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Les héritages sont, comme le dit d'Argentrée, la matière et le sujet de l'appropriement: ainsi, nul doute qu'ils n'en soient susceptibles; et l'art. 269 de la coutume prouve très-clairement qu'ils le sont.

Il n'en est pas de même des meubles. La coutume, il est vrai, ne dit pas en termes exprès qu'ils ne peuvent pas faire la matière d'un appropriement; mais n'est-ce pas les exclure, que de n'en point parler?

Il semble cependant que d'Argentrée ait voulu autoriser l'appropriement par rapport aux meubles précieux ou considérables, tels que les navires, les pressoirs, les boutiques et les échoppes que l'on acquiert sans les fonds sur lesquels ces objets sont assis: mais son opinion était trop évidemment contraire à la loi municipale, pour être admise.

Le même auteur demande ce que l'on doit décider à l'égard des bois vendus à condition de les abattre et de les enlever du lieu. Sa réponse est qu'on doit les mettre au rang des meubles, et que l'on ne peut s'en approprier, qu'autant qu'on le pourrait faire de tout autre meuble.

Quant aux choses incorporelles, il faut distinguer si elles consistent en droits fonciers ou en droits personnels.

Les premiers sont, sans contredit, susceptibles d'appropriement. Cela est établi par l'art. 269, en ces termes : « On se peut approprier » de tout héritage, ou autre chose réputée » immeuble, soit servitude ou autres droits » réels ».

Ceux des seconds qui sont communément réputés immeubles, tels que les rentes constituées, ont paru à d'Argentrée devoir être mis dans la même classe. « Lorsque ce sont, dit-il, "(on se sert ici de la traduction abrégée de » Poulain de Belair), lorsque ce sont des rentes » perpétuelles avec hypothéque fixe et parti» culière, ou qui portent assiette par conven» tion, on peut en assurer le droit par l'ap» propriement, quoique l'usage et la pratique, » à cet égard, ait été rare. Cette précaution >> est approuvée par les personnes habiles dans l'usage du barreau, lorsque l'on craint les » créanciers antérieurs qui pourraient troubler

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» l'assiette et l'hypothèque; ce qui ferait crain » dre de perdre le prix. Cela s'entend du cas » auquel l'assiette n'est point encore exécutée; » car si elle l'est, il n'y aurait pas de difficulté » que la possession étant donnée pour assigna» tion et payement du revenu, l'approprie>>ment du fonds emporterait celui de la rente».

Cette décision pouvait être bonne dans le temps où les rentes constituées s'établissaient par assiette; elles équivalaient alors, tôt ou tard, à de véritables rentes foncières : mais on doit tenir aujourd'hui le contraire sans difficulté.

« Les rentes purement hypothécaires (dit » Poulain de Belair) ne tombent point sur » l'appropriement. L'hypothèque n'est qu'une » simple sûreté accidentelle au fonds qu'on y » assujettit; et l'on ne peut véritablement s'approprier que des rentes foncières et créées » de la manière dont elles le doivent être pour » qu'on les puisse qualifier de foncières».

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Hévin, sur l'art. 269 de la coutume de Bretagne, rapporte deux arrêts conformes à cette doctrine « Appropriement (dit-il), en ma»tière de rente constituée, ne sert de rien. » Jugé par arrêt du 22 mars 1626. La raison » est que la rente constituée n'emporte qu'hy» pothèque, et non translation de seigneurie » ou propriété du fonds; et le constituant ne » cessant point de posséder, l'acquéreur ne » peut entrer en possession.... Par autre arrêt » du 13 juillet 1629, au rapport de M. de Co»niac, jugé de même, en réformant la sen»tence des juges de Saint-Malo, du 15 no»vembre 1628 ».

Faut-il qu'un héritage ou un droit réel soit certain et déterminé, pour que l'on puisse s'en approprier?

Ce qui fait la difficulté, c'est que l'appropriement suppose une possession, et qu'il semble que l'on ne peut pas posséder une chose incertaine et indéterminée.

