte même d'hypothè que. Cela résulte du principe consacré par l'art. 225 du Code civil, que la femme, le mari et leurs héritiers sont seuls recevables à faire valoir la nullité résultant du défaut d'Autorisation.

Si cependant les biens hypothéqués par la femme non autorisée, l'avaient été depuis par elle avec Autorisation, le créancier à qui aurait été donnée la seconde hypothèque, pourrait-il réclamer la priorité sur la première?

Il est certain que, si la femme devenue veuve, demandait la nullité de la première hypothèque, celle-ci serait annullée sans la moindre difficulté. Or, la femme peut-elle, au préjudice du créancier avec qui elle a traité légalement, renoncer au droit qu'elle a de faire annuller une hypothèque qui nuit à ce créancier ? Et si elle n'exerce pas ce droit, ce créancier ne peut-il pas l'exercer lui-même ? On sait que, dans notre jurisprudence, les créanciers sont toujours admis à l'exercice des actions de leur débiteurs; telle est d'ailleurs la disposition de l'art. 1166 du Code civil. Mais voyez ce que j'ai dit là-dessus dans mon Recueil de Questions de droit, au mot Hypothèque, S. 4, 4, 5, 6 et 7. ]]

nos

SECT. X. Questions mixtes qui naissent de la variété des lois, coutumes et usages, par rapport à l'Autorisation maritale.

I. On a vu jusqu'à présent que notre jurisprudence n'a presque rien d'uniforme sur l'Autorisation maritale.

Dans quelques coutumes, la femme ne peut pas plus disposer par testament que par actes entre-vifs, si elle n'est autorisée de son mari. Dans la coutume de Paris, elle n'a besoin d'Autorisation que pour disposer entre-vifs; elle peut, sans Autorisation, disposer par

testament.

A Paris, le simple consentement du mari ne suffirait pas pour rendre la femme capable; il faut qu'il déclare précisément, formellement, qu'il l'autorise. Les coutumes de la Marche, de Sens, de Bar, ne demandent que son con

sentement.

A Paris, l'Autorisation doit être spéciale pour chacun des actes que la femme est dans le cas de passer. A Lille, à Douai, à Valenciennes, à Arras, une Autorisation générale remplit le vœu de la coutume.

A Paris, la séparation de biens ne rend la femme capable de contracter que pour ce qui est relatif à l'administration de son bien, et ne traire, les coutumes de Hainaut, de Montarlui donne aucune capacité d'aliéner. Au congis, de Dunois, et plusieurs autres, déclarent la femme séparée aussi libre que si elle n'était pas mariée.

A Paris, les obligations qu'une femme mariée contracte sans autorisation, sont radicalement nulles, et demeurent telles après la mort, comme pendant la vie, du mari. Dans d'autres coutumes, telles que Bayonne, les engagemens de la femme contractés sans l'Autorisation de son mari, ne sont pas nuls; l'exécution en est seulement suspendue pendant la vie du mari. Aussitôt que le mari est mort, ces engagemens reprennent toute leur force.

Il y a plus dans presque tous les pays de droit écrit, la formalité de l'Autorisation est inconnue.

Une aussi prodigieuse variété dans nos lois sur la nécessité et la forme de l'Autorisation, ne peut manquer d'être une source féconde de questions mixtes. Une femme domiciliée à Paris a des biens dans le Languedoc : pour disposer de ces biens, faut-il qu'elle soit autorisee de son mari ? Une femme domiciliée en Artois a toute sa fortune dans la capitale : faut-il, pour en disposer, qu'elle soit autorisée spécialement, ou peut-elle se contenter d'une Autorisation générale et indéfinie ? etc.

II. On sait qu'il n'est pas, dans notre droit, de matière plus épineuse que ces sortes de

questions, et qui ait ouvert un plus vaste champ aux disputes des docteurs : mais au milieu des dissensions qui ont partagé les écoles, il est toujours resté certains points éminens que n'ont point couverts les flots des controverses, et qui, dans tous les temps, ont préservé de l'erreur ceux qui ont cherche de bonne foi la vérité.

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Un de ces premiers points sur lesquels il n'y a jamais eu deux opinions, c'est que les dispositions de nos lois ne sont ni toutes réelles, ni toutes personnelles; qu'elles prennent toujours la nature et le caractère du sujet sur lequel elles statuent; que, quand elles prononcent sur l'état des personnes, sur leur capacité ou incapacité, elles forment des statuts personnels; que, quand elles règlent la qualité, la transmission, la disposition des biens, elles forment des statuts réels.