Aussi d'Argentrée soutient-il que, quand il y a incertitude ratione loci et ratione quotæ, il ne peut pas y avoir lieu à l'appropriement. «La quotite (dit-il) est incertaine, quand on » ne sait point quelle partie elle fait dans la » chose, et par conséquent lorsqu'il est incer»tain ce qui entre dans le contrat. Il y a in» certitude à raison du lieu, quand on ne peut >> montrer au doigt où cette partie est située; » ce qui arrive dans toute partie qui échoit » d'une chose indivise; car, quoique le fonds >> commun indivis soit sujet aux yeux, cepen» dant la partie indivise ne le peut être, puis» que vous ne pouvez dire que telle motte de » terre, telle souche, et enfin telle partie vous » appartienne et que vous la possédiez, pen

» dant qu'elle est autant à autrui qu'à vous; >> mais on doit ajouter, puisque la possession » doit être locale, il faut en même temps que » le lieu et la quotité soient en incertitude; >> car ce qui est certain ratione loci, peut être » possédé, quoique la quotité soit incertaine, » c'est-à-dire, qu'on ignore si c'est la moitié, » le quart ou le tiers, etc.; et lorsque la quo»tité est certaine, l'incertitude du lieu n'em» pêche pas la possession. Ce n'est que la dou»ble incertitude qui emporte l'impossibilité à » sa réalité; d'où il s'ensuit que, quand on » vend simplement tout et tel droit que l'on >a en telle chose ou en tel fonds indivis, la > tradition qui en sera faite, n'attribuerait pas » de cause de prescrire ou d'approprier ».

On trouve dans les notes d'Hévin sur l'art. 324 de la coutume de Bretagne, un arrêt du 13 mars 1595, qui confirme cette décision, pour le cas du moins où le lieu et la quotité sont incertains. En 1569, un cohéritier avait vendu son quidquid juris (c'est-à-dire, tous les droits qu'il avait), dans une succession. L'acheteur avait approprié son contrat la même année. En 1594, Arthur de Rouvray, lignager du vendeur, intente l'action en retrait ; on lui oppose le laps de temps : il répond que l'appropriement n'a pas pu avoir lieu, « parceque » la possession était incertaine ratione et loci » quotæ »; et l'arrêt cité le juge ainsi.

Cette décision est cependant contredite par un auteur de poids. Poulain du Parc, en sa note i sur la traduction du commentaire d'Argentrée, art. 269, n'hésite pas à dire que, « dans » le cas même de la double incertitude (dont » parle celui-ci), la prise de possession et l'ap>> propriement peuvent avoir lieu; tout dépend » (ajoute-t-il) de l'événement. Par exemple, » il est incertain si un héritage fait partie d'une » succession; il est également incertain quelle >> part celui qui se dit héritier, doit avoir dans ≫ la succession. Il vend son quidquid juris, et » l'acquéreur prend possession de l'héritage » pour la part qui doit revenir au vendeur. » Il s'approprie; après l'appropriement, ses » discussions sont terminées; l'héritage est dé» clare dépendant de la succession, et la part » héréditaire du vendeur est fixée, il paraît » certain qu'alors, l'appropriement a un effet » aussi entier que si l'incertitude ratione loci » et quotæ avait cessé avant la prise de pos» session ».

Mais il est facile de voir que, dans l'espèce dont parle Poulain, il n'y a point d'incertitude sur le lieu, mais seulement une incertitude sur la propriété et sur la quotité, ce qui est bien different; ou du moins que l'incertitude sur le lieu est résolue avant l'appropriement, par

la prise de possession et par les formalités postérieures. S'il était permis d'ajouter quelque chose à une discussion faite par des auteurs aussi éclairés, ne pourrait-on pas dire que l'incertitude du lieu doit suffire pour empêcher la validité de l'appropriement; mais que toute autre incertitude n'y doit pas faire obstacle, parce que l'incertitude du lieu est la seule qui puisse véritablement empêcher que l'objet de l'aliénation ne soit connu de ceux qui ont des droits à la chose?

II. En considérant les biens relativement aux personnes qui les possèdent, on rencontre des cas où il y a lieu de douter s'ils peuvent faire la matière d'un appropriement.

Un sieur Henri avait vendu un héritage en minorité; l'acquéreur s'était approprié dans les cinq mois suivans. Quelques années après, le sieur Henri, qui, devenu majeur, avait ratifié la vente, intenta le retrait, comme perc et tuteur naturel de sa fille; et pour écarter la fin de nou-recevoir que l'on tirait du laps de temps, il prétendit que l'appropriement était nul, parce que les biens des mineurs ne peuvent être aliénés. De son côté, l'acquéreur soutint que la vente en elle-même avait éte valable dès son principe; qu'à la vérité, elle était sujette à rescision : mais que cela ne pouvait pas empêcher l'appropriement. Par arrêt du 13 septembre 1657, rapporté par Hevin sur l'art. 269, no 141, le sieur Henri fut débouté de sa demande. V. Perchambaut sur l'art. 269.

Peut-on s'approprier d'un bien que l'on a acquis d'un usurpateur, d'un détenteur clandestin, d'un possesseur précaire, en un mot, de tout homme qui n'en a pas la propriété ?

L'art. 269 de la coutume contient un principe qui tranche toute difficulté là-dessus. Il faut, dit-il, pour être reçu à s'approprier, que l'on ait acquis de celui qui est saisi et actuel possesseur en son nom, par lui et ses auteurs, par an et jour. Ce principe, suivant la remarque, de d'Argentrée, « est digne d'une » grande attention, et il sert de fondement » à toute cette matière ».

Ainsi, dès que la personne de qui l'on a acheté, avait, en son nom, une possession an· nale, il importe peu, pour l'appropriement, qu'elle ait été propriétaire ou non.

On dit en son nom, et on le dit d'après la coutume. Par là, on comprend bien que le possesseur précaire et le détenteur clandestin ne peuvent pas, en vendant, donner matière à une Appropriance.

Mais si une possession, après avoir été précaire ou clandestine dans son principe, venait à éprouver une interversion qui la rendit véritable et publique, et qu'elle fût telle pen

dant une année, l'acquéreur à qui elle serait transmise au bout de ce temps, pourrait se faire approprier sans difficulté. C'est l'avis de Poulain du Parc, en sa note m sur le commentaire de d'Argentrée, art. 269.

C'est aussi celui de d'Argentrée lui-même. Ce jurisconsulte ajoute, avec raison, que l'interversion ne se présume pas; et que, lorsque le vice de la possession originaire est prouvé, on en suppose la continuation à défaut de preuves contraires. (Traduction de Poulain de Belair, art. 269, no 47).

L'appropriement pris sur la vente qu'un retrayant a faite dans l'année du retrait, est-il valable?

Un arrêt du 13 août 1735, rendu à la deuxième chambre des enquêtes du parlement de Bretagne, a prononcé pour la négative.

Dans l'espèce jugée par cet arrêt, le vendeur avait retiré sous le nom de son fils; et cinq mois après, il avait revendu le domaine, avec stipulation qu'il continuerait de jouir, pendant cinq ans, à titre de fermier. Le premier acquéreur exerça la répétition de retrait, dont il fut débouté par sentence des premiers juges. Pendant le cours de l'instance, le second acquéreur se fit approprier. Le premier acquéreur interjeta appel, tant de la sentence qui le déboutait de sa demande, que de l'appropriement. Il fit voir que l'appropriement était nul, suivant l'art. 275 de la coutume, lorsque le contrat ou les bannies étaient frappes de fraude. Or, disait-il, toutes les circons. tances concourent à prouver ici le dol; et le retrayant n'était point saisi par an et jour, il n'avait même de saisine définitive, lorsqu'il a revendu. Les coutumes d'Anjou et de Tours, dont d'Argentrée et la jurisprudence du parlement de Bretagne ont adopté la disposition, établissent la nullité du retrait par la revente faite avant l'an et jour; d'où il suit le retrayant possédait conditionnellement, et que le retrait, seul titre de cette possession, a été annullé au moment de la revente faite dans les quatre mois. L'arrêt infirma la sentence des premiers juges, et admit la répétition de retrait, en condamnant les intimés aux

que

pas

dépens. (Journal de Bretagne, tit. 1, ch. 111.) Peut-on s'approprier de l'héritage que l'on a acquis d'un débiteur, après la saisie réelle qui en avait été faite sur lui?

Il faut distinguer s'il n'y a eu qu'une saisie avec les formalités ordinaires, sans que le debiteur ait été dépouillé de la jouissance, ou s'il a été fait des baux judiciaires.

Au premier cas, la saisie n'a apporté aucun changement dans la détention corporelle de

l'héritage par le débiteur : les choses demeurent donc dans les termes de la règle qui permet de s'approprier, dès que l'on a acquis d'une personne saisie en son nom par an et jour. Les créanciers ne peuvent s'imputer qu'à eux-mêmes, ou au commissaire aux saisies réelles, d'avoir négligé de faire les baux ordonnés par la loi.