Que cette distinction des statuts réels et des statuts personnels soit un point constant, et sur lequel il n'y a jamais eu de difficulté, c'est ce que supposent les disputes mêmes des docteurs. D'où sont nées toutes leurs divisions, si ce n'est de ce qu'ils ne s'accordaient pas sur les marques caractéristiques auxquelles on doit reconnaître les statuts réels et les statuts personnels? C'est encore ce que suppose l'ordonnance du mois d'août 1735. Elle décide, art. 74 et 75, que le statut de la survie, dans les coutumes de Normandie, de Bourgogne et de Bourbonnais, sera regardé comme un statut réel. A quoi bon cette décision, s'il n'y avait dans les coutumes que des statuts réels, s'il n'y en avait pas de personnels ?

Un second principe, également incontestable, c'est que les dispositions des coutumes, quand elles sont personnelles, ont leur effet partout, même sur les biens situés hors de leur territoire; et que, quand elles sont réelles, elles ne commandent que dans leur territoire, mais qu'elles y commandent à tous,

domiciliés ou non.

La coutume de Paris, par exemple, ne permet de disposer par testament que du quint de ses propres : elle affecte les quatre autres quints aux héritiers de la ligné du premier acquéreur; c'est une espèce de substitution qu'elle établit dans les familles. Sans doute, cette disposition ne peut tomber que sur les immeubles qui sont situés dans le ressort de la coutume de Paris. Il est impossible qu'elle s'étende sur des immeubles qui sont situés, par exemple, dans les pays de droit écrit; mais la disposition de la coutume de Paris, quoique bornée aux immeubles de son territoire, n'en a pas moins effet contre les per

sonnes qui sont domiciliées hors de son terridemeure le posque toire. En quelque lieu sesseur d'un propre situé dans la coutume de Paris, il ne pourra disposer que du quint par testament, quoique la loi de son domicile lui permette de léguer l'universalité de ses immeubles: la liberté qu'il a de tester, est gênée par la situation de ses immeubles ; et ainsi, le statut réel, par une suite de sa réalité, commande à la personne même qui demeure hors de son territoire.

Il en est de même du statut personnel. En agissant immédiatement sur la personne qui est soumise à son empire par le domicile, il agit nécessairement sur les biens qui appartiennent à la personne, et qui, par leur situation, sont hors de son empire. Si la loi du domicile déclare la personne incapable de vendre, d'aliéner, de contracter, de s'obliger d'une manière ou d'une autre, il est impossible que les immeubles qui appartiennent à la personne, en quelque pays qu'ils soient situés, puissent être aliénés, obligés ou hypothéqués par elle. Qui a jamais douté que l'interdiction prononcée contre le prodigue, contre le furieux, par le juge de son domicile, ne soit un obstacle à l'aliénation des biens mêmes qui sont situés dans le ressort d'une autre juridiction? Qui a jamais douté que le tuteur nommé par le juge du domicile, n'ait le droit d'administrer les biens mêmes qui sont dans le territoire d'un autre juge?

Tenons donc, comme un principe certain, que les coutumes, malgré leur réalité, frappent indirectement sur les personnes qui ne sont pas soumises à leur empire, en statuant directement sur les choses qui y sont soumises; et que, par la même raison, elles agissent indirectement sur les biens qui sont hors de leur territoire, en statuant directement sur les personnes qui y sont domiciliées.

:

Des deux principes qui viennent d'être développés, il en découle un troisième aussi lumineux que certain. Pour juger si un statut est réel ou personnel, il ne faut pas en considerer les effets éloignés, les conséquences ultérieures autrement, comme il n'y a pas de statut personnel qui ne produise un effet quelconque par rapport aux biens, ni de statut réel qui n'agisse par contre-coup sur les personnes, il faudrait dire qu'il n'y a point de statut qui ne soit tout à la fois et personnel et réel; ce qui serait absurde, et tendrait à établir une guerre ouverte entre les coutumes. Que faut-il donc faire? Il faut s'attacher à l'objet principal, direct, immédiat de la loi, et oublier les effets. Si l'objet principal, direct, immédiat de la loi, est de régler l'état de la

personne, le statut est personnel; les effets, par rapport aux biens, ne sont plus que les conséquences éloignées de la personnalité. Au contraire, si l'objet principal, direct, immédiat de la loi, est de régler la qualité, la nature des biens, la manière d'en disposer, le statut est réel; les effets, par rapport aux personnes, ne sont plus que des conséquences éloignées de la réalité.