Mais si le débiteur a été dépouillé par des baux judiciaires, quand même il en serait adjudicataire sous un nom interposé, il est réellement dépouillé de la jouissance; et quoiqu'il soit toujours regardé comme le possesseur et le propriétaire du bien, on ne peut pas admettre dans sa personne la qualité de saisi en son nom, qui est si nécessaire pour fonder l'appro priement de l'acquéreur. On sent d'ailleurs que les créanciers, après avoir observé toutes les formalités prescrites pour les saisies réelles, ne peuvent pas être obligés de se pourvoir devant un autre tribunal, ni d'intervenir dans une autre instance que celle de la saisie, même pour conserver leurs droits sur l'héritage saisi.

d'acquérir la propriété, l'autre d'acquérir la Comme l'appropriement a deux effets, l'un libération des charges qui sont imposées sur l'héritage: on parlera de ce dernier objet au S. 9, no 1.

S. II. Des titres susceptibles d'appropriement.

L'art. 269 de la coutume de Bretagne admet l'appropriement par trois bannies, de tous contrats et titres reçus de droit et de coutume, habiles à transférer seigneurie; mais il ajoute qu'il faut que l'acquisition ait été faite de celui qui est saisi et actuel possesseur, en son nom, par sition paraît plus équitable que la nécessite lui et ses auteurs par an et jour. Cette dispod'un simple titre exigé par le droit romain pour les prescriptions.

Il parait que, dans l'origine, l'on ne pouvait s'approprier par bannies qu'en cas de vente et achat: les autres titres n'opéraient l'appropriement qu'après une possession d'an et jour, comme l'indique d'Argentrée, sur l'art. 265 de l'ancienne coutume, Glose C, nos 3 et 4.

de Bretagne specifiait néanmoins cinq titres Le chap. 40 de la très-ancienne coutume d'Appropriance : l'achat, le prisage, la permutation ou échange, la donation et le feage. Ces titres sont en effet ceux qu'on emploie le plus communément pour transférer la propriété à un autre. D'ailleurs, suivant l'observation de Perchambaut, no 3, « les successions, » les démissions et les partages ne sont qu'une » continuation de possession. Les transactions » et sentences déclarent seulement les droits

» anciens, et n'en donnent pas de nouveaux, » à moins que ce ne soit une adjudication par » décret, ou une transaction par laquelle on » donnerait un héritage non contesté; ou que » l'on ne constituât un titre sacerdotal, parce» que tout cela donne de nouveaux droits ». Il n'est pas douteux, dans ces derniers cas, qu'il ne fallût s'approprier pour purger les hypothèques des créanciers, ou les autres droits des ayans-cause de celui avec qui on traite.

D'Argentrée paraît croire néanmoins que, dans tous les cas, on peut se servir d'une sentence comme d'un titre capable d'opérer l'appropriement, quoiqu'il convienne qu'il n'a vu personne user de cette précaution.

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Poulain du Parc, sur l'art. 269, regarde cette distinction comme plus subtile que solide. L'appropriement (dit-il) n'a son effet » qu'autant que le titre est valable; et ceux » qui ont qualité pour attaquer le titre, peu>> vent, en le faisant annuller, rendre l'appro» priement sans effet. Il semble qu'on doit con»clure de ce principe, que l'appropriement » ne pourrait être un obstacle contre ceux qui >> auraient qualité pour attaquer le jugement, » et qui auraient de justes griefs. C'est peut-être » par ce motif que, des le temps de l'auteur, » il n'était pas d'usage de s'approprier en cette » matière. Cependant il y a une espèce où la » distinction de l'auteur pourrait se soutenir. » Par exemple, l'usurpateur d'un héritage l'a » possédé par an et jour; il promet de le ven» dre, et on l'assigne pour exécuter sa pro» messe intervient sentence par laquelle il » est ordonné que, faute à lui d'avoir passé » contrat, le jugement en tiendra lieu; et il >> est permis au demandeur de prendre posses»sion et de s'approprier. Ne peut-on pas dire, » dans cette espèce, que l'usurpateur ne ré>> clamant pas, celui sur lequel il avait usurpe, » serait exclus par l'appropriement ? »

On peut ajouter à ces observations qu'un jugement ordinaire, à la différence d'un contrat, indique à l'acquéreur que le titre de son vendeur n'est pas sûr tant qu'on n'a pas acquiesce au jugement, et par conséquent qu'il constitue cet acquéreur dans une espèce de

mauvaise foi. Autre chose serait si la sentence avait été suivie d'acquiescement et de possession annale; cet acquiescement formerait alors un véritable contrat, habile à transférer seigneurie.

Peut-on s'approprier, en vertu d'une donation à cause de mort, du vivant du donateur? D'Argentrée pense que « si la donation a » été suivie de tradition et de prise de posses»sion, l'appropriement est valable contre tous

» étrangers ». (Traduction déjà citée, art. 269, no 78.)

Mais, suivant Poulain du Parc (Loc. cit., note g), « cette opinion est contraire à tous » les principes que d'Argentrée lui-même a » établis sur le titre des appropriemens. On ne » peut s'approprier qu'en conformité du titre, » et il faut, pour cela, que la propriété soit » transférée par le tiers. Or, dans l'espèce » d'une donation à cause de mort, la propriété » n'est point transférée du vivant du dona» teur, dont la mort seule peut établir le droit » du donataire. Si la possession lui est cédée » par le donateur, ce ne peut être en vertu du » don à cause de mort, qui réclame même » contre cette translation de possession. Ainsi » la jouissance du donataire ne peut être que » l'effet d'un consentement particulier du do» nateur, absolument différent du titre par » lequel la propriété appartiendra au dona» taire, en cas que le donateur meure sans » avoir révoqué la donation. Peût-on dire que, » sur une pareille cession de la possession, le » donataire puisse s'approprier d'un bien dont » la propriété ne lui est point encore acquise? » On comparerait mal-à-propos cette espèce >> aux contrats conditionnels. La différence est » entière. Par ces contrats, la propriété est » transférée sous la condition stipulée, et l'ac» quéreur ne s'approprie qu'à la charge de la » condition; mais la donation à cause de mort » ne donne point au donataire une propriété » conditionnelle du vivant du donateur, puis» que la nature de cette libéralité est que le » donataire ne puisse être propriétaire qu'au » moment de la mort du donateur ».

s'accorde-t-elle avec les principes qui fixent le Cette critique de Poulain est spécieuse : mais caractère de la donation à cause de mort ? Les fait une donation de cette espèce, avec tradition lois romaines nous disent que, quand il a été effective, elle transfere au donataire, du vivant même du donateur, une propriété résoluble, il est vrai, mais qui n'en existe pas moins sur sa tête, tant qu'elle n'est pas révoquée par celui-ci. De là, le droit de revendiquer que lui attribue la loi 29, D. de mortis causá donationibus, en attendant que la condition ou le changement de volonté, qui peuvent faire faillir la donation, soient opérés : Si mortis causá res donata est, et convaluit qui donavit, videndum an habeat in rem actionem, et si quidem quis sic donavit....ut jam nunc haberet, · redderet si convaluisset, vel de periculo vel peregrè rediisset : potest defendi, in rem competere donatori, si quid horum contigisset; interim autem ei cui donatum est.

On sait, enfin, que le donataire, à cause de

mort de la chose d'autrui, peut prescrire contre des tiers pendant la vie du donateur, comme le prouve la loi 13 du titre cité (Si alienam rem mortis causá donavero, eaque usucapta fuerit, verus dominus eam condicere non potest, sed ego, si convaluero. V. Voet sur le digeste, titre Pro donato); et l'on ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas, dans le même temps, faire un appropriement qui opère, conformément à l'avis de d'Argentrée, contre tous étrangers.

S. III. De l'insinuation du contrat. La célérité avec laquelle on accomplissait les formalités de l'appropriement par les trois bannies qu'exige la coutume de Bretagne, et les infidélités commises par les sergens, relativement aux bannies, donnèrent lieu d'établir une nouvelle formalité par un édit donné à Nantes au mois d'août 1626.