Telle est aussi la règle immuable qu'ont posée les auteurs les plus éclairés ; et ce n'est pas sur d'autres principes que le législateur lui-même s'est déterminé, dans l'ordonnance des testamens, à regarder comme réel le statut de la survie dans les coutumes de Bourgogne, de Bourbonnais et de Normandie. M. le chancelier d'Aguesseau s'en explique nettement dans ses observations préparatoires.

« Le véritable principe dans cette matière » (dit-il), est qu'il faut distinguer si le statut » a directement les biens pour objet, ou leur >> affectation à certaines personnes, ou leur con>servation dans les familles; en sorte que ce » ne soit pas l'intérêt de la personne dont on > examine les droits ou les dispositions, mais » l'intérêt d'un autre dont il s'agit d'assurer » la propriété ou les droits réels, qui ait donné » lieu de faire la loi; ou si, au contraire, toute » l'attention de la loi s'est portée vers la per>sonne, pour décider en général de son habi»lité ou de sa capacité générale et absolue, » comme lorsqu'il s'agit de mineurs ou de ma»jeurs, de père ou de fils légitime ou illégi » time, d'habile ou inhabile à contracter pour » des causes personnelles. Dans le premier le statut est réel; dans le second, il est >> personnel >>.

» cas,

III. Examinons, à la lumière de ces prin cipes, quelle est la nature, quel est le caractère du statut de l'Autorisation maritale. Nous ne craindrons pas de nous égarer, quand nous prendrons pour guides des génies aussi élevés que M. le chancelier d'Aguesseau, quand nous suivrons la même route que le législa

teur.

Quel est l'objet du statut de l'Autorisation? A quoi tend-il principalement, directement, immédiatement? Quel en est le but essentiel? Est-ce de conserver les biens dans les familles, d'assurer la propriété ou les droits réels d'un tiers, de rendre la femme inhabile à disposer de certains biens? Sans doute, puisque le statut de l'Autorisation ne permet point à la femme de contracter sans l'autorité de son mari, tous les contrats qu'elle aura faits sans cette autorité, toutes les ventes, toutes les alienations seront nulles; les biens rentreront dans sa main, ou dans la main de ses héritiers: TOME II.

les immeubles seront conservés dans la famille. Ce sont là des conséquences du statut de l'Autorisation mais ces conséquences sont-elles ce que la loi a eu directement et principalement en vue?

Les coutumes ne se sont pas contentées de dire que la femme mariée ne pourrait pas, sans l'autorité de son mari, disposer de tels et tels biens, ou qu'elle ne pourrait en disposer que jusqu'à une telle quotité. Elles ont déclaré la femme mariée absolument incapable de rien faire sans l'autorité de son mari: sans l'autorité de son mari, elle ne peut ni vendre, ni donner, ni contracter. Qu'elle ait des biens, ou qu'elle n'en ait pas, que ces biens soient meubles, immeubles, acquêts, propres, situés dans un pays ou dans un autre, elle est toujours dans la même impuissance; toujours ce qu'elle fait sans l'autorité de son mari, est radicalement nul. Si elle fait AUCUN contrat sans l'autorité de son mari, dit l'art. 223 de la coutume de Paris, tel contrat est nul. L'art. 16 de la coutume de Vermandois est encore plus général : Femme mariée ne se peut OBLIGER sans l'autorité de

son mari.

Le statut de l'Autorisation n'a donc aucune relation directe aux biens: il ne se référe qu'à la personne. Il n'établit point dans la personne une incapacité relative à certains biens; il y établit une incapacité générale et absolue; il affecte l'état tout entier de la personne pour toutes sortes de biens, dans toutes sortes d'actes, envers toutes sortes de personnes. Donc, dans ce statut, persona magis quàm res respicitur; imò persona tantùm, nullo modo res respicitur.

Et comment douter de la personnalité de ce statut, sans donner le démenti le plus formel aux coutumes? Less tatuts réels n'ont d'effet que sur les biens qui sont situés dans leur territoire, ils n'en ont aucun au dehors. Supposez maintenant le statut de l'Autorisation réel. Une femme mariée à Paris, domiciliée à Paris, ne pourra, sans l'autorité de son mari, vendre, aliéner, hypothéquer, engager les immeubles qu'elle possède à Paris: mais pour les immeubles qu'elle possède dans les pays de droit écrit, où le statut de l'Autorisation est inconqui l'empêchera de les vendre, de les engager, de les hypothéquer sans l'autorité de son mari? Sera-ce le statut parisien, qui, dans ses dispositions réelles, ne peut avoir aucun empire sur des immeubles de droit écrit? Les contrats que fera la femme sans l'autorité de son mari, ne seront donc pas nuls; ils seront donc tout à la fois nuls et valables, efficaces et inefficaces efficaces pour les biens qui sont

nu,

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