Cet édit, qui est rapporté au chap. 59 du tome 2 du Journal des audiences de Bretagne, porte

1o. Qu'il sera érigé en titre d'office hérédi taire, en chaque juridiction royale de la province de Bretagne, un greffier des insinuations des contrats de ventes, échanges et autres aliénations d'héritages et choses censées immeubles, où tous acquéreurs seront tenus de faire insinuer leurs contrats six mois avant se pouvoir valablement approprier d'iceux, soit par le laps de temps de dix ou quinze ans, ou par bannies, suivant la coutume, à peine de nullité desdits appropriemens, et de tous dépens, dommages et intérêts contre les juges qui auront fait l'acte d'appropriement, sans avoir l'acte d'insinuation fait six mois auparavant;

2o. Que l'insinuation se fera avant de pouvoir prendre possession, à peine de nullité des appropriemens faits autrement et sans qu'ils puissent être confirmés par quelque laps de temps que ce puisse être, nonobstant tous les articles de la coutume de Bretagne à ce contraires, auxquels il est dérogé à cet égard;

3o, Que, lors des bannies, et après la lecture du contrat, l'acte d'insinuation sera banni par le sergent avant l'acte de prise de possession, sous les mêmes peines;

4°. Que le greffier prendra pour son droit, savoir pour les contrats au-dessous de 50 liv., 20 sous; de 50 liv. jusqu'à 100, 32 sous; de 100 liv. jusqu'à 300 liv, 48 sous; de 300 liv. jusqu'à 600 liv., 64 sous; de 600 liv. jusqu'à 1000 liv., 4 liv. 16 sous; de ceux de 1000 liv. jusqu'à 2000 liv., 6 liv. 8 sous; de 2000 liv. jusqu'à 3000 liv., 8 livres; de tous autres généralement au-dessus de 3000 liv., 12 liv. 16 sous;

5°. Que le greffier sera tenu d'avoir des registres reliés, tous les feuillets desquels seront

côtés et chiffrés par les juges royaux des lieux; et d'insérer sur la grosse des contrats qui lui sont présentés, le jour auquel ladite insinuation aura été faite, en quel volume elle aura été enregistrée, et le nom du greffier ou son commis qui l'aura insérée sur ledit registre; qu'il sera pareillement tenu de faire une table, chaque jour, du nom et surnom des acquéreurs qui auront insinué leurs contrats, et des vendeurs dénommés en iceux; laquelle table et registre il sera tenu d'exhiber à tous ceux qui l'en requerront, ayant seulement 5 sous pour salaire; enfin, qu'il sera tenu de faire arrêter par les officiers des lieux, de six mois en six mois, ladite table et registre des noms desdits acquéreurs et vendeurs, qu'il fera par ordre du jour et date desdites insinuations pour éviter à confusion, et de délivrer copie desdites tables auxdits acquéreurs, vendeurs et créditeurs qui les requerront, et même des contrats qui seront insinues, étant payé de la grosse d'iceux, à raison de six sous pour feuille de papier; et s'ils le veulent en parchemin, suivant le prix qui se paye aux autres greffiers royaux.

6o. Pour prévenir les frais multipliés qu'occasionaient les oppositions et les contestations qui en étaient la suite, l'édit ordonne que « les » acquéreurs insinuant leursdits contrats, se»ront tenus élire leurs domiciles en la ville » où ledit greffe des insinuations sera établi » pour y recevoir tous exploits d'opposition » ou plégement, qui seront faits aux appro» priemens desdits contrats, lesquels vau» dront tout ainsi que si faits étaient à leurs » propres personnes ou domiciles ordinaires; » et qu'il ne sera pris par les juges ni taxe » pour ledit exploit et plégement fait audit » domicile élu et choisi par ledit acte d'insi» nuation, que 5 sous seulement ».

Le sommaire de cet édit, qu'on a joint à quelques éditions de Sauvageau, et particulièrement à celle qui a été imprimée à Rennes en 1771, en présente un extrait assez inexact. On y fait dire, par exemple, à l'édit, que l'acquéreur insinuant sera tenu de nommer un procureur auquel on pút dénoncer les oppositions et les plégemens; tandis que cette loi exige seulement, comme on vient de le voir, qu'on elise un domicile dans la ville où le greffe des insinuations est établi.

C'est sans doute, sur ce fondement-là qu'on argua de nullité un appropriement, sous prétexte que, lors de l'insinuation, l'acquéreur n'avait point institué de procureur, quoique l'édit de 1626 exigeát cette formalité. L'acquéreur que l'on attaquait sous ce prétexte, ne contesta pas même le principe; mais il soutint « que la formalité d'instituer un procu

